Décès d'Hélène Cadou

Communiqué de presse publié le 22/06/14 12:06 dans Nécrologie par Marie-Josée Christien pour Marie-Josée Christien

Hélène Cadou vient de mourir le 21 juin, jour de l'été, à l'âge de 92 ans. Lauréate du prix Verlaine en 1990, elle est l'auteur d'une importante oeuvre poétique, composée de 23 recueils publiés en grande partie aux éditions Rougerie auxquels s'ajoutent quelques livres de prose.

Son premier recueil, Le bonheur du jour publié en 1956 par Seghers, a été réédité en 2012 par les éditions Bruno Doucey. Son dernier recueil est Le Prince des lisières publié en 2007 par Rougerie. Plusieurs études ont été consacrées à son oeuvre.

Son écriture brève et intense en fait une voix essentielle et lumineuse où se croisent la vie, l'amour, la mort.

Elle s'est beaucoup consacrée à la diffusion et à la mémoire du poète René Guy Cadou son époux, décédé en 1951. Elle a été la conservatrice de la «Demeure René Guy Cadou» dans l'école de Louisfert où ils vécurent.

Elle a exercé le métier de bibliothécaire à Orléans où elle a écrit l'essentiel de son oeuvre. De retour à Nantes en 1993, elle y créa, avec l'aide de la Ville, le «Centre René Guy Cadou».

Nos pensées vont à sa famille, à ses proches et ses amis.

Pour une fois

Le temps de vivre

Devenir

Seulement un regard

Une immense

Rétine

Qui boit le monde

Et le nourrit

En retour

De son éclat.

Hélène Cadou

(anthologie Zeit zum Leben / Le temps de vivre Editions en Forêt, 2010)

Là où tout se joue

Entre ciel et terre

On se croit sauvé

Mais le ciel retombe

Il fait déjà nuit

Pour l’éternité

Hélène Cadou

(Le Prince des lisières, Rougerie 2007)

Site officiel Hélène et René Guy Cadou : (voir le site)


Vos commentaires :
Loïk
Samedi 23 novembre 2024
Une grande dame, généreuse et discrète ! A l'image de ce que devrait être la poésie.

Jean-Albert Guénégan
Samedi 23 novembre 2024
J'apprends avec grande tristesse le décès d'Hélène Cadou. J'ai eu l'immense joie de la connaître à Louisfert en poésie, de l'écouter parler de son mari René Guy, de leur vie trop courte passée ensemble. Elle a tellement oeuvré pour la poésie et l'oeuvre de son époux, elle est dans nos coeurs à jamais.

eve lerner
Samedi 23 novembre 2024
Hélène, comme le dit son prénom,
en sa racine, était lumière,
poète à la voix claire
du soleil, du reflet, de la vie,
de l'amour.
Que ce moment où elle quitte
le monde soit un commencement
pour redécouvrir la fraîcheur
si exacte et si déliée de son écriture,
inspirante, vivifiante, vraie
qui restera pour longtemps
à l'oeuvre en nous tous.

Emmanuel de KERDREL
Samedi 23 novembre 2024
Ces deux-là étaient plus que de simples amoureux, plus que deux immenses poètes : ils étaient des êtres de lumières.

Nicole Laurent-Catrice
Samedi 23 novembre 2024
C'est une grande dame qui disparaît... et qui reste dans son oeuvre et le souvenir lumineux qu'elle nous laisse.
Je l'avais invitée dès 1984 aux Tombées de la Nuit, puis je l'ai retrouvée à Nantes ou à Louisfert. Un de mes plus beaux souvenirs d'elle : j'étais allée la voir à Nantes avec mon mari, et elle nous dit : «J'aimerais vous inviter à déjeuner, aujourd'hui c'est mon anniversaire de mariage et je suis seule.»
Quelle émotion et quel plaisir de prolonger la conversation.

Ghislaine Lejard
Samedi 23 novembre 2024
Beaucoup de tristesse en apprenant son départ, mais heureuse pour elle qui retrouve René pour« des balades éternelles».

Louis Bertholom
Samedi 23 novembre 2024
Il nous reste à la lire et faire connaître sa poésie trop souvent occultée par celle de René-Guy. C'est un couple immortel par delà les mots. Elle s'est entièrement consacrée à la poésie et la pérennité de l'½uvre de son époux.
Une belle dame à jamais...

Lucien WASSELIN
Samedi 23 novembre 2024
La disparition d'Hélène Cadou me touche… Je ne sais pourquoi, j'ai toujours entendu la chanson de Jacques Bertin, «Hélène», comme un hommage à Hélène Cadou : «Lourd secret de vivre ensemble»
«On est toujours prêt / À croire au grand jour», écrivait-elle dans son dernier recueil. J'y crois toujours, et de plus en plus.

Lucien Wasselin.


Patricia Barreau-Yu
Samedi 23 novembre 2024
Lumineuse Hélène,
Vous resterez dans mon c½ur pour des promenades éternelles. Le collège René Guy Cadou où j'enseigne à Saint-Brevin vous avait invitée en juin 2006 pour un hommage à la poésie, la vôtre et celle de René. Journée magique et éclairée par votre regard-soleil. Nous avions poursuivi notre rencontre par des visites à Louisfert-en-Poésie, vous m'avez marquée pour toujours par votre délicatesse infinie.
Je continuerai longtemps à raconter à mes élèves votre belle histoire avec René, à lire et à partager avec eux votre poésie à tous les deux.
Ma seule consolation aujourd'hui, c'est de savoir que vous avez rejoint René. Peu de jours après le 17 juin, jour anniversaire de votre rencontre, en 1943.

17 juin 1943

Tu étais la présence enfantine des rêves.


Tes blanches mains venaient s'épanouir sur mon front

Parfois dans la mansarde où je vivais alors
Une aile brusquement refermait la lumière.

J'appelais, je disais que vienne enfin la grande,
La belle, la toujours désirable et comblée.

Et j'allais regarder souvent à la fenêtre
Comme si le bonheur devait entrer par là

Ce fut par un matin semblable à tous les autres.
Le soleil agitait ses brins de mimosa

Des peuplades d'argent descendaient la rivière.
Les enfants avaient mis des bouquets sur les toits.

Aussitôt que je vis tes yeux, je te voulus
Soumise à mes deux mains tremblantes, à mes lèvres,

Capable de reprendre à la nuit son butin
De fleurs noires et vénéneuses caresses.

Tout le jour je vis bleu et ne pensai qu'à toi.
Tu ruisselais déjà le long de ma poitrine.

Sans rien dire, je pris rendez-vous dans le ciel
Avec toi, pour des promenades éternelles.

(René-Guy CADOU, Hélène ou le règne végétal, Paris, Seghers 1952)


Patricia Barreau-Yu

Voir le site


Yves MOULET
Samedi 23 novembre 2024
Hélène incarne la poésie du «Règne végétal» et sa voix qui continue celle de Réné Guy Cadou resplendit comme la lumière. L'osmose poètique est désormais accomplie dans cette «maison d'été» qui devient maison d'éternité. Yves Moulet

André Daviaud
Samedi 23 novembre 2024
A la demande de Marie-Josée, je vous fais partager ce texte écrit après une rencontre avec Hélène à Louisfert en 2005; André Daviaud

«Rencontrer Hélène Cadou, c'est rencontrer la mémoire du c½ur.
Vous arrivez de l'enfer de la route jusqu'à la maison d'école, toute droite au bord du ciel. Vous traversez la cour, à cloche-pied sur la marelle, en poussant le petit pavé de l'émoi.
Elle vous attend sur le seuil de la classe. On entre dans l'intimité d'un monde. Vous êtes un Brancardier de l'aube accédant à Poésie, la vie entière. Vous vous asseyez. Elle vous parle de lui, de son sourire immense. Peu à peu se tait votre vie. Vous êtes en 1943 ou sur un chemin de campagne. Les parcs et les châteaux sont là, l'éclatement des cris d'enfants qui ont fui les villes détruites
Elle vous raconte comment il a franchi la guerre, en réclamant sa liberté, comment la poésie l'a sauvé, un jour, dans la naïveté de son écharpe rouge. Aux Allemands qui l'arrêtaient il a dit, dans leur langue, comme un laissez-passer magique : « Je suis poète. »
Vous parcourez les vitrines du souvenir, qui mêlent cendrier bizarre et visages d'hommes. Vous parlez de la classe, de l'inspecteur et de la double vie.
Vous passez de l'autre côté, du côté des Lilas du soir.
La cuisine bleue vous accueille, ce bleu de la tendresse, ce bleu inimitable. Vous montez vers la chambre. Chaque pas vers l'éternité. Elle ouvre la fenêtre sur la campagne, les blés et la forêt pavée. Rien n'a changé. Sa main de plâtre sur la table. Le dernier poème à l'encre de Chine. Et elle vous parle de la cérémonie, du rite de cinq heures du soir. Le poème qui se fait, arraché peu à peu à la gangue des glaises, désenglué du quotidien, et lavé lentement des ratures du doute, gratté au feu des rêves et recopié à la plume d'oiseau.
Et vous parlez de la naissance, des parcs et des châteaux. De la parenté des enfances. La chambre vous élève, sur les hautes mers de la vie.
Quand vous évoquez l'avenir, il est là brusquement dans la chambre.»


Marilyse Leroux
Samedi 23 novembre 2024
De tous les poètes que j'ai rencontrés depuis les années 80, Hélène Cadou est certainement la personne qui m'a le plus impressionnée. Il émanait d'elle une grâce, une bonté rayonnante qui faisaient qu'on se sentait meilleur du seul fait d'être à ses côtés.
J'ai vécu à Louisfert avec mon «atelier-poésie» le plus beau moment de ma carrière d'enseignante : tout allait de soi dans la cour d'école, Hélène était heureuse d'écouter les poèmes dits pour elle, seul à seul, comme dans une conversation. J'observais de côté : la poésie vivait d'elle-même avec émotion et allégresse. Hélène s'amusait de la moindre réflexion, souvent très nature de mes élèves.
Ses lettres aussi étaient merveilleuses, pleines de générosité. Je les ai toutes conservées comme un trésor.

A ma première visite, monter dans la chambre tout en haut de l'étroit escalier m'a tordu le ventre car il m'a semblé vivre la scène du dernier soir. Le temps est un accordéon, j'y étais par le corps et l'esprit.
Tous ceux qui aiment ces deux voix, Hélène et René Guy, ont ressenti cette boule au ventre, ont eu les larmes aux yeux à cet instant, j'en suis sûre.

Hélène Cadou, on l'oublie trop souvent, est une très belle voix, magnifique de justesse et de pureté. La grâce d'amour, elle l'a vécue dans ses mots : sa poésie toute de transparence nous élève, nous insuffle une joie profonde.

Son amour unique, elle l'a porté jusqu'au bout, «la vie entière». Je pense à elle comme à un trésor de sensibilité, de bonté et de lumière, elle reste en moi comme un cadeau de la vie.

Elle est partie, lisons sa poésie, elle nous ressource, nous réenchante.

...

Tu découpes un éclat de jour
dans l'embrasure de la fenêtre

Le regardes
longuement - silencieusement

Lui donnes les reflets changeants
des ciels que tu aimes

Le bleu des herbes
qui tremblent à portée de ta main

Et bientôt
plus loin que le ciel
plus loin que les arbres
brille cet autre éclat
qui te regarde
longuement
silencieusement.


M. L. Louisfert, 1995.


Marilyse Leroux
Samedi 23 novembre 2024
J'ai oublié de mentionner un clin d'oeil scolaire : cette semaine, le DNB des collèges de la série professionnelle proposait aux élèves le célèbre poème de Cadou «Je t'atteindrai, Hélène...»

*

HÉLÈNE

Je t'atteindrai Hélène
À travers les prairies
À travers les matins de gel et de lumière
Où ton épaule fait son nid

Tu es de tous les jours
L'inquiète la dormante
Sur mes yeux
Tes deux mains sont des errantes
À ce front transparent
On reconnaît l'été
Et lorsqu'il me suffit de savoir ton passé
Les herbes les gibiers les fleuves me répondent

Sans t'avoir jamais vue
Je t'appelais déjà
Chaque feuille en tombant
Me rappelait ton pas
La vague qui s'ouvrait
Recréait ton visage
Et tu étais l'auberge
Aux portes des villages.

René Guy Cadou, La vie rêvée, 1944.


Thérèse André-Abdelaziz
Samedi 23 novembre 2024
C'était il y a plusieurs années.
Hélène nous reçoit (groupe de femmes nantaises)à Louisfert.
Avec Elle nous entrons dans la classe si riche de souvenirs. Elle raconte René, son éternel Amour. Il EST là, avec Elle et avec nous. Si présent. Avec Elle et Lui nous montons jusqu'à la chambre où Il écrit, face aux champs. Nous Le voyons, nous les entendons tous les deux.
Sur la dernière marche de l'escalier, cette rose fraîche qu'Elle change tous les jours. Et le visage d'Hélène, si radieux, si beau, rempli de ce bel Amour qui défie le temps.
Hélène vous parle et son regard vous pénètre en douceur et lumière car c'est à chacun de nous qu'Elle s'adresse.Comme si nous étions seul avec Elle.
Je garde au coeur son visage et sa voix, des diamants d'Eternité.

Tobi Franc ATTOKRO
Samedi 23 novembre 2024
L'amour est sentiment qui doit s'apprendre.

Jean-Noël Guéno
Samedi 23 novembre 2024
Hélène est partie rejoindre René Guy, de qui elle disait: «Tu m'expliques / Le bonheur / Infiniment / Jusqu'à la mer». Il faut lire et relire Hélène. Ses mots sont d'une pureté lumineuse et d'une grande incandescence. Comme ceux de René, ils aident à vivre, ouvrent l'horizon...

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