Nous apprenons la triste nouvelle de la disparition de Donatien Laurent. Agé de 85 ans, il s'est éteint dans son sommeil la nuit dernière à Keraudren.
D'origine brestoise et nantaise, il a appris la langue bretonne à Paris lors de ses études et le biniou koz puis la cornemuse au Bagad Bleimor, la danse et la musique bretonnes sur le terrain en Bretagne. Très tôt il a commencé des collectes dont une grande partie a fini à Dastum, l'association qui collecte ce patrimoine breton (voir notre article).
Tout commence avec sa thèse d'Etat présentée en 1978 et publiée en 1989 où il est allé aux sources du Barzaz Breiz prouvant que, même si l'auteur de la collecte Théodore Hersart de La Villemarqué avait parfois arrangé les textes, les gwerzioù étaient authentiques, contrairement à ce qui avait été affirmé par d'autres. Il avait retrouvé les carnets de collecte de La Villemarqué chez l'arrière-petit-fils de l'auteur.
Le travail de l'ethnologue brestois sur les chants recueillis par La Villemarqué va avoir un grand retentissement dans les milieux universitaires étrangers. C'est ainsi qu'il sera invité en Finlande, du fait des analogies avec la situation en Bretagne. En effet, c'est en 1835 qu'Elias Lönnrot a publié l'équivalent
du Barzaz Breiz, le Kalevala. Cette publication marque le début de la reconquête de leur histoire et de leur liberté culturelle par les Finlandais, liberté culturelle qui ne sera effective qu'au XXème siècle. Dans cette lutte des Finlandais il n'est pas plus question de communautarisme que dans le combat actuel des Bretons pour la reconnaissance de leur identité culturelle. « Il s'agit de s'ouvrir et d'emprunter et non de s'ouvrir pour se fondre et disparaître », dit Donatien Laurent qui ajoute: « Langue et tradition sont inséparables. Une Bretagne sans breton populaire ne se conçoit pas ». C'est cette philosophie qui va le guider durant les douze années qu'il passera à la tête du CRBC après avoir succédé à son fondateur, Yves Le Gallo. Au travers de nombreuses conférences internationales il fera en sorte d'ouvrir sur l'extérieur, bien au-delà des pays celtiques. __Herri Gourmelen
Un des premiers ethnologues à analyser la culture orale et la tradition chantée en Bretagne, il a dirigé de 1987 à 1999 pendant douze ans le Centre de recherche bretonne et celtique à l'Université de Brest. Tout au long de sa carrière, il alterne entre collectes sur le terrain et travaux de réflexion sur les documents existants. Ses recherches l'ont fait remonter aux origines de la gwerz de Louis Le Ravallec, la gwerz de Skolan en y découvrant les proximités avec des textes du Livre noir de Carmarthen du Pays de Galles.
Donatien Laurent est aussi allé rechercher les origines celtiques de la Troménie de Locronan. La ville de Locronan a d'ailleurs attribué son nom au jardin d'hortensias qui jouxte l'église paroissiale. Donatien Laurent, par ses travaux sur la Troménie, a pu mettre en évidence la permanence à cet endroit d'une tradition remontant à nos origines indo-européennes.
Donatien était depuis quelques cinquante ans mon meilleur ami. Je l’avais connu en 1970 à Paris alors que je produisais sur la télévision naissante le magazine scientifique Eurêka. Il y avait déjà raconté son travail sur une gwerz dont l’action se passait au Faouët. Ensuite nous avons fait plusieurs films ensemble, en français ou en breton à France 3 Rennes, notamment un enregistrement complet de La Grande Troménie de Locronan, je crois en 1978. Tous ces films sont classés à l’INA Atlantique, à Rennes. En 1996 est paru sous nos deux noms et sous le titre La Nuit Celtique une introduction à la culture bretonne, publiée aux éditions Terre de Brume. Le livre se trouve toujours en médiathèque et même en librairie.__Michel Treguer
ABP a d'ailleurs republié le papier résumant ses extraordinaires recherches sur le calendrier celtique (voir notre article). Parmi ses nombreuses publication on notera La nuit celtique écrit avec le réalisateur et écrivain Michel Treguer et avec qui il fit de nombreuses émissions sur France Culture.
Donatien Laurent a reçu le Collier de l'Hermine en 2010.
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