On a dit en parlant de l'Afrique : «Quand un vieil homme meurt, c'est une bibliothèque qui brûle», mais, en apprenant la disparition de Gwennole ar Menn, qui était encore loin d'être un vieil homme, cet après-midi à Saint-Brieuc, c'est exactement ce que peuvent se dire tous ceux qui l'ont connu. Avec lui, la Bretagne perd aujourd'hui un très grand spécialiste de la matière bretonne et celtique. Ses connaissances étaient encyclopédiques et on avait le sentiment qu'il ne s'arrêtait jamais de chercher et de découvrir, sa rigueur était proverbiale mais on était aussi frappé par sa simplicité et sa gentillesse. C'était également un grand vulgarisateur, tant par ses innombrables émissions de radio, puis de télévision, que par ses non moins nombreuses publications.
Gwennole ar Menn était né à Paris le 14 juin 1938. Il était le fils aîné d'Hervé Le Menn (Hanvec, 1899 - Paris, 1973), employé à la RATP, excellent bretonnant et co-fondateur, avant guerre, de Kenvreuriezh ar Viniaouerien (KAV), association des sonneurs, qui avait joué un rôle essentiel dans la relance du biniou, et qui avait notamment publié plusieurs recueils d'airs traditionnels.
À Paris, Gwennole avait fait partie de la troupe scoute bretonne Bleimor durant la plus grande partie de sa jeunesse, en compagnie de Donatien Laurent, d'Alan Cochevelou (Alan Stivell) et de nombreux autres jeunes Bretons qui allaient jouer un rôle important dans la spectaculaire renaissance de la culture bretonne à partir des années 1960.
Après quelques années d'enseignement (sciences), Gwennole ar Menn était entré au CNRS où il a devait faire toute sa carrière. Marié à Garmenig Ihuellou, il en eut quatre fils, élevés en breton et tous les quatre très actifs aujourd'hui au service de la culture bretonne. Garmenig avec qui il formait un couple admirable, a été elle-même extrêmement active à ses côtés et écrit ainsi plusieurs romans pour la jeunesse en breton.
Spécialiste d'anthroponymie (noms de personnes) et de toponymie (noms de lieux), Gwennole Le Menn avait réalisé de très nombreuses émissions de radio et de télévision sur ces sujets. Il avait aussi écrit de très nombreux articles, majoritairement en breton, pour des journaux et revues, dont Al Liamm, Skol, Hor Yezh, Musique bretonne et d'autres. Il était aussi l'auteur de plusieurs livres :
• Choix de prénoms bretons (Saint-Brieuc, PUB, 1971, 71 p.)
• Histoire du théâtre populaire breton XVe-XXe siècles (Skol, 1983, 83 p.)
• La femme au sein d'or : des chants populaires bretons aux légendes celtiques (Skol, 1985, 168 p.)
• Grand choix de prénoms bretons (Breizh, 1985, 93 p., rééd. 1991)
• Les noms de famille les plus portés en Bretagne : 5 000 noms étudiés (Spézet, Coop Breizh, 1993, 255 p.)
Gwennole ar Menn qui avait étroitement collaboré pendant des années, par correspondance, avec Roparz Hemon mais aussi, directement, avec Léon Fleuriot et d'autres éminents linguistes et celtisants du monde entier, avait aussi publié une vingtaine de livres, dont il avait été l'éditeur scientifique : textes bretons anciens, dictionnaires et travaux savants divers.
Gwennole ar Menn avait adhéré à l'Institut dès sa mise en route au début de 1982. Élu président de la section Langues et linguistique, il devait en animer les travaux durant près de 20 ans, participant aussi très activement à la vie du Conseil scientifique et d'animation de l'Institut.
Il était également membre de nombreuses sociétés savantes en Bretagne et en Europe.
Gwennole ar Menn sera enterré samedi prochain (18 avril) à la Trinité-Langonnet (56). La cérémonie aura lieu à 15h suivie d'un dernier kenavo au cimetière.
■Kenavo Gwennole