Ce que nous dit le reliquaire du coeur d'Anne de Bretagne

Chronique publié le 19/04/18 13:31 dans Patrimoine par Yvon Ollivier pour Yvon Ollivier
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le reliquaire (photo William Chevillon)

Cette précieuse orfèvrerie vient d’être dérobée. A plusieurs titres, nous pouvons-être indignés, que nous accordions grande importance ou pas à l’épopée de la duchesse Anne. Mon propos est juste de souligner ici combien ce qui nous arrive était prévisible et même assez normal au sein de l’ordre français.

Ce genre d’avanie est le lot des cultures minorisées, bafouées ou secondarisées. La protection accordée au reliquaire était de celle que l’on accorde au patrimoine d’intérêt local, au sein d’un ordre hypercentralisé. Une protection de seconde main, en quelque sorte. Pièce unique symbolisant la force du lien avec leur duchesse pour les Bretons, le reliquaire ne présente pas le même intérêt aux yeux de Paris. S’il avait revêtu une importance historique de premier rang pour la France, la protection accordée eût été maximale.

On ne compte plus les éléments de notre patrimoine déliquescent, ces textes précieux pour notre histoire, notre patrimoine ou nos langues, qui dorment dans les fonds poussiéreux des Bibliothèques nationales et qui jamais ne croiseront le regard du chercheur car personne ne s’intéresse à la Bretagne au sein de l’université française. Je pense encore à ces enregistrements en langue bretonne jetés par mégarde ou malveillance par les autorités légalement chargées de leur conservation.

Même nos langues ne sont pas une priorité politique pour le Conseil régional de bretagne, sinon, on le saurait. Il faudrait dix fois plus de jeunes locuteurs en langue bretonne dans nos écoles afin de prétendre en assurer la sauvegarde. Nos responsables politiques se taisent et se contentent de si peu.

Le Conseil départemental de Loire atlantique n’a guerre brillé dans la protection accordée au reliquaire, mais accorde-il plus grande importance à l’identité comme au patrimoine breton sur son ressort ? Il ne songe même plus à solliciter la réunification administrative de la Bretagne.

Mme le maire de Nantes ne songe qu’aux Nantais lorsqu’il s’agit de déplorer ce vol, au risque d’oublier que la duchesse Anne était duchesse de l’ensemble des Bretons, comme mentionné sur le reliquaire.

Le reliquaire a le grand mérite de nous ramener à la situation de délabrement général de notre patrimoine culturel et des fondamentaux de notre identité bretonne, sur notre terre de toujours.

Nos responsables politiques en portent la responsabilité première, à trop se complaire au sein du système centralisateur, mais encore tous ceux qui baissent les bras par inculture, conformisme ou résignation.

Alors si au moins le reliquaire pouvait amener les Bretons à prendre conscience que leur patrimoine , dans toutes ses composantes, doit être érigé en véritable priorité politique, car il les réunit et forme leur meilleur atout dans cette mondialisation.. .

Il s’agirait-là du dernier cadeau posthume de la Duchesse Anne à ses Bretons.

Yvon OLLIVIER

auteur,juriste


Vos commentaires :
Patrice Maillard
Vendredi 22 novembre 2024
Bravo pour cette chronique tristement vraie. L'état s'en moque tellement que personne ne sait (pas même lui, l'état) qu'il en était le propriétaire ? Aucune réaction de la part de la DRAC ?
Nous sommes très inquiets quant à la sécurité (vol, incendie ou autre) du Trésor des chartes des Ducs de Bretagne et des archives de la chambre ds comptes de Bretagne, dont il incombe à M. Gros valet d'en assurer la conservation pour tous les bretons.
On attend toujours des explications du conseil départemental et du musée. La vérité doit être sue.

Loïc.L(emasson)
Vendredi 22 novembre 2024
«Il s’agirait-là du dernier cadeau posthume de la Duchesse Anne à ses Bretons.»
C'est exactement ce que j'ai pensé. Si seulement...
Quant aux enregistrements perdus (volontairement cela ne m'étonnerait pas, vu la faible protection et la faible visibilité de notre patrimoine, dont certains éléments comme ce coeur très explicite de sens aurait du être au Louvre, mais la visibilité mondial qu'offre ce musée ne plait pas à certains); quant aux enregistrements perdus à nous d'en faire avec des enregistrements radios par exemple. Une clefs USB et hop (ou un disque saphir - environ 100e - qui permet de stocker avec fiabilité de l'analogique sur plusieurs siècles; c'est ce qui est utilisé pour stocker le plan des centrales nucléaires).
A galon d'an goll, ha bevet Breizh.

Maryvonne Cadiou
Vendredi 22 novembre 2024
Si nos maires, de Nantes comme de Rennes, n'ont pas un véritable amour pour la Bretagne, Ouest France rapporte que M. Loïg Chesnais-Girard, nouveau président du Conseil de la Région Bretagne, aurait dit, à propos du vol du reliquaire, que : ... à Nantes, la ville de notre cinquième département... et c'est en gras dans le journal, en page Nantes, pas en page Loire-Atlantique. Un petit pas à la fois.
Par ce temps de canicule il va pleuvoir des grenouilles !

Peri loussouarn
Vendredi 22 novembre 2024
Voilà que la presse nous annonce aujourd'hui, samedi 21 avril, l'interpellation de trois des quatre auteurs «présumés» du vol.
Mais aucune info supplémentaire... Vol simple, vol politique .... ?
Pas très bavard le parquet nantais .....

paul Kergall
Vendredi 22 novembre 2024
il faut retrouver ce reliquaire du coeur d'Anne de Bretagne Duchesse des Bretons et mère de Claude France que je n'apprécie guerre car c'est elle qui en 1532 a offert par un acte d'union la Bretagne a la France cette UNION
avec des chapitres de droits pour la Bretagne et les Bretons malmenés par Paris pour finalement disparaître quant aux maires de Rennes et de Nantes (et d'autres également) -ils elles- ne sont intéressées que par le pouvoir et l'argent pas du tout par la Bretagne et les Bretons , je ne peux pas écrire ce que je leur souhaite

Lucien Le Mahre
Vendredi 22 novembre 2024
A travers la réflexion de cet article avisé au sujet du précieux reliquaire d'Anne de Bretagne, il est encourageant de constater que nous évoluons peu à peu vers un degré d'exigence accru, non seulement envers nos propres responsabilités, mais également envers celles de nos parlementaires et autres délégués régionaux.

Dans la situation de minorisation qui reste en effet la nôtre, ces élus ne peuvent éternellement se contenter d'exercer leurs fonctions comme de bons fonctionnaires dans les étroites limites du cadre imposé, sans exiger par principe le respect des droits universels qui nous sont dus concernant notre territoire historique, nos langues et cultures, ainsi que la création d'une instance politique régionale minimum capable d'assurer une gestion interne normale et responsable.

Un Conseil Régional croupion qui gère 1,5 milliards alors que ses voisins allemands espagnols, belges, britanniques, néerlandais (et bientôt italiens) en gèrent 20 à 30 fois plus - avec naturellement les compétences élargies qui vont avec - n'est pas à la hauteur de la situation et pas plus au niveau de son époque et il ne suffit pas de le déplorer à l'occasion sur site en évitant de s'adresser directement à Versailles avec franchise et courage.

Sans discuter la qualité du travail de chacun de ses membres, il est difficile de comprendre qu'ils puissent collectivement se contenter d'une telle situation humiliante pour la Bretagne et les Bretons, alors même que l'UE défend ( mais sans l'exiger ) le principe de «subsidiarité» qui entend ne déléguer une responsabilité au niveau supérieur que lorsqu'elle n'est pas possible au niveau précédent.

La République pyramidale ne peut non plus éternellement jouer à cache-cache avec les règles européennes et internationales pour préserver une organisation dépassée, si du moins elle se veut un véritable «Etat de droit».

Mais d'un autre côté, tant que les Bretons ne se demanderont pas avec plus d'acuité en vertu de quelle Loi aberrante issue de quel Code abusif, il faudrait, pour être pleinement français, ne plus être breton, ils devront se contenter de voir la gestion de leur Région réduite à celle d'un adolescent bénéficiant d'un argent de poche régulier octroyé par son autorité de tutelle et nous continuerons tous à végéter économiquement sans notre «Comté de Nantes» en contribuant par notre faute à notre retard démocratique ...

D'autant que, en l'absence d'une volonté de rassemblement politique bretonniste à l'image des autres grandes régions comparables autour de nous, il semble probable que nous continuions à voter, la goule enfarinée, pour des partis hexagonaux qui, peu ou prou, se contentent précisément du statu quo institutionnel qui nous asphyxie lentement dans sa nasse jacobine.

Sommes-nous déjà si loin du coeur de notre Duchesse Anne ? Je peux bien sûr me tromper, mais je ne le crois pas vraiment.


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