De l'art de construire une luxueuse villa pieds dans l'eau sous couvert de "réhabilitation" d'un mo

Communiqué de presse publié le 6/10/18 18:01 dans Patrimoine par Jean DAUMAS-BEDEX pour Jean DAUMAS-BEDEX
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Situation de la Batterie de la Ferrière sur la plage des Grands-Sables (Belle-Ile)
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Batterie de la Ferrière : vue rapprochée de son état actuel
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La Batterie de la Ferrière : monument historique

Suite à la diffusion de l'émission « Des Racines et des Ailes » du 26 septembre dernier sur France 3, les Amis du Chemin de Ronde du Morbihan, l'Union Belliloise pour l’Environnement et le Développement, associations agréées, et l'association « 1846 », tiennent à apporter le complément d'information suivant :

M. Grégoire Sentilhes, propriétaire de la batterie de La Ferrière à Locmaria et de la batterie de Port-Blanc à Sauzon, qui apparaît à l'écran à 1:34:18, a fait mention de projets de restauration pour « sauver » ces deux sites.

M. Sentilhes a effectivement déposé deux demandes de permis de construire en 2017, à des fins de « réhabilitation ». Il nous semble malheureusement que ces projets ne sont pas compatibles avec la nature des sites (zones naturelles d'intérêt écologique, faunistique et floristique, zones Natura 2000, sites classés, inscription aux Monuments historiques) et la loi Littoral.

Il apparaît en effet à la lecture des documents produits par M. Sentilhes à l'appui de ses demandes de permis de construire qu’il ne s’agit ni de restauration ni de réhabilitation mais de la CONSTRUCTION de confortables villas littéralement les pieds dans l'eau dans le cas de La Ferrière sur l’emplacement d’un monument historique en modifiant ou supprimant des éléments existants de ce monument donc en le dénaturant complètement .

Il apparaît en effet à la lecture des documents produits par M. Sentilhes à l'appui de ses demandes de permis de construire qu’il ne s’agit ni de restauration ni de rehabilitation mais les restaurations envisagées s'accompagnent de la transformation des deux batteries de la CONSTRUCTION de confortables villas littéralement les pieds dans l'eau dans le cas de La Ferrière sur l’emplacement d’un monument historique en modifiant ou supprimant des éléments existants de ce monument donc en le dénaturant complètement .

Nul doute qu'au terme de cette opération largement subventionnée par les fonds publics (l’Etat peut participer financièrement à hauteur de 50% si le bien est classé, le propriétaire peut prétendre à certaines subventions, et des avantages fiscaux sont prévus : déduction du montant des travaux restant à charge dans une limite annuelle de 200 000 euros), M. Sentilhes verrait la valeur de ses biens augmenter considérablement. Or ils se situent tous deux en dehors des zones urbanisées et se trouvent dans la bande inconstructible de 100 mètres au dessus du trait de côte définie par la loi Littoral.

Transformer une batterie de côte en habitation est un changement de destination dans la bande des 100 mètres, ce qui est interdit par la loi.

La commission des sites a d’ailleurs émis des avis défavorables à ces deux projets - le 10 novembre 2017 pour La Ferrière. Le permis de construire pour la batterie de Port-Blanc a été refusé par la mairie de Sauzon.

Dans ce contexte, l'intervention de M. Sentilhes pour plaider sa cause dans « Des Racines et des Ailes » nous laisse perplexes.

M. Sentilhes se présente comme un amoureux de Belle-Île et du patrimoine, soucieux de « sauver » la batterie de La Ferrière et son corps de garde de la ruine. Nous n'avons aucun doute sur sa sincérité et souhaitons le prendre au mot.

Nous sommes d'accord avec lui sur ce point : des travaux de restauration sont nécessaires afin de préserver pour les générations futures ce bien culturel inscrit à l'inventaire supplémentaire des Monuments historiques.

Aussi, nous proposons à M. Sentilhes :

- de faire refaire l'étanchéité de la terrasse du corps de garde, afin de soustraire ses maçonneries à l'action des infiltrations ;

- de faire restaurer les escarpes de la batterie de La Ferrière et des parties attenantes du retranchement des Grands Sables attaquées par la mer ;

- de céder ce site magnifique ainsi « sauvé » (ainsi que celui de Port-Blanc à Sauzon) au Conservatoire du littoral et des rivages lacustres, institution à même de le sauvegarder des tentations immobilières et de le rendre accessible à tous.

M. Sentilhes apparaîtra alors comme un mécène désintéressé et un véritable amoureux du patrimoine et de Belle-Île. Il se montrera digne de la considération publique et dissipera alors totalement les soupçons d'instrumentalisation du patrimoine à des fins de contournement de la loi Littoral pour mener à bien des projets immobiliers lucratifs qui pèsent actuellement sur lui.

Nous espérons que c'est ce que M. Sentilhes avait comme intention en évoquant le cas de la batterie de La Ferrière dans une émission consacrée au patrimoine diffusée à une heure de grande écoute sur une chaîne publique.

A.C.R. 56

U.B.E.D.

Association « 1846 »

*Il nous paraît nécessaire d’être plus précis vis-à-vis de nos lecteurs sur ce dossier :

La vaste plage dite des Grands-Sables est située sur la côte nord de l’île. Elle est bordée par des fortifications datant du XVIIème siècle aujourd’hui classées monuments historiques, Elles sont de plus situées dans « la bande littorale des 100 m et en secteur Natura 2000 donc intégralement protégées. Les batteries, redoutes et redans (9 constructions en tout) sont hélas dégradés et l’entrée ouest de la plage (Redoute de Saint-Laurent) est d’ailleurs en état de péril, menaçant de s’effondrer sur la plage.

Ces fortifications appartenaient à la commune de Locmaria qui les a vendues à Monsieur Sentilhes (propriétaire du fort de Port Andro qu’il nous fait visiter en détail – avec au passage des inexactitudes historiques dans son propos - dans le document de FR3.). L’ensemble a été classé monument historique en 2001. La SCI COALMAR (fondée le 10 juillet 2015 par Monsieur Sentilhes ) a aussi acheté la batterie de Port Blanc à Sauzon le 25 juin 2016 et l’a fait classer monument historique le 31 janvier 2017 puis a demandé un permis de construire de même nature qui a heureusement été refusé.

Il faut savoir que la restauration d’un monument historique est largement subventionnée par les fonds publics : l’Etat peut participer financièrement à hauteur de 50% si le bien est classé, le propriétaire peut prétendre à certaines subventions, et des avantages fiscaux sont prévus (déduction du montant des travaux restant à charge dans une limite annuelle de 200 000 euros) donc le propriétaire ne se substitue pas à l’état et n’a que peu à investir. C’est un projet un projet très lucratif assez loin du mécénat !

L’examen du dossier complet de demande de permis démontre

-qu’il ne s’agit pas d’une restauration : dans ce cadre seuls des travaux de réfection de l'étanchéité de la terrasse et de consolidation de la batterie seraient justifiés. 

- Il ne s’agit pas non plus d’une réhabilitation d’un monument historique, à l’identique de son dernier état historique connu, comme l’impose la Charte de Venise, dans un but de protection du patrimoine

- il s’agit d’une transformation radicale d’un monument historique en une résidence d’agrément probablement à vocation locative dans un lieu entièrement protégé, en contournant la loi Littoral. Pour faire admettre son projet, le propriétaire, dans son rapport, présente de façon très détaillée les transformations subies par les autres batteries et postes de Belle-Ile. Mais il omet de préciser que ces transformations en résidences secondaires ou locatives de luxe tolérées à l’époque ont été réalisées bien avant la loi Littoral (1986).

C’est ainsi que :

*La terrasse défensive est aménagée par l’ajout d’un étage en forme de galerie avec cinq porte-fenêtres pour trois chambres, un dégagement et une salle de bains. Pour ce faire le propriétaire produit astucieusement une photo censée représenter l’état historiquement connu de la batterie. Mais cette photo reflète en fait un état antérieur qui fut très provisoire pour des raisons évidentes : une galerie a en effet existé vers 1860 mais les couronnements, dont cette galerie, ont été arasés peu après la construction en raison de leur «exposition aux coups de l’ennemi ». Le dernier état historique connu, seule référence à retenir, date de la fin du 19ème siècle.

* Autour de la terrasse les murs sont remontés mais avec de larges échancrures pour préserver la vue depuis les chambres de l’étage. Un escalier permettant l’accès direct à la plage est créé… apport moderne qui constitue un non-sens dans une fortification (puisque facilitant l’accès de ladite batterie par les assaillants). Ce n’est ici qu’un moyen que l’on s’accorde pour descendre à la plage en évitant les portes plus éloignées. De plus sa situation en front de batterie le rend particulièrement voyant. 

*Le corps de garde se trouve profondément modifié : percement des murs authentiques et de la terrasse pour ouvrir une large fenêtre et une porte fenêtre aux normes actuelles, plus une trémie d’escalier, suppression des vestiges dans les murs (crochets de hamacs, assises de poteaux de hamacs, pitons d'étagères), décaissement des sols d'origine en bitume - pour un plancher chauffant !.

*Les deux grandes chambrées du corps de garde existant deviennent : pour la première, côté mer une cuisine avec percement d’une grande fenêtre dans le mur existant, côté terre une chambre, salle de bains WC ; pour la deuxième un séjour salon salle à manger avec percement d’une porte fenêtre dans le mur existant. Les petites chambrées pour leur part deviennent : côté ouest de chaque côté de l’entrée un rangement, et une chaufferie, côté est deux chambres et une salle d’eau.

On comprend qu’il s’agit en fait de la CONSTRUCTION d’une véritable résidence d’agrément sur l'emplacement d'un monument historique en modifiant ou supprimant des éléments existants de ce monument donc en le dénaturant . Un décor d’opérette créant une verrue qui brise l’harmonie de la ligne de la plage des grands sables

Seule une restauration conforme à la norme européenne et à la charte de Venise serait souhaitable pour l’enrichissement du domaine culturel et architectural de l’Île. C'est ce que nos trois associations demandent.


Vos commentaires :
Charles de Kermenguy
Lundi 23 décembre 2024
Je ne vois pas pourquoi le propriétaire prendrait à ses frais les travaux d'urgence que vous évoquez. Il vaut mieux pour lui céder au plus vite le monument au conservatoire du littoral ou a toute autre structure étatique (département) afin de le restaurer et de le rendre au public. Mais dans ce cas c'est le contribuable qui paiera et beaucoup plus qu'un propriétaire privé. Rien ne l'oblige en outre à céder son bien et on peut se demander pourquoi ce bien, qui devait appartenir à l'état, a été céder à un particulier.

Didier Lebars
Lundi 23 décembre 2024
Un bien joli message mais en pratique la France est un enfer fiscal, où va l'argent ? Les monuments historiques hormis les plus visbles prennent l'eau. Pourquoi ce monsieur, à condtion qu'il puisse le faire, se subsituerait à cet état défaillant ?

Comment un était centralisé à Paris, qui délégue à des fonctionnaires dans les centre-villes, avec des horaires de 35h et congés payés ... pour ensuite faire des appels d'offres, sous traiter à des architectes, entrepreneurs, TVA, impots, malfaçons éventuels sans compter la maintenance et la surveillance ... peut remplacer des propriétaires passionnés ? Réponse : par la pénurie.

Au final le marché économique s'adaptera sous la forme dénoncée dans cet article.

Au fil des années, j'ai acquis la conviction que la seule solution pour le «petit patrimoine» est une prise en charge privée et décentralisée de ce patrimoine, un modèle que l'on voit en Angleterre avec tout leurs trusts.


Caroline Le Douarin
Lundi 23 décembre 2024
Je suis atterrée des projets de ce monsieur dénoncés en fin d'article. Heureusement que ses demandes de permis de construire ont été lues en détail par les associations qui défendent Belle Île, et rapportées ici, sinon...
J'espère que des communiqués de presse ont été envoyés très largement à toute la presse française, au moins.

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