Duo Gauthier / Guével, une création autour de la musique de couple

Chronique publié le 14/12/17 19:25 dans Cultures par norbert guihéneuf pour norbert guihéneuf
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Création Gauthier Guével / FIL 2017

Invités lors de la dernière édition du Festival interceltique à présenter une carte blanche autour de leur musique de couple, les sonneurs Fred Gauthier et Yves Guével ont choisi de s’entourer du musicien-habilleur sonore Sylvère Morisson et du bassiste Étienne Callac. Le résultat en est une musique novatrice, élégante, qui transporte le couple biniou-bombarde dans une atmosphère hypnotique sans en altérer l’authenticité.

Retour, en compagnie du duo, sur l’élaboration de cette création.

Musique Bretonne : On vous connaît beaucoup en couple biniou-bombarde, mais vous avez aussi tous deux fait partie du bagad de Lorient. Depuis combien de temps jouez-vous ensemble ?

Yves Guével : Cela fait à peu près une quinzaine d’années que nous sonnons ensemble en couple et au bagad de Lorient où nous nous sommes rencontrés. Nous avons également formé, il y a dix ans, le groupe de fest-noz GPG dans lequel Fred joue de la guitare celtique et moi du uilleann pipe.

M.B. : Quel a été votre parcours ?

Fred Gauthier : Pour ma part, j’ai commencé la musique par la guitare, je jouais deux, trois accords avec les copains pour m’amuser.

Et puis, je suis allé au festival interceltique de Lorient et j’ai vu au fest-noz des couples de sonneurs. J’ai été attiré par le son, leur prestance, l’énergie… Dès la rentrée suivante, avec un ami, Maël Paillot, je m’inscrivais à Amzer Nevez pour prendre des cours de bombarde. C’est la découverte de la musique traditionnelle qui m’a fait approfondir la guitare, découvrir le DADGAD qui est un accordage différent de l’accordage standard, que j’utilise dans notre groupe GPG et le trio Le Ruyet.

Yves Guével : Tout jeune, je suis tombé amoureux du biniou koz, c’est vraiment mon instrument de prédilection. Après, je suis passé à la bombarde assez rapidement et puis, au bout de quelques années, j’ai vraiment été attiré par le uillean pipe pour son côté chaleureux.

À partir de là, comme je connaissais Fred par le biais du bagad de Lorient, avec Maël Paillot qui joue du piston, nous avons eu envie de créer un petit trio entre potes, un trio uillean pipe-guitare-piston qui est devenu GPG [où l’on retrouve également Cédric Le Méchec aux percussions, Gwendal Le Ruyet au chant et Tanguy Jégou à l’accordéon diatonique].

Dernièrement, nous avons créé une autre formation, qui s’inscrit plus dans une formule concert : le trio Le Ruyet. On y retrouve la guitare et le uillean pipe ainsi que le chant en breton de Gwendal.

M.B. : Lorsque le Festival interceltique vous a sollicités pour son édition 2017, qu’avez-vous eu envie de présenter ?

F.G. : Le projet est né l’année dernière quand le festival, par le biais de Thomas Moisson, nous a proposé une carte blanche autour de notre musique de couple. Nous avons bien sûr immédiatement accepté. Yves travaillant déjà avec Sylvère Morisson dans le groupe Tanaw qui fait de la musique « transceltique », il a eu l’idée de l’inviter à nous rejoindre pour cette création, avec son univers musical à lui. Il a également suggéré d’inviter le bassiste Étienne Callac pour compléter cette enveloppe sonore. J’ai tout de suite été séduit par le projet. C’est ainsi que nous nous sommes lancés.

Y.G. : L’idée était d’apporter un côté moderne, une enveloppe vraiment différente de ce que l’on peut entendre habituellement dans la musique de couple. Le duo biniou-bombarde, pour le public néophyte, peut paraître un peu redondant et répétitif. Ici, Étienne et Sylvère, au synthé et à la basse, apportent vraiment une autre dynamique, une enveloppe novatrice par des arrangements hypnotiques. Cela embellit, je trouve, les mélodies et les marches que l’on joue.

Notre répertoire est axé sur le terroir du pays vannetais qui est très riche avec de belles marches et mélodies. Plutôt que de jouer des danses, ce qu’on entend le plus souvent, nous avons voulu réfléchir à une formule concert et proposer une musique de couple à écouter.

M.B. : Comment avez-vous monté votre répertoire ?

F.G. : Comme cela fait une quinzaine d’années que nous sonnons ensemble, nous nous sommes créé un répertoire de marches, de mélodies et de danses vannetaises. Nous nous sommes servis de ce répertoire que nous jouons en fest-noz, en concours ou lors d’animations de sonneurs. Mais nous avons quand même travaillé à chercher de nouveaux airs, cela a été un gros travail en amont. Dans notre démarche, nous avions envie aussi d’apporter de la variation dans les thèmes de notre répertoire existant, et puis quelques-unes de nos compositions. Nous avons présenté ce répertoire à Sylvère et Étienne, ils ont travaillé des arrangements pour créer une dynamique, une bulle sonore pour nous mettre vraiment comme dans un fauteuil.

M.B. : Quel est plus concrètement ce répertoire, d’où vient-il ? Où êtes-vous allés chercher d’autres airs ou sources d’inspiration pour la composition ?

F.G et Y.G : Étant de la région lorientaise, nous avons naturellement développé un répertoire de musique vannetaise. C’est la musique que nous entendons le plus depuis que nous sonnons. C’est un répertoire venant des chanteurs, sonneurs du coin. Nous avons souhaité approfondir le répertoire du pays de Lorient, principalement en écoutant les fonds de collectages Dastum, notamment à Port-Louis avec les chanteuses Madalen Jouanno et Nana Le Louer, ainsi que la chanteuse lorientaise Sofi Le Hunsec.

Notre source d’inspiration nous vient de tout ce que nous avons pu écouter depuis que nous sonnons.

M.B. : Aviez-vous déjà travaillé votre musique de couple dans l’optique d’un concert ? Ce contexte a-t-il influencé votre choix de thèmes, votre façon de jouer ?

F.G. : Nous avions déjà joué ensemble avec Yves en concert, notamment avec le trio Le Ruyet, mais je jouais de la guitare. C’était une première pour moi de jouer en bombarde pour une création.

Y.G. : Pour ma part, j’avais déjà joué avec Sylvère dans le groupe Tanaw du biniou et du uilleann pipe, mais pas du tout en couple. C’était donc également une première pour moi que de jouer cette création.

F.G. et Y.G. : Le contexte n’a influencé ni nos thèmes ni notre répertoire. Notre démarche artistique était de garder notre musique de couple tel que nous la jouons d’habitude, sans l’altérer. Le couple de sonneurs reste le devant du propos, avec un univers qui nous met en valeur.

M.B. : L’apport du clavier et de la basse fait penser à la démarche du groupe Fleuves. Est-ce que leur travail vous parle ? Avez-vous l’impression de vous inscrire dans une même tendance ?

F.G. et Y.G. : Nous aimons beaucoup le groupe Fleuves qui apporte une nouvelle énergie à la scène bretonne. Notre formule avec la basse et le synthé nous donne une esthétique commune, c’est certain. En tout cas, l’important pour nous était de montrer que les sonneurs de couple peuvent être modernes tout en respectant la tradition.

M.B. : Imaginez-vous transposer un jour la formule en fest-noz ?

F.G. et Y.G. : Oui bien sûr, nous y avons pensé car il y a déjà des danses dans notre concert. De plus, nous avons eu un très bon retour du public et des danseurs.

M.B. : Quelle suite souhaiteriez-vous pour cette création ?

F.G. et Y.G. : Nous aimerions refaire ce concert, c’est sûr. Nous n’avons pas encore démarché d’organisateurs mais nous serions partants.

M.B. : Cette expérience vous donne-t-elle aujourd’hui de nouvelles envies, inspirations ?

F.G. et Y.G. : C’était une très belle expérience, une belle rencontre, tant humainement qu’artistiquement. Pour le moment, nous n’avons pas d’autres projets. Nous aimerions promouvoir et faire tourner celui-ci avant de passer à autre chose. Peut-être un CD, qui sait...

En même temps, nous allons continuer notre vie de sonneurs, préparer les concours, jouer en fest-noz et prendre du plaisir à sonner…

Reportage et photos : Norbert Fest Noz

Publication originale dans la revue Musique Bretonne n° 253 éditée par Dastum (voir le site)


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