Le projet de loi issu du Grenelle de l'Environnement comporte une mesure qui prête à controverse, particulièrement en Bretagne : l'instauration d'une « écotaxe » sur le transport de marchandises par la route hors réseau autoroutier.
L'article 10 du projet de loi est ainsi rédigé : « Une taxe kilométrique sur les poids lourds visant à réduire les impacts environnementaux du transport de marchandises et à financer les nouvelles infrastructures nécessaires à la mise en œuvre de la politique durable de transport pourra à compter de 2011, après expérimentation, être perçue à raison du coût du réseau routier national non concédé et des routes départementales et communales susceptibles de subir un report de trafic ».
Présentée comme une mesure de lutte contre le changement climatique et ses conséquences, le principe même de cette écotaxe ne peut pas être rejeté par ceux qui ont le souci de l'avenir de la planète et de l'humanité. Ce qui est contestable en revanche c'est l'absence de la moindre prise en compte des différents contextes territoriaux. Or, celui de la Bretagne apparaît particulièrement défavorable.
Sans une prise en compte appropriée du facteur territorial, l'écotaxe reviendrait à taxer la Bretagne trois fois.
1) Région maritime excentrée et qui plus est péninsulaire, la Bretagne n'est pas un territoire de transit pour le transport terrestre. De ce fait elle se retrouve absente des schémas européen et français du fret ferroviaire ou fluvial. Et comme le cabotage maritime ne bénéficie d'aucune politique publique de soutien un tant soit peu substantielle (le projet de loi propose en tout et pour tout 80 millions d'euros pour les liaisons atlantiques et méditerranéennes), la Bretagne est aujourd'hui et encore pour de longues années sans doute dans l'incapacité matérielle de reporter une part significative du fret routier vers le rail et la mer, car cela ne s'improvise pas. Le projet de loi du gouvernement propose certes de financer trois autoroutes ferroviaires mais aucune ne concerne la Bretagne. Dans un contexte où le fret routier n'a pas d'alternative opérationnelle mis à part les lignes de ferries gérées par la Brittany Ferries entre la Bretagne, le sud de la Grande Bretagne, l'Irlande et le nord de l'Espagne, il est clair qu'un bien produit en Bretagne est plus coûteux à transporter aux quatre coins de l'Europe qu'un bien produit dans une région plus centrale comme l'Île-de-France ou Rhône-Alpes. Dans ses modalités actuelles l'écotaxe ne ferait qu'accroître cette distorsion de concurrence. Et elle serait encore plus préjudiciable à Brest qu'à Rennes ou Nantes. La Bretagne est donc victime une première fois non pas de son caractère maritime, qui constitue au contraire un atout précieux, mais de politiques de niveau français et européen qui ignorent ce potentiel.
<2) La Bretagne n'a pas de réseau autoroutier qui lui permettrait de s'exonérer du projet d'écotaxe. Remarquons que si tel était le cas, la vitesse maximum autorisée pour les véhicules légers serait non pas de 110 mais de 130 km/h… ce qui, chacun en conviendra, ne serait pas de nature à réduire les émissions de gaz à effet de serre responsables du réchauffement climatique. Si la Bretagne n'a pas de réseau autoroutier c'est parce qu'elle a considéré comme prioritaire de desservir un maximum de communes dans le souci d'un aménagement équilibré du territoire. Qui le lui reprochera ? Mais ce faisant, ses entreprises de transport routier ne pourraient échapper à l'écotaxe telle qu'elle est actuellement pensée. Deuxième sanction pour la Bretagne.
3) Le handicap de l'absence d'alternative opérationnelle pour un report modal et celui de l'absence d'autoroutes se cumulent pour faire de la Bretagne la région dont les opérateurs économiques contribueraient le plus à l'écotaxe. Ceux-ci évoquent une proportion de 10 % du produit de l'écotaxe quand la Bretagne administrative pèse 5 % de la population française. La Bretagne serait donc deux fois plus taxée que la moyenne des régions françaises.Troisième sanction.
La sagesse et l'équité voudraient que l'écotaxe sur le transport routier ne puisse entrer en application qu'après une intégration du facteur territorial. Ouvrons sereinement ce débat, quitte à reporter de quelques mois l'adoption de la disposition législative, l'entrée en vigueur de l'écotaxe n'étant de toute façon pas prévue avant 2011. On y trouvera en même temps l'opportunité de compléter la loi d'une garantie quant à l'affectation écologique du produit de la taxe vers toutes les régions et non pas celles seulement qui concentrent déjà l'activité économique.
Christian Guyonvarc'h
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