À quelques jours de l'ouverture du 19e Festival du livre en Bretagne et du 22e Salon des romanciers bretons, on apprend la triste nouvelle de la disparition du romancier Jean Coué, le 10 octobre dernier. Jean Coué était venu plusieurs fois dédicacer ses livres dans l'une et l'autre manifestations et il était depuis de nombreuses années membre de l'Association des écrivains bretons. Il laisse une œuvre riche de plus d'une trentaine de titres, dont certains ont atteint des tirages très importants et ont été traduits dans de nombreuses langues.
Jean Coué était né de parents bretons le 27 décembre 1929 à Paris, dans le XVe arrondissement. Son père était originaire du Temple en Carentoir (Morbihan) et sa mère de Saint-Séglin (Ille-et-Vilaine). Après des études secondaires 'fantaisistes' (selon sa propre expression), Jean Coué avait d'abord travaillé chez Panhard-Levassor, puis il avait été chansonnier, de 1952 à 1958, dans des cabarets de la Butte-Montmartre : le «Caveau de la République »et le «Théâtre de Dix Heures». Il avait aussi dans cette période participé de manière régulière à diverses émissions de radio dont «le Grenier de Montmartre» et «L'École des chansonniers».
Entré en 1958 dans la compagnie nationale Air France, il avait été envoyé en 1963 en Algérie comme chef de l'agence d'Alger, quelques mois après que le pays ait accédé à l'indépendance et, parallèlement, en journaliste occasionnel travaillant pour plusieurs titres de la presse française, il avait eu l'occasion de rencontrer alors diverses personnalités politiques, dont Ahmed Ben Bella, Ferhat Abbas et Krim Belkacem. Il avait réellement sympathisé avec le président Ben Bella et, 40 ans plus tard, il bouillait encore de colère en évoquant le traitement indigne que lui avait réservé son successeur Houari Boumédienne après le coup d'État de 1965. À Alger, Jean Coué avait eu aussi l'occasion d'interviewer longuement Che Guevara, venu organiser la fameuse conférence tricontinentale. Il avait aussi rencontré divers écrivains importants, dont Georges Arnaud, Armand Lanoux, Françoise Mallet-Joris et surtout Robert Merle, qui allait avoir une influence déterminante dans sa vocation d'écrivain.
En 1967, Jean Coué auquel son appartenance à la compagnie Air France permettait de voyager facilement aux quatre coins du monde et qui avait pu ainsi se rendre en Laponie, fit paraître son premier roman aux éditions Robert Laffont dans la collection Plein Vent : «Kopoli, le renne guide». Dans ce beau livre, il faisait revivre dans un style captivant la grande migration annuelle des Sames avec leurs milliers de rennes dans le nord de la Scandinavie. Ce livre ne connut qu'un succès limité auprès du public adulte en France, mais il fut traduit en d'autres langues et parut en allemand en 1970, puis en flamand et néerlandais ainsi qu'en portugais en 1971, en italien en 1972... En 1980, Pierre Marchand, patron de Gallimard Jeunesse, le reprit dans la collection Folio Junior, où il allait connaître cette fois un joli succès et être réimprimé plusieurs fois.
Prenant conscience qu'il avait un réel talent pour l'écriture de romans d'aventures pouvant captiver la jeunesse, Jean Coué allait publier successivement une trentaine de livres, dont beaucoup allaient être traduits en de nombreuses langues, dont, en plus de celles déjà cités, le castillan, l'italien, le portugais, le roumain, le tchèque, etc. Plusieurs de ses livres exprimaient son amour de l'Algérie et du peuple algérien : «Les Veillées d'Alouma, contes kabyles» (1968), «Le Dernier rezzou» (1971), «L'infini des sables» (1987), «Djeha le malin et autres contes kabyles» (1993), «Les 80 palmiers d'Abbar Ben Badis» (1993), etc. D'autres romans de Jean Coué étaient inspirés par des épisodes de l'histoire de la Bretagne : «La Guerre des Vénètes» (1969), «Le Nabab du Grand Mogol»(1971), etc. Les livres de Jean Coué n'ont jamais été des livres à l'eau de rose et plusieurs d'entre eux abordent des questions difficiles : ainsi «Comme un chien» (1997) soulève avec un réalisme poignant le problème des personnes âgées dont les familles cherchent à se défaire en les abandonnant à leur sort dans des maisons qui ne sont que des 'mouroirs'... Dans «L'Harmonica rouge»(1995), il raconte avec beaucoup de délicatesse l'histoire d'une jeune Bretonne enceinte d'un soldat allemand et violemment condamnée et rejetée par tous, comme tant d'autres dans son cas, à la Libération...
Jean Coué était lié d'une grande amitié avec Roger Gargadennec, écrivain de langue bretonne et grand érudit de Pont-Croix et du Cap-Sizun, qui avait été son collègue à Air France, et il était lui-même passionnément attaché à la Bretagne. Dès qu'il put prendre sa retraite, il vint s'installer en 1987 dans le Pays Vannetais, à Bubry, où il put se consacrer totalement à l'écriture puis, par la suite, il était allé s'établir en Cornouaille, à Édern, entre Briec-de-l'Odet et Trégourez.
À tous ceux qui l'ont connu, Jean Coué laissera le souvenir d'un homme de caractère, aux fortes convictions, et, en même temps d'un joyeux compagnon, ouvert, accueillant et chaleureux, des qualités que l'on retrouve chez beaucoup de personnages de ses romans, lesquels restent passionnants à lire.
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