Quel vivre ensemble dans des nations européennes en proie aux revendications indépendantistes ? C'était le thème du premier débat de la journée du 20 janvier à Rennes lors des Assises de la citoyenneté avec Ulrike Guérot, professeur à Danube Université Krems (PhD) et politologue, Antonio Rodrigues, Galicien journaliste AFP et Denis Mc Shane, ancien ministre britannique des Affaires étrangères. Modéré par Laurent Marchand de Ouest-France.
Même si l'humour britannique de Mc Shane a fait rire, c'est la Dr Ulrike Guérot qui a recueilli les plus chaleureux applaudissements avec ce qui apparaît de plus en plus comme LA solution aux problèmes de l'Europe, une république d'Europe pour tous, avec les mêmes lois pour tous. Ce nouveau projet politique devra remplacer les états existants. Guérot propose de changer d'États-nations, de passer de l'Etat-nation France ou de l'État-nation Belgique ou de l'État-nation Espagne, à l'État-nation Europe. Cette République de citoyens européens répond, pour Guérot, à la fois aux populismes, aux séparatismes, aux manques de représentation politique et à l'inégalité des lois et des avantages sociaux et, on le devine, à l'inégalité de la fiscalité.
Alors quel avantage pour la Bretagne ? Tout simplement, Ulrike Guérot propose que les unités de bases soient les régions et non pas nos vieux États-nations. Elle propose pas moins que l'Europe aux Cent Drapeaux (voir notre article) de Yann Fouéré. «Il faut institutionnaliser la solidarité au niveau européen. Ce qui fait la nation, c'est l'unité normative et la solidarité institutionnalisée comme l'avait dit le sociologue français Marcel Mauss» . À noter, qu'Ernest Renan avait aussi prononcé le mot «solidarité» dans son fameux discours Qu'est-ce qu'une nation. «La nation est une solidarité...» avait déclaré Renan.
(1) Qu'est ce qu'une nation ?. Discours à la Sorbonne du 20 mars 1888 p.40.
Modifié le 22 janvier à 22 heures.
■Donc, le truc jacobin français en plus grand?
La victoire du jacobinisme?
Non, merci!!!
Heureusement que le Britannique rappelle que la France est une monarchie (Emmanuel 1er... trop fort) et la Grande-Bretagne une République parlementaire...
Le problème de fond est d'établir clairement les définitions d' «Etat-Nation» et de «nation»...
L'état-nation n'est en rien une nation mais un état imposant sa volonté plusieurs peuples...
La nation est un groupe humain culturellement reconnu sur un territoire donné et capable de s'autogérer (par la constitution d'un état) : c'est le peuple qui crée l'état...
Utiliser le mot «nation» à toutes les sauces sans cette clarification provoque un mélange des genres...
Nous en Bretagne, nous avons un vrai problème avec le mot «nation»... nous sommes l'une des plus anciennes nations en Europe avec un passé prestigieux mais totalement nié par l'état-nation français... du fait, nous nous autocensurons pour trouver nous même une logique à cette négation...
Le meilleur exemple est que le mouvement breton ne fait rien, n'a aucune ambition, pour enseigner l'histoire de Bretagne aux enfants... nous nous focalisons uniquement sur la langue...
On voit le résultat : ce débat se déroule en Bretagne (à Rennes) mais la Bretagne est totalement absente de la discussion... Il y a un non dit sous-jacent...
Bon, j'en suis à la minute 28 est finalement on s'oriente vers une Ecosse qui doit rester dans le Royaume-Uni, une Catalogne en Espagne... et bien sûr une Bretagne en France (finalement avec notre autocensure nous sommes à la pointe... vive les Bretons...)
Avec cette dame qui nous explique nous nous Bretons nous sommes égaux devant la loi avec les Corses car Français... sauf que ni les Corses ni les Bretons ne souhaitent être égaux devant la loi française même si nous n'avons rien contre une égalité devant une loi européenne librement consentie.
En plus, cette égalité est largement un mythe car la République fait officiellement des Bretons comme des Corses des citoyens de 2ème catégorie comme nous l'explique Erwan le Garlantezec dans un article d'ABP ( Voir le site ).
Bon, j'arrive à la minute 40, je vais arrêter...
Ce n'est pas inintéressant, mais les personnes sont toutes d'un certain profil et on remarque que les indépendantistes (absent sauf avec l'interview de Talamoni) sont clairement en accusation (bien que très fortement européen)... et que dans le monde théorique de ces personnes tout va bien sur le papier...
=> Il serait intéressant d'avoir le même débat avec des indépendantistes bretons, catalans, écossais, flamant,... là se serait vraiment intéressant.
D'ailleurs à la minute 43 un monsieur évoque le problème élémentaire en terme de droits de l'homme des prénoms bretons interdit... et le modérateur de Ouest-France, confirme cette hypocrisie en refusant cette intervention...
Visiblement les invités ne sont pas trop choqué, comme cette dame qui répond néanmoins à ce monsieur par un bla-bla sur l'Europe sociale... enfumage...
Ils nous parlent de ''vivre ensemble'' et d' «Europe des lumières» (jolis mots de novlangue) mais à la simple interdiction officielle d'un prénom le modèle venté s'effondre...
Bon... Il y a du travail... car il y a peu d'espoir qu'une réponse humaniste vienne de ces ''biens pensants'' dont plus personne ne veut en Europe...!
McShane est certes anti-brexit et plein d'humour, mais au total, pour l'Anglais qu'il se sent culturellement (alors qu'il est Ecossais et qu'il a de surcroit prudemment sollicité un passeport irlandais de secours grâce à la nationalité d'une grand-mère) tout va bien par ailleurs et l'Ecosse doit rester à la place que le RU lui a assignée. Tout au plus s'amuse-t-il d'un retour à la loi pré-révolutionnaire qui autorisait l'entrée, le séjour et l'installation en France de tout Ecossais sans aucune formalité. Sans perdre de vue la tentation traditionnelle et unilatérale du RU : l'accès au Grand Marché Européen. Sans les contraintes, cette fois ... Tant qu'à faire !
Ulrike Guérot, qui doit son nom à un mariage avec un diplomate français, s'exprime avec autant de facilité en français qu'elle peut le faire par ailleurs en anglais. Mais son Etat-Nation européen ressemble à l'entendre comme deux gouttes d'eau à un gros Etat-Nation français forcé aux anabolisants, ce qui n'étonne pas vue sa conception optimiste de la République, laquelle nécessite au contraire à nos yeux une sérieuse piqûre vétérinaire de rappel démocratique.
Le côté «Europe des Régions» ne m'est pas apparu nettement dans ses propos, mais, tenant compte d'une précédente information de nature différente, ratifiée plus haut par l'intervention de Philippe Argouarch, je suis prêt à réviser mon impression et en tout cas je réserve mon jugement : il se peut très bien que j'aie manqué d'attention. Mais dans ce cas, le terme «d'Etat-Nation» ne convient pas et doit être changé pour correspondre à une conception différente.
La vision du journaliste galicien Antonio Rodrigues, empreinte de culture fédéraliste helvétique, faisait au moins droit aux réalités régionales et à leur expression culturelle : la co-officialité du corse et du français en Corse ne lui posant bien entendu aucun souci, la Suisse jouissant de 4 langues officielles et l'Espagne étant sur ce plan mieux lotie que la France. Peut-être avait-il aussi gardé dans un coin de sa tête cette formule de Garcia Lorca qui rejoint tant nos intuitions bretonnes : «L'universel, c'est le local moins les murs».
On passa vite sur l'intervention d'un dénommé Yannig qui n'eut pas l'approche la plus efficace en présentant son problème à la bretonne : «du concret en remontant au conceptuel». En fustigeant la non-inscription du prénom Fanch à cause d'un malheureux tilde, il contestait en effet, par un exemple tangible irréfutable - un authentique «symbole» - les limites du système républicain tout entier. Sa façon ascendante à lui de progresser vers l'abstraction, d'aborder le général, voire l'universel. Et en même temps, grand fondamental de la pensée et de l'art celtiques les plus anciens.
Cette démarche fut hélas reçue par une structure d'esprit apparemment plutôt inverse qui, évoluant d'emblée dans les hautes sphères du concept et de l'idée générale, ne pigèrent rien de la puissance évocatrice du symbole et durent donc se résoudre à dégringoler de l'Olympe pour se mettre au niveau de ce qu'ils percevaient comme une préoccupation parcellaire et mesquine - va-t'il bientôt nous parler de ses sabots ? - un détail insignifiant à balayer d'un revers de main avant de remonter aux altitudes où s'opèrent les navigations sérieuses.
Vous dites, je ne peux pas... mais quand une personne parle des «lumières» (le truc du 18ème siècle qui a fait tant de mal à l'Europe), je ne peux avoir qu'un recul immédiat.... L'Europe n'est pas née au 18ème siècle, elle est un peu/beaucoup plus ancienne que cela...
Il me semble aussi qu'elle semblait aller dans le sens que «indépendantiste = anti-Europe» sauf que c'est actuellement tout le contraire, les indépendantistes en Europe étant les plus fervents partisans de l'Europe...
Mais pas forcément de cette Europe qui affirme à tous vents des valeurs mais qui ne les respectent pratiquement jamais, comme vient de le dire Puigdemond lors de son voyage au Danemark.
Mais je ne demande qu'à constater que je me trompe... sachant que je suis globalement partisan de la vision de Yann Fouéré...
J'attendrai avec intérêt votre prochain article...
Et comme le dit Lucien le Mahé, le terme d' Etat-Nation ne me convient pas.... (à ne pas confondre avec une nation qui dispose d'un état... la différence est phonétiquement subtile, mais la définition est totalement opposée).
@ Yannick,
Oui, votre simple question a présenté immédiatement les limites du beau projet qu'on tente de nous vendre...
Je doute que Ulrike Guérot ait une vision de la définition de «nation» différente de celle des Bretons...
Comme évoqué, il y a 2 définitions (les définition c'est important, c'est incontournable) : celle des état-nations et la définition internationale qu'on appelle aussi nationalisme historique ou nationalisme romantique et qui est une définition largement initiée par la vision germanique de ce mot...
Si Ulrike Guérot n'a pas la même définition que nous, c'est qu'elle fait un écart majeur avec sa propre culture... je suis donc dubitatif... c'est qu'elle adapte son discours... ça n'inspire pas confiance...
Mais vous avez raison, le plus intéressant était finalement la censure immédiate et caractéristique du journaliste breton (? O-F est majoritairement breton) qui démontre bien dans quelle type de société politico-médiatique nous évoluons... une société particulièrement défiante vis à vis du peuple/des peuples... donc de la démocratie... et qui ne s'en cache pas...
«égalité devant la loi»... même si vous évoquez Rousseau, vous le dites vous même ce concept existait en Europe bien avant cela... mais à part quelques passionnés d'histoire comme vous et moi, qui vraiment le sait dans la population???
Cette égalité devant la loi (des Bretons et des Barbares germaniques) qui s'imposera ultérieurement est d'ailleurs la raison du mythe du fameux vase de Soissons, où un roi franc (Clovis) justifiait rompre avec cette égalité car tel était sa volonté... (une histoire que l'on apprend plus aux écoliers bretons tout comme les lumières que leur tradition culturelle l'égalité celtique....) mais aussi la célèbre phrase de Louis XIV (''... l'état c'est moi...'') une phrase que n'aurait jamais pu prononcer un Duc de Bretagne car on oublie aussi que la Bretagne était en écart total avec l'absolutisme de l'état français tant vanté dans nos écoles... tout comme c'était d'ailleurs également le cas du Saint Empire qui sous un empereur commun disposait d'une multitude de systèmes politiques : royaumes monarchiques, royaumes élus (le roi est élu), républiques, villes libres, etc.... (la tradition germanique d'égalité devant la loi ne s'est pas effacée de la même manière qu'en France...)
On a trop tendance à voir les siècles passés sous le seul regard du système français... système qui malheureusement a fini par l'emporter avec la Révolution et la création du nationalisme étatique (Etat-Nations)... car pour limiter la menace française l'Europe a du utiliser les mêmes armes... l'absolutisme étatique... ce qui nous a donné de beaux empires et 2 magnifiques guerres mondiales et aujourd'hui un Conseil Européen (club des états-nations) qui irrite au possible les citoyens européens.
Comme le disait dernièrement une journaliste qui faisait un reproche à la Pologne et à la Hongrie : ils considèrent que le peuple est souverain et s'autorisent à changer les lois de l'état-nation, ce qui est inacceptable en Europe...
Je pense que votre exemple de qualifier la Suisse d'Etat-Nation est discutable....
Certes la nation suisse n'existe pas historiquement, elle est composé des plusieurs d'éléments des nations germaniques/françaises et italiennes... La Suisse s'est constitution par la volonté des habitants de ce territoire qui avait en commun un environnement montagnard...
L'état en Suisse est justement en confédération, c'est à dire une union consentie... le projet suisse.
(Nous avons un exemple similaire en Bretagne, avec Lambert Comte de Nantes et franc de nationalité qui a fait le choix du projet Bretagne avec Nominoé puis Erispoé... probablement parce que cette adhésion était géographiquement une évidence mais aussi par la nature de la population nantaise qui était faiblement franque et bien plus bretonne).
L'état Suisse n'existe donc que par la volonté de ses habitants... et il n'a jamais été question d'abandonner l’identité culturelle des habitants au profit de cette union, chacun reste maître de ses choix sur son territoire...
Il s'agit donc d'une démarche pleinement démocratique...
Cette dimension démocratique, du libre consenti, est tellement important que le sacro-saint ''droit à l'usage de la violence'' réservé exclusivement à l'état dans les autres pays est resté le droit du citoyen en Suisse... et oui, les armes de l'armée sont détenus par les civils (les civils sont en suisse plus armés que les américains), chaque citoyen suisse à le droit d'acheter des armes de guerre (même s'ils ne possèdent que peu d'armes en dehors des armes de la milice) et surtout ce droit d'acheter des armes de guerre est uniquement réservé aux citoyens suisses (même un naturalisé est exclu de ce droit bien que devenu citoyen suisse).
On se rappellera l'épisode que vote démocratique contre l'implantation des minarets, simple expression démocratique... qui avait soulevé l'indignation des états-nations européens et la profération de menaces.... (l'Europe actuelle des états-nations et la suisse ayant visiblement un avis différent sur le terme démocratie). C'est un fait, en Europe actuelle quand le peuple décide, ça pose problème...
Donc, je pense que l'état suisse est suffisamment spécifique pour ne pas être intégré à la définition des états-nations...
En tout cas, nous sommes sur un exemple très différent de la majorité des états-nations tant en Europe quand Afrique ou l'état s'impose aux populations, en Suisse c'est exactement l'inverse.
Madame Guérot a évoque les Corses et les Bretons comme unis par la France, un principe à ne pas changer...
Quand les Bretons et les Corses ont-ils librement consenti à cette union???
Or Bretons et Corses sont d'accord sur une union mais au-travers de l'Europe, pas de la France...
Or justement, je pense que ce que Yann Fouéré nous propose se rapproche plus à une union consentie à la manière de la confédération helvétique, que sur un concept d'état-nation...
Si j'ai bien compris Madame Guérot, elle rêve d'un état idéal qui respecterait les identités et les peuples... or un tel état n'existe pas en tant que tel, sauf si comme en Suisse il est issu de la volonté populaire et n'existe que par la volonté populaire.
Je pense très sincèrement que nous sommes d'accord sur l'essentiel, mais vous avez raison les mots précis et la compréhension de leur définition est essentiel.
Cordialement,