Courrier au Président Massiot sur l'avenir des langues de Bretagne

Lettre ouverte publié le 9/09/15 14:59 dans Langues de Bretagne par Christian Troadec pour Christian Troadec
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Pacte d'Avenir pour la Bretagne décembre ... 2013

Christian Troadec, Maire de Carhaix et Conseiller département du Finistère et Christian Derrien, Maire de Langonnet et Conseiller départemental du Morbihan, viennent d'écrire à Pierrick Massiot, Président du Conseil régional de la Bretagne administrative, au sujet de l'avenir des langues de Bretagne.

Monsieur le Président,

Le « Pacte d'avenir pour la Bretagne » signé le vendredi 13 décembre 2013, par Jean-Marc Ayrault, Premier ministre, Patrick Strzoda, Préfet de Bretagne, Préfet d'Ille-et-Vilaine, et vous-même, en tant que Président du Conseil régional stipulait :

« Une convention spécifique sur les langues de Bretagne portera notamment sur la formation et le recrutement d'enseignants des langues de Bretagne, sur le développement de l'enseignement bilingue ainsi que sur le soutien à l'action de l'Office de la langue bretonne, établissement public de coopération culturelle. La convention encouragera le développement de l'usage de ces langues dans la vie quotidienne. ».

À ce jour nous sommes sans information ni précision sur les intentions de l'État et de la Région ! Près de deux années se sont écoulées depuis la signature de ce « pacte » et les promoteurs de la langue bretonne et du gallo sont toujours dans l'attente de mesures fortes afin d'assurer la survie des langues de Bretagne.

En Corse ; 99 % des enfants scolarisés ont des cours de corse dans le premier degré. La convention passée entre la Corse et l'État précise que 40 % des postes du concours sont réservés aux enseignants de corse. Où en est-on en Bretagne ?

En Alsace, une convention signée en juin 2015, affiche les mêmes ambitions : elle affirme vouloir à l'horizon 2 030 « atteindre 50 % d'inscription en langue régionale à parité horaire parmi les élèves inscrits en maternelle. »

À notre connaissance la Région Bretagne n'a pas opté pour un tel objectif. Pourquoi ?

Toujours en Alsace, la convention stipule que, pour les ouvertures, “Aucun seuil d'ouverture n'est fixé a priori, mais l'objectif visé par la présente convention reste l'ouverture sous forme de classes.” Nous savons qu'au Pays Basque l'inspection ouvre les nouvelles filières à partir de 6 ou 7 élèves. En Bretagne, le rectorat impose des règles drastiques (15 enfants de plus de trois ans) qui dans les faits empêchent toute création de nouvelle classe en milieu rural. Pour quoi cette différence de traitement ?

3 % seulement des enfants de Bretagne apprennent la langue bretonne dans le premier degré alors qu'au Pays Basque côté français, ils sont 37 %, en Corse 33 %, en Alsace 14 %. Pourtant, depuis 2005 le Code de l'Éducation précise bien « qu'un enseignement de langues et cultures régionales peut-être dispensé tout au long de la scolarité selon des modalités définies par voies de convention entre l'État et les collectivités territoriales où ces langues sont en usages ».

Enfin, vous le savez certainement, la Région avait annoncé vouloir atteindre le chiffre de 20 000 enfants recevant un enseignement de la langue bretonne pour 2010. Nous sommes en 2015 et le chiffre atteint en cette rentrée devrait tout juste dépasser les 16 000 élèves ! Un véritable échec qui semble compromettre sérieusement l'avenir de la langue bretonne si des mesures radicales ne sont pas prises rapidement.

La région Bretagne, les collectivités bretonnes et l'Etat se sont dotés d'un Office public de la langue bretonne, un outil aux compétences multiples, capable de définir avec précision le programme de développement pluriannuel de l'enseignement du breton nécessaire pour inverser la tendance actuelle. A-t-il été sollicité pour cette mission comme c'est le cas au Pays basque ? Si c'est le cas ses préconisations ont-elles été retenues par la région et l'Etat ?

Monsieur le président, nous tenions à vous faire part de notre inquiétude, partagée par de nombreuses Bretonnes et de nombreux Bretons, face à la situation particulièrement difficile de la langue bretonne et vous dire qu'il y a urgence à agir. Nous espérons que dans les jours qui viennent vous pourrez répondre à nos interrogations et redonner par des mesures d'ampleur, un peu d'espoir à toute une population et à ceux qui se dévouent sans compter, souvent bénévolement, pour éviter que notre langue connaisse un destin funeste.

Nous vous prions de croire, Monsieur le Président, à l'assurance de notre profonde considération.


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