Contrairement à d'autres pays, la Bretagne est fragmentée politiquement depuis toujours, et on l'a vu, dès 1675, avec la «révolte des Bonnets rouges», première expression continentale européenne d'une dissension politique dans le droit fil des Niveleurs anglais du XVIe siècle, nos historiens universitaires français se gardant bien de faire le rapprochement et de travailler le sujet autrement qu'en recopiant stupidement les archives royales. (voir notre article).
Les aristocrates qui étaient à la tête de l'assemblée délibérative, les États de Bretagne, se battirent contre l'arbitraire royal et la destruction de la richesse de la Bretagne, maintenant son aura historique, mais, se souciaient peu de justice sociale, contraire à leurs intérêts.
La Révolution révèla la diversité politique du pays et des villes et des campagnes républicaines s'opposèrent aux zones de chouannerie. Cette dernière prit le contrôle de la Bretagne entière en 1815, mais, la monarchie rétablie normalisa très vite la situation.
Si l'Union régionaliste bretonne (URB) fut créée en 1898 et présenta des revendications modestes, c'est à l'initiative du diplomate et journaliste Lionel Radiguet, que fut popularisée, en 1904, l'idée d'une république bretonne, dont il diffusa le projet de constitution à 100 000 exemplaires. En 1911, un groupe de jeunes gens créa le Parti national breton, première version, qui réclama l'indépendance et se fit remarquer, en 1911, en perturbant l'inauguration du monument de Rennes qui, au mépris de l'Histoire, représentait la Bretagne agenouillée devant la France.
Simultanément, l'URB perdit ses éléments non réactionnaires, mais, conservateurs catholiques, parmi lesquels,les membres du Collège des Druides (Gorsedd), qui fondèrent la Fédération régionaliste de Bretagne (FRB).
Dès lors, la revendication bretonne fut duelle, soit indépendantiste (PNB 1 en 1911, puis PNB 2 en 1931, le PAB de 1927 étant mixte), soit régionaliste, FRB, puis, en 1924, Ligue fédéraliste de Bretagne, ainsi que le Collège des Druides, très clairement antinationaliste et qui entreprit un discret et important travail de réseau auprès des politiques et des médias (François Jaffrenou-Taldir et Léon Le Berre).
La Ligue fédéraliste, positionnée à gauche, mais jamais agréée par la gauche française farouchement centraliste, disparut en 1935, laissant le champ libre aux nationalistes séparatistes. Avec elle s'efface, pour longtemps, l'idée qu'il faut fédéraliser la France et non pas rechercher l'indépendance.
Le Parti national breton (1931-1944) était relativement bien organisé, en essayant de singer les principes d'autorité sans contrepoids des partis fascistes et nazis. L'Occupation le réduisit à une sorte de gesticulation sans possibilité d'une vraie action politique, alors proscrite.
Conformément à son idéologie basée sur la race (aujourd'hui, on dit ethnie, mais, c'est la même idée, tout aussi imprécise), il voulait exalter le «génie propre» des Bretons, ne se servant de l'Histoire que comme illustration.
La diabolisation de toute action bretonne fit plus de tort au mouvement régionaliste qui ne survécut que dans une fédération d'oeuvres culturelles, Emgleo Breiz, rassemblant des militants bretons résistants et des ecclésiastiques, amoureux du breton. Les premiers finirent par pencher à gauche et mettre leurs espoirs, maintenant déçus, dans la «deuxième gauche» rocardienne.
On peut avancer l'idée que la guerre figea symboliquement autant la Bretagne que la France : même sacralisation autarcique de processus historiques.
En France, les partis conservateurs et radical-socialiste étaient des machines destinées à sélectionner les candidats aux élections par des comités de notabilités, mais le modèle du parti ouvrier, c'est-à-dire, basé sur les forces miltantes, perdura dans la SFIO (devenue le PS) et le Parti communiste.
Fondé en1950, le Mouvement pour l'organisation de la Bretagne (MOB), très divisé au fond entre nationalistes et régionalistes, fonctionna comme un lobby classique, sans beaucoup de nouveautés dans les méthodes d'action.
En 1964, au moment où il s'essouflait, il donna par scission, l'Union démocratique bretonne (UDB), dont quelques membres fondateurs venaient des milieux communistes et apportèrent le primat donné à la base militante sans l'armature théorique du modèle, ce qui fut facteur de crises à répétition et d'instabilité dans la ligne politique (voir notre article).
Les formations indépendantistes groupusculaires issues du bouillonnement politique des années 70 reproduisirent plus ou moins cette conduite, Emsav Stadel Breizh étant la seule à se soucier d'une réflexion théorique sur la Bretagne dans sa situation géopolitique.
L'héritier du MOB, le Parti pour l'Organisation de la Bretagne (POBL) resta classique dans la forme, se présentant aux élections, mais, sans devenir une machine efficace.
A lire dans la 2ème partie : les formations bretonnes maintenant
Christian Rogel
Licence pour reproduction intégrale, sous condition de mention de l'auteur et l'Agence Bretagne Presse
■Pourquoi Troadec réussit là où L'udb échoue depuis 50 ans ? C'est à mon avis la seule question intéressante. En tout cas la plus importante pour nous.
Il faut faire avancer la cause bretonne en dehors des partis en premier lieu, les partis suivront.
Point de vue plus qu'instructif.
J'attends donc la deuxième partie.
Rappeler l'histoire des partis bretons nous permet de faire le point et ne pas refaire les mêmes erreurs!
Enfin, en théorie!
Mais je suppose que ce point sera développé lors de la seconde partie...
Pourquoi n'ecrivez-vous pas un livre à l'intention des partis bretons : «Comment sortir de l'impasse et réussir là où vous avez jusqu'ici échoué?»
J'ai peur qu'un article soit un peu court, même en deux parties !
J'ai gaspillé suffisant de mon temps...
Certains préfèrent continuer à geindre, cela doit être rémunérateur?
Certains conspuent les indépendantistes, nationalistes et autres extrémistes, mais n'est ce pas grâce à eux qu'ils apparaissent modérées...Il y a à peine 10 ans un régionaliste était classé comme extrémiste !!!
Faisons progresser les idées chacun à son rythme et à son envie. On a besoin de tous...Certains auront un discours plus modérés pour pouvoir se présenter aux élections, mais qu'ils n'oublient pas le courage de certaines démarches, courageuses à mes yeux, qui nous permettent , aujourd'hui , d'aborder certains sujets concrets autour de l'autonomie...
Les Catalans ont avancés grâce à une alliance entre centre droit régionaliste allié aux indépendantistes de gauche. Peu importe la configuration, du moment que l'on avance vers la démocratie. Chacun devrait trouver sa place et respecter les positions des autres...
Cessons de nous diviser autour de notion «qui pourrait
choquer» les Bretons voir les français ou l'électorat ou l'Europe..
Pensons Bretons, Pensons Démocrates et trouvons les articulations , chacun dans son rôle, qui nous permettront d'avancer...
BEVET BREIZH
Pour ce qui est d'une constitution, il me semble pourtant que le Parti Breton en avait rédiger une au temps où j'y étais inscrit comme membre.
Le problème est qu'une constitution écrite par un parti aurait tendance à rester interne au parti l'ayant écrite et est connotée politiquement: Une constitution écrite par l'UDB n'aurait pas la même teneur que celle écrite par ADSAV.
En cela, la proposition de la KAD d'un nouveau parlement, élu, rédigeant une constitution aurait plus d'impact si relayée en dehors du mouvement Breton vers la population Bretonne.
Il existe ici et là des projets de constitution, dont celle écrite, comme rappelé dans le point de vue celle de Lionel Radiguet, vendue à plus de 100 000 exemplaires, ce qui en 1904 était un grand tirage il me semble. Mais, rien n'aura plus d'impact que celle de la KAD si le peuple Breton est mise au courant de celle-ci.
Tout à fait d'accord avec vous!
Mais cela concerne plus le présent. J'attends donc la seconde partie pour faire mes commentaires dessus.
Dans le passé, nous avons eu des divisions, car les partis politiques bretons pensaient que les Bretons les rejoindraient sur les bases d'un programme électorale basé sur une idéologie calquée sur le modèle français et non sur un programme pour nous amener à une autonomie, premier pas vers l'indépendance. c'est mettre la charrue avant les b½ufs!
Nous avons vu ou cela nous à emmener. Ne refaisons pas les mêmes erreurs, pour ne pas dire les mêmes C....
Voir un parti autonomiste s'allier avec un parti français qui détruit la Bretagne plutôt qu'avec des partis Bretons au nom d'une idéologie, n'aide surement pas à rallier à nous les 20% de la population en faveur de l'indépendance!
En cela, par contre, je pense que vous avez tort quand vous reprochez le côté destructeur de ce premier point de vue. En effet, comme je l'ai écris au-dessus, il faut regarder le passé pour éviter les mêmes erreurs. Chose que nous avons été incapable de faire jusqu'à présent. Il est bon de remettre les choses à plat, de regarder là ou nous nous sommes tromper et changer de tactique.
Pourtant, une demande de la population Bretonne est là. Les sondages, le résultat des dernières élections sont là pour le prouver. Mais le mouvement Breton est incapable d'en profiter, car toujours enfermer dans les erreurs du passé.
Reste à savoir si nos «décideurs» lisent les commentaires de ce type et si nos commentaires à venir dans la deuxième partie feront changer les choses!
Mais une chose est certaine: nous sommes plus d'un à souhaiter que nous sachions profiter de la fenêtre de tirs que nous avons actuellement, aussi petite soit-elle, et ce, avant qu'il ne soit définitivement trop tard.
Troadec réussit car il a la culture économique d'atteindre son objectif. Il se bagarre pour gagner!
L'UDB ne réussi pas, car son objectif premier n'est pas la Bretagne mais le grand soir de la gôôche universelle dont la Bretagne serait l'un des terrains d'expérimentation...
@ Tugdual Radiguet
Le PB n'est jamais allé au bout de l'idée d'écrire une constitution, bloqué certainement par le fait que l'UDB avait déjà un équivalent dans ses cartons. De mémoire, Yann Fouéré en avait également fait une.
Le problème n'est pas qu'une constitution vienne ou pas d'un parti politique, la constitution catalane a été écrite par les Républicains (centre gauche) et adopté par tous.
Le problème, c'est que les différents partie politique en Bretagne n'ont pas le même objectif...
UDB : le grand soir de l'international socialiste, chez nous en Bretagne...
Le parti social-démocrate breton : N'existe pas!
Le PB : j'y pense, mais j'ose pas...
Le parti libéral breton : n'existe pas!
Le parti conservateur breton : n'existe pas!
Donc, qui est légitime pour écrire une constitution et la faire adopter et accepter des autres???
La vérité, c'est qu'il n'y a pas vraiment de parti politique breton en Bretagne!
(faut dire déjà qu'en France, peut-on appeler «parti politique» les différents groupes d'affairistes jacobins que l'on connait...?)
Effectivement ! Je me demande donc bien de quoi va parler Christian Rogel dans sa deuxième partie. Du vide intersidéral ? Ou du vide interparticulaire ?
Il y a bientôt deux ans, avant l'apparition des «benêts rouge» (FDSEA-Troadec), j'ai présenté un projet de constitution où le rédacteur en chef de l'Agence Bretagne Presse m'a craché au visage comme tant d'autres d'ailleurs la liste est assez longue.
J'ai de la mémoire, je suis encore jeune et très patient.
La vengeance est un plat qui se mange froid....
Toujours pas un mot sur EMGANN, apparemment, participer aux seules listes unitaires bretonnes aux régionales ne compte. Le tabou de 1992 n'est pas encore tombé ?
Un parti se définissant mouvement de libération nationale et sociale n'est pas classable stricto-sensu à l'extrême-gauche (vocable qui ne veut rien dire !).
Une organisation conséquente sur la question nationale, massivement bretonnante, qui a tenu la Fête Nationale de la Langue Bretonne (avec SAB).
Et les municipales de Gwengamp, avec les gens de POBL ? ca compte pas ? C'est gauchiste ?
Des candidats à 9, à 10%, c'est pas important ? C'est gauchiste ?
A l'heure où les commentateurs appellent en long et en large à l'Unité, passer sous silence un mouvement qui s'est investi fortement dans les seules régionales unitaires que les breizhoù aient connu ne me semble pas spécialement correct (mais peut-être que la vulgate UDBiste à ce sujet vaut toujours pour vérité ? Allez savoir ...)