Chronique littéraire de l'été : le rapport de Brodeck

Chronique publié le 15/07/16 22:14 dans Cultures par Fanny Chauffin pour Fanny Chauffin
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le rapport de brodeck, bd, philippe claudel

Philippe Claudel est un grand auteur de langue française, traduit en de nombreuses langues, adapté en BD et au cinéma, il explore les pans sombres de l'histoire et le relire en ces temps troublés peut apporter d'étonnants éclairages.

Il avait écrit «Les âmes grises», un récit étonnant sur la première guerre mondiale et l'on retrouve dans «Le rapport de Brodeck» cette étrangeté de la violence dans un petit village où celui dont on ne dit rien se transforme en héros sanguinaire, en violeur, ou en Résistant de la dernière heure. Brodeck est un homme blessé depuis son enfance, élevé par une vieille femme un peu sorcière qui l'a recueilli dans un village en feu. Il devient étudiant et doit fuir encore alors que la guerre s'installe au milieu de la forêt, où les habitants sont proches des personnages de Comès dans «Silence» ou de Sylvie Germain dans «Jours de colère». Il y vit avec une femme qu'il aime profondément. Mais il est différent et devra partir en camp de concentration.

Il y deviendra le «chien de Brodeck» et les Nazis joueront de lui comme d'une bête. Il devra sa survie à son amour pour la femme restée au village. Mais elle subira l'horreur et, bien que vivante, deviendra folle. Reste Puppchen, cette petite fille née du désastre qui représente pour Brodeck l'espoir d'une autre vie, d'un avenir moins sombre. Brodeck doit rendre son rapport, expliquer la mort de l'Anderer, la noyade de son cheval et de son âne, l'exposition de tableaux qui racontaient les secrets du village par d'étranges portraits...

Rentrer dans ce livre, c'est explorer un univers à la fois connu (la 2e guerre mondiale, les wagons plombés, la Shoah,...) mais c'est aussi un voyage dans plusieurs pays. Celui d'un naturaliste aguerri qui connaît la forêt, les plantes, le nom des arbres et des oiseaux, et c'est fort appréciable. Celui aussi de quelqu'un qui parle l'alsacien et qui parsème son récit de termes de la «vieille langue».

Avant «Celui qui savait la langue des serpents», roman estonien paru il y a deux ans, le «Rapport de Brodeck» explore la richesse de mots différents qui montrent à quel point un roman peut s'enrichir des mots d'un autre, qui n'est pas forcément «l'Anderer»...

Le rapport de Brodeck, Philippe Claudel, 2007, Prix Goncourt des lycéens 2007

Adaptation en bande dessinée : Philippe Claudel, Manu Larcenet, Dargaud, 2015, 2016


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