Hervé Burel, un syndicaliste breton du siècle dernier, écrit l'histoire de sa famille depuis 1789, dans un breton littéraire au plus fort des interdits pesant sur la langue bretonne. Son manuscrit a été retrouvé, dormant dans la malle, jamais ouverte jusque-là, des archives familiales.
Un miroir étonnant des Mémoires du paysan bas-breton, de Jean-Marie Déguignet.
Alors que ce dernier universalise par le français, un discours local sur le peuple en Bretagne et l'ordre social et politique tel qu'il l'a connu, Hervé Burel localise par le breton un discours de portée universelle.
Il y a décidément bien des trésors qui dorment dans les greniers.
En 2007, la famille de l'arrière-petit-fils d'Hervé Burel ouvre une malle restée longtemps fermée dans le grenier de la maison familiale et y découvre deux cahiers de comptes noirs : 530 pages écrites en breton à l'encre noire ou mauve, d'une écriture soignée et stylisée...
L'aventure intellectuelle et littéraire d'Hervé Burel est inattendue : un paysan qui écrit alors que son rang social aurait dû en faire un exclu de l'écriture littéraire, un paysan anticlérical et anti-noble en pays léonard, un paysan breton issu d'une famille protestante, une parole confinée au cadre manuscrit et donc jamais entendue jusqu'à ce jour, un choix d'écriture en langue bretonne au paroxysme de l'interdiction officielle de la langue bretonne dans le cadre religieux et dans des années où le modèle linguistique français en Basse-Bretagne touche un nombre de personnes de plus en plus important, un breton mondain dans la bouche d'un paysan, l'ombre des romans-feuilletons français chez un bretonnant. Une oeuvre unique et surprenante...
Burel a pris conscience de la hiérarchie sociale inégalitaire, l'assujettissement des pauvres aux classes dominantes incarnées par la noblesse et le clergé. Il est celui qui est en bas, celui qui est exploité, celui volontairement maintenu dans l'ignorance, volontairement maintenu de l'autre côté du fossé creusé par les classes dominantes pour empêcher le peuple d'atteindre le domaine du politique mais, lui, il a vu ce fossé et a décidé de le franchir et de le dénoncer en prenant, pour partie, modèle sur les « Mystères du Peuple » d'Eugène Sue publié en 1849, et en retraçant son histoire et celle de ses ancêtres paysans depuis 1789.
L'auteur n'a pas pour projet d'incarner la voix populaire, la voix quotidienne des paysans, prise sur le vif. Au contraire, sa langue appartient à un registre élevé de breton parfois même influencé par des formes linguistiques et littéraires mondaines...
Les mémoires du paysan bas-breton Jean-Marie Déguignet (« Les mémoires du paysan bas breton – 1834-1905 ») ont eu un succès très important il y a quelques années, lors de leur publication.
Découvrir qu'un paysan avait osé écrire et qu'il l'avait fait pour dénoncer l'ordre social établi et avec une telle insolence et virulence de ton ont alors stupéfait plus d'un lecteur.
On pourrait penser qu'Hervé Burel est un deuxième Déguignet. Ces deux textes dénoncent, en effet, l'injustice sociale et la misère du peuple. Pourtant Déguignet semble plus anarchiste et en révolte contre tous, et Burel davantage impliqué dans la lutte syndicale et valorisant le respect et l'émancipation face au mépris et au mensonge.
Par contre, ce qui les distingue radicalement, c'est le choix de la langue d'expression : Déguignet utilise la langue française parce qu'elle représente pour lui la langue de l'émancipation et de la culture. Burel, lui, écrit en breton, non par militantisme, mais parce qu'il maîtrise un spectre large de registres de langue en breton et est capable d'une expression en breton cultivé.
Le résultat de leurs expressions donne finalement une image en miroir : alors que Jean-Marie Déguignet universalise par le français un discours local sur le peuple en Bretagne et l'ordre social et politique tel qu'il l'a connu, Burel localise par le breton un discours de portée universelle.
Un livre de 616 pages, relié, cousu, couverture quadri cartonnée, impression noir et blanc sur papier bouffant, format 16 x 24 cm.
Livre bilingue breton / français
Une coédition Skol Vreizh/CRBC-UBO
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