La Brittany Ferries assure des liaisons entre la France, la Grande-Bretagne, l'Irlande et l'Espagne. Elle est le premier armateur en France et le premier exportateur français vers le Royaume-Uni, a une dette de 70 millions et essaie de sauver le navire en faisant participer l'ensemble du personnel au redressement nécessaire des finances. Son déficit a atteint 18 millions d'euros l'an dernier, après une perte de 16 millions en 2010 et de 8 millions en 2009.
Suite à une grève de 24 heures sans préavis en début de semaine, la direction de la BAI a annoncé vendredi avoir décidé d'immobiliser tous ses navires pour une durée indéterminée en raison de «grèves à répétition de son personnel navigant». Bien que les salariés disent avoir voté le retour au travail juste avant, le journal Les Echos rapporte qu'une autre grève était prévue pour le 28 septembre.
A noter que le personnel terrestre et le syndicat des officiers mariniers ont, quant à eux, refusé de faire grève. D'après Yves Lainé, qui fut directeur du développement de 1976 à 1997, les marins ne mènent pas uniquement les huit navires de la Brittany Ferries, ils mènent aussi la barque : «il y a toujours eu à la BAI une sorte de prise d'otage des sédentaires par les marins», affirme l'ancien cadre.
Selon un membre du Conseil de Surveillance (le Conseil d'administration) qui a accepté de discuter avec ABP, les représentant des syndicats du personnel navigant refuserait toutes les propositions de la direction. Jean-Paul Corbel, quant à lui, aurait déclaré bloquer la situation « parce que la direction refuse d'étudier avec nous d'autres pistes d'économies».
La direction veut revenir sur certains avantages accordés au personnel navigant dans les années 90. Il s'agit d'une prime mensuelle s'élevant à 150 euros pour les marins (mais pas les officiers), d'indemnités pour les repas servis lors des traversées. Contacté par ABP, Gaétan Bohu, délégué syndical CFDT et au Comité d'Entreprise, actuellement sur le Normandie occupé par le personnel, a déclaré que les syndicats seraient prêts à accepter le plan de retour à la compétitivité à condition que les suspensions de ces avantages soient temporaires en attendant des jours meilleurs, alors que la direction les veut définitives.
D'après Gaétan Bohu, une des raisons du conflit vient aussi du refus par la direction de certaines propositions des salariés navigants, comme celle d'entrer dans l'actionnariat de l'entreprise.
Les principaux actionnaires de la Brittany Ferries sont des paysans bretons regroupés au sein de coopératives agricoles comme la SICA, coopérative légumière de Saint-Pol de Léon. Alexis Gourvennec, le fondateur de la Brittany Ferries, fut lui-même le président d'une de ces coopératives. Ces agriculteurs voient leurs exportations vers l'Angleterre tomber à l'eau et sont fous de rage. «Les pertes vont se chiffrer en millions et accentuer encore plus le déficit commercial de la France», fait remarquer ce membre du CA qui pense que le gouvernement devrait intervenir. Brittany Ferries a annoncé que, si une solution n'était pas trouvée, ce ne sont plus 70 millions de dette qu'il faudra gérer mais 150 millions. Pour commencer, il faut rembourser 8 000 réservations non honorées.
Confronté à cinq problèmes majeurs, l'augmentation des coûts du carburant, la crise économique et la diminution des passagers, la baisse de la livre sterling (80% des passagers seraient britanniques), la concurrence des compagnies aériennes lowcost, et même la concurence d'autres compagnies comme Irish Ferries, le fleuron de l'économie bretonne est déstabilisé. La BAI n'a évidemment pas la possibilité de délocaliser des lignes maritimes. En revanche, installer le siège social à Cork en Irlande et bénéficier de la même fiscalité avantageuse qu'Apple et Google ? Pourquoi pas si c'est le prix à payer pour conserver des débouchés aux légumiers léonards et les emplois de 2 500 Bretons et Normands. ..
Mais les choses ne sont pas forçement mieux de l'autre côté de la mer celtique. Irish Ferries qui opère 4 ferries dont aussi des lignes vers Roscoff et Cherbourg fut la proie d'un terrible conflit social en 2005. L'entreprise a failli disparaître pour de bon alors que le personnel navigant refusait aussi des réductions de salaires. Irish Ferries décida alors d'embaucher (outsourcing) du personnel issu de pays pauvres en dehors de la Communauté européenne et un énorme scandale éclata lorsqu'il fut découvert qu'une femme de nationalité philippine était payée un euro de l'heure. Des manifestations rassemblant jusqu'à 100 000 personnes eurent lieu à Dublin. Le conflit fut résolu en décembre 2005 grâce à l'intervention d'une commission de négociation entre les syndicats et la direction. Irish Ferries refuse aujourd'hui les traversées à perte. La ligne Rosslare-Roscoff n'est opérée que de mai à septembre mais offre des tarifs qui défient toute concurrence. 99 euros par passager avec voiture au départ de Roscoff vers Rosslare en mai 2013 alors que pour la même date c'est 146 euros minimum pour la Brittany Ferries, également au départ de Roscoff mais vers Cork. A noter toutefois que Cork est une ville de la taille de Saint-Malo alors que Rosslare est un embarcadère perdu à 75 kms de Dublin.
Philippe Argouarch
■S'agit-il du prix du carburant, la chute de fréquentation, des luttes internes, la fiscalité française dont nous souffront en Bretagne,...?
Le Carburant est surprenant, car dans ce cas tous les ferries européens seraient dans la même situation et notamment en Baltique! Et d'autant plus, pour les nombreuses compagnies utilisant les Catamarans à grande vitesse partout en Europe!
Une chose est sûr, cette liaison maritime est importante pour la Bretagne, et proportionnellement bien plus que le TGV français et L'aéroport NDL qui vont ruiner le budget breton pour de nombreuses années!