Il y a quelques semaines, quand la crise sanitaire a commencé à prendre réellement de l’ampleur en Europe, quelques éditorialistes et commentateurs issus de médias écrits et audiovisuels pourtant réputés comme sérieux, avaient largement vanté la politique de santé publique française, mettant en avant le fait qu’un Etat centralisé avait toutes les cartes en mains pour juguler la crise. En parallèle de ces déclarations, ils avaient, à mots à peine couverts, largement critiqué l’Allemagne, arguant qu’un Etat fédéral, du fait justement de cette structuration politico-géographique dispersée, aurait toutes les peines du monde à coordonner les actions de lutte.
Dont acte. Mais où en sommes-nous en cette mi-avril ? Selon les chiffres fournis quotidiennement par les responsables de la santé publique des deux pays, au 17 avril 2020, il y avait 108 847 cas et 17 920 décès dus au coronavirus en France, et 135 843 cas… et 3 890 décès en Allemagne. Soit 4,5 fois moins de morts chez nos voisins d’outre-Rhin. Tiens ?
Loin de nous la tentation, à Pour la Bretagne, de gloser sur cette différenciation morbide. La disparition d’un être cher est toujours un drame, quelque soit le pays. Loin de nous aussi l’idée d’avancer des explications médicales, nous n’en avons pas la légitimité et les compétences. En revanche, nous pouvons peut-être avancer quelques explications d’ordre purement politique. Inutile de revenir sur la nature intrinsèque de l’Etat français, ultra-jacobin, avec des décisions venant d’en haut – en l'occurrence de Paris – valables pour tous, quelque soit l’endroit où il vit, et des pouvoirs très larges, concentrés entre les mains d’un seul homme, le président de la République.
Rien à voir avec l’Allemagne : les 16 Länders (régions) fonctionnent en autonomie dans beaucoup de domaines, notamment dans celui de la santé, dont ils décident et gèrent le budget. Lors de la crise, et en fonction de son avancée, chaque land a ainsi pu choisir le degré de confinement qu’il était nécessaire d’imposer à sa population. Mais, au-delà de cette autonomie de fonctionnement, il peut s’avérer nécessaire de prendre des décisions concernant le pays tout entier : une crise sanitaire telle que celle du coronavirus l’impose de facto. Dans ce cas, le processus décisionnel est collégial, et inclut les présidents des länders. Angela Merkel, la chancelière allemande, est dans l’impossibilité constitutionnelle de prendre seule des décisions (1).
Un chef qui décide politiquement seul et impose des décisions à tous sans aucune différenciation d’un côté, un fonctionnement collégial, mais aussi de terrain, au plus proche des personnes concernées, de l’autre : nous n’avons pas la prétention, à Pour la Bretagne, d’expliquer le delta de mortalité entre la France et l’Allemagne par ces différences d’organisation. Mais il serait peut-être intéressant d’y réfléchir.
Monsieur Macron a parlé de « se réinventer », une fois la pandémie passée.
Chiche !
Alors, si, pour commencer, nous prenions modèle sur l’Allemagne, monsieur Macron ?
Michel LE TALLEC
(1) : sauf si l’état d’urgence, instauré par la loi fondamentale de 1968, est instauré.
Ce communiqué est paru sur Pour la Bretagne
■