Changer la graphie du breton, de gré ou de force

Tribune publié le 24/01/11 18:04 dans Langues de Bretagne par Mark Kerrain pour Mark Kerrain
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Fanch Boudic Alain Miossec recteur de l'académie de Rennes et Rémy Guillou inspecteur pédagogique pour les langues régionales dans les académies de Rennes et Nantes présentaient le rapport aujourd'hui lors d'une conférence de presse au rec

Une nouvelle enquête sur la langue bretonne est publiée par Fañch Broudig, journaliste retraité, président des éditions Emgleo Breiz, qui propose « un changement d'orthographe » pour adopter la graphie dite “universitaire”, qui n'est guère utilisée dans les universités, mais qui est la sienne.

On pense à un poisson d'avril, mais nous sommes en janvier.

Mais comment changer la graphie majoritaire des utilisateurs globalement satisfaits de celle qu'ils utilisent ? De prime abord, la tâche ne parait pas aisée.

C'est pourquoi Fañch Broudig demande à “l'Académie de Rennes” de s'en occuper: en effet, affirme-t-il, « elle a la légitimité pour le faire ». Si d'aventure le bretonnant normal pensait que la graphie du breton était son affaire et celle des bretonnants qui la pratiquent, il aurait, aux yeux de Fañch Broudig, complètement tort. Sans doute les Recteurs s'occupent-ils également de la graphie du français, comme de l'anglais, et de toutes les autres langues enseignées dans leur académie. Le grec et le russe n'ont quà bien se tenir.

Le procédé retenu est donc la contrainte. Car il s'agit bien d'imposer une graphie qui n'a pas spontanément l'adhésion des professionnels. C'est la solution retenue par Fañch Broudig, pour soumettre les usagers de l'orthographe dont la pratique professionnelle est un plébiscite quotidien pour l'orthographe majoritaire.

On se rappellera alors que Fañch Broudig est aussi directeur d'Emgleo Breiz, le seul éditeur dans une autre orthographe, donc minoritaire, qu'il na publié aucun livre pour enfants en 2010, quand Keit Vimp Bev, TES, Sav-Heol, An Alarc'h, Bannoù-Heol, et quelques autres, ont publié plusieurs de ces ouvrages à destination des élèves des filières bilingues. On ne suspectera donc pas sa neutralité dans cette réouverture violente de la querelle orthographique bretonne qui aura pour premier effet de casser l'enseignement du breton et d'arrêter net l'édition. Belle réussite.

Dans un premier temps il s'agira pour lui de « mettre sur pied un groupe de travail » Groupe de travail qui ne sera pas financé par Emgleo Breiz mais probablement désigné par son président Fañch Broudig.

Ce groupe serait « constitué de représentants de chacune des universités concernées », et, on peut le parier, probablement pas à titre bénévole. Les usagers non-universitaires sont priés de circuler : ils n'ont pas d'avis à avoir sur une question qui les concerne au premier chef. Au XXIè siècle, des pontifes infaillibles décideront, avec sérieux, en lieu et place des utilisateurs professionnels, que l'orthographe qui fonctionne dans l'enseignement et l'édition ne convient plus. Ces « représentants des universités », seront-ils aussi retraités ? Et à quels taux seront t-ils rémunérés pour leur ouvrage constructif ?

Car on se demande s'il ne s'agit pas ici de financer une nouvelle étude qui permettrait de salarier encore quelques mois des retraités adeptes du « travailler plus pour gagner plus », comme naguère Christine Boutin : ce serait cher payer des acharnés du travail pour harceler enseignants et éditeurs bretons. On leur suggérera donc d'utiliser plus utilement leur compétences, soit à enseigner bénévolement le breton dans les nombreuses associations existantes, soit à écrire quelque ouvrage pour la jeunesse, à réaliser quelque film .

La langue bretonne en effet a plus besoin de créateurs désintéressés que d'enquêteurs âpres au gain, voire de commissaires politiques chargés de purge orthographique : le breton manque plus de création authentique que de commission de spécialistes grassement appointés.

Elle a notamment besoin d'une radio en breton, audible dans toute la Bretagne, animée par des locuteurs de valeur, retraités ou non, que d'enquêtes quelles qu'elles soient.

Les usagers professionnels et quotidiens du breton ont enfin et surtout besoin de sérénité pour travailler. Ils n'ont que faire de propositions douteuses qui n'aboutiront qu'au saccage de leur outil de travail, la langue bretonne écrite, outil principal des enseignants, traducteurs, et écrivains.

Pour Sav-Heol

Mark Kerrain

éditeur, traducteur

Sav-Heol est une association de bénévoles, pour l'enseignement du breton aux adultes et l'édition pour étudiants et apprenants. Elle est membre de la fédération Kuzul ar Brezhoneg.


Vos commentaires :
Tangi Thomin
Samedi 23 novembre 2024
Pegen reut !!!
Perak nompas asantiñ taoler ur sell war ar pezh a vefe posubl gwellaat?

Un petit effort pour regarder ce qu'il serait possible d'améliorer. C'est trop demander?

Tangi


Paul Chérel
Samedi 23 novembre 2024
Sans aller jusqu'à dire , comme on dit en français, :«l'orthographe est la science des ânes», je suis tout à fait d'accord avec Mark Kerrain. Laissons écrire les bretonnants de naissance comme ils parlent le breton (syntaxe et phonétique), ils ont au moins le courage et la ténacité pour oser écrire et ainsi faire perdurer leur langue maternelle. Laissons les néo-bretonnants écrire comme ils l'ont appris dans le Léon ou en Cornouaille, à Plonevez-en-Porzay ou à Locronan, ou encore à Vannes. Mais surtout ne faisons pas appel à des universitaires pour rectifier des queues de cerises ! Le KLTW a suffisamment de mal à s'implanter. Si Fañch Broudig veut faire imposer (je n'ai pas eu en mains son texte initial) une orthographe identique sur les cinq départements et dans toute la diaspora bretonne via l'Académie de Rennes (donc B4) il se trompe énormément de combat pour la langue bretonne. Son idée de créer un «groupe de travail» montre son allégeance à la France et à sa manie de créer observatoires, agences, commisions, comités,hautes Autorités, etc. Il ferait mieux de s'attaquer au laisser-aller orthographique et «syntaxique» des journalistes qui écrivent et pullulent dans la presse française qui, elle, a, paraît-il, une orthographe une et universelle. Paul Chérel

Tristan Loarer
Samedi 23 novembre 2024

Perak ne vije ket goulennet seurt studioù gant Ofis Foran ar Brezhoneg, kentoc'h eget fougeal egoioù hiniennel ?

Pourquoi ne pas demander de telles études à l'Office publique de la langue bretonne, entité légitime en la matière, plutôt que de flatter certains egos ?

Na pegeit amzer ha nerzh a vo kollet evit bruzhuniñ hon yezh, pa vez ezhomm ken ha ken he lakaat da advevañ war ar pemdez.
Combien de temps et d'énergie perdrons nous à morceler notre langue, quand il est plus que temps de s'atteler à la faire revivre au quotidien ?

Din da adlârout goude Xavier Langleiz: «Re vihan eo Breizh evit gallout prenañ lorc'h meur a reizhskrivadur» (D. Delouche)
Et je citerai Xavier de Langlais: «La Bretagne est un trop petit pays pour se permettre le luxe de plusieurs orthographes».

a galon,
Tristan Loarer, danvez-kelenner


Gildas Chatal
Samedi 23 novembre 2024

Emglo Breiz n'est pas la seule maison d'edition a utiliser une autre orthographe, Skol Vreizh utilise l'interdialectale dans certains ouvrages avec des auteurs comme Favereau. Il n'est franchement pas difficile de passer d'une orthographe a une autre. De plus, de là à conseiller, comme j'ai pu le voir sur un autre site, de ne pas utiliser Le Breton sans Peine de Fanch Morvannou parce qu'il n'est pas ecrit en Peurunvan, je trouve cela bien sectaire. La pretendue guerre des orthographes masque d'autres rivalites, il me semble. Cela dit, toute orthographe est perfectible.

Claude Guillemain
Samedi 23 novembre 2024

Bien que n'étant qu'un très modeste locuteur baragouinant le trégorrois de ma grand-mère(voir Jules Gros), je pense, comme Mark Kerrain, que la langue bretonne a besoin d'unité et de simplicité. J'ai constaté que le lycée de Lannion et le collège de Pleumeur Bodoù proposaient l'option «Breton», bien en évidence, sur les dossiers d'inscription. Quand je pense aux jeunes qui veulent apprendre le breton, je me dis qu'il serait criminel de revenir en arrière pour vouloir réformer ce qui semble bien fonctionner.
Ce témoignage d'un breton de l'étranger est destiné aux ayatollahs du brezhoneg.

Claude Guillemain
Réseau des Bretons de l'Etranger


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