Bretons sacrifiés de Conlie, 1870 : la mémoire est toujours aussi vive

Communiqué de presse publié le 17/11/23 18:14 dans Histoire de Bretagne par Yvon Ollivier pour Yvon Ollivier
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En ce 11 novembre 2023,  l'association Koun Breizh-Bertaign Tenant-Souvenir de Bretagne a voulu rendre hommage aux Bretons sacrifiés du camp de Conlie, mobilisés sur ordre de Gambetta lors de la guerre de 1870. 

Une gerbe a été déposée par des militants au pied de la Croix aux Bretons se trouvant au cimetière de Conlie. S'en est suivi un moment de recueillement, puis plusieurs prises de paroles, parmi lesquelles celle de Jean-Luc Laquittant pour Koun Breizh.

Des liens ont été créés avec une jeune association locale : KERFANK 1870 Conlie se souvient, se donnant pour mission de perpétuer la mémoire du camp et des Bretons de Conlie. Une commémoration, tous les deux ans est envisagée par cette association. 


Vos commentaires :
Pascal Lafargue
Mardi 19 novembre 2024
Comment se fait-il que l'affaire de Conlie n'a pas laisse de trace dans la tradition populaire et dans les gwerziou notemment ? On peut s'en etonner au regard d'un evenement que l'on nous decrit comme ayant ete a ce point terrible. Les Bas-Bretons qui en seraient revenus n'auraient pas manque de chanter ce sombre episode. Se pourrait-il qu'il y est eu la une exageration des faits a des fins politiques ? Ou alors serait-ce l'ampleur de l'humiliation qu'ils ont subi qui les aurait fait se taire ? C'est juste une question que je me pose depuis longtemps.

Pascal Rannou
Mardi 19 novembre 2024
Bonsoir Pascal, il y au moins une «gwerz», et non des moindres, qui a été écrite sur ce sujet, mais en français, et par un Bas-Breton qui avait écouté le témoignage de plusieurs survivants: «La pastorale de Conlie», de Tristan Corbière (une des pièces maîtresses de son unique recueil, «Les Amours jaunes»). Ce n'est pas une texte «populaire» - issu du peuple, mais il en prend l'allure. Son titre semble d'ailleurs une allusion cruelle à la «Pastorale de Poullaouen». Le sous-titre est «Par un mobilisé du Morbihan», à la façon des «gwerzioù» anonymes, qui disaient «par un paysan des Monts d'Arrée», «par un tailleur de pierre», «par un marin»... suivi du nom d'un village ou d'un territoire... Corbière était de Morlaix: en attribuant son texte à un «mobilisé du Morbihan», il fait comme s'il l'avait recueilli de la bouche d'un survivant, alors que sa langue est bien plus travaillée que celle d'humbles auteurs à peine alphabétisés. Mais les «gwerzioù»se passent surtout en Bretagne, même si certaines évoquent des guerres, parfois lointaines, dans le «Barzaz Breiz» notamment. Il ya urait d'ailleurs eu entre 143 (selon Jean Rohou, «Fils de Ploucs» , tome 1) et 173 morts (Wikipédia) «seulement», ce qui n'est peut-être pas assez (par rapport à 14-18!) pour inspirer des «gwerzioù» populaires... J.Cornette ne donne pas de chiffre précis. Sur Conlie, lire aussi la terrible nouvelle intitulée «La boue», dans «Sueur de sang», de Léon Bloy.

Pascal Lafargue
Mardi 19 novembre 2024
Bonsoir Pascal, merci pour ces informations. Oui, je savais pour le poeme de Tristan Corbiere, voici a ce propos ce qu'en a dit Jean Berthou (Catalogue du Musee des Jacobins, 1995) :
« Malgre la derision du titre » La pastorale de Conlie« le poeme de Tristan Corbiere est exeptionnel dans son oeuvre, un poeme de circonstance, presque polemique, tout vibrant d'emotion et de colere maitrisee. Il tenait de la bouche d'Aime Vacher, son beau-frere, la relation par un temoin oculaire du drame qui se jouait au camp retranche. Engage volontaire et parque lui-meme a Conlie en meme temps que 50 000 autres mobilises. Il lui conta les details d'une experience vecue. [...] »
Peut-etre existe-t-il quelque part des temoignages directes de soldats...
Il y a aussi comme source le livre ecrit par Keratry pour se defendre et laver son honneur. J'en possedais un exemplaire il y a quelques annees, (je l'ai revendu depuis). Je ne me souviens pas qu'il y mentionait les conditions de vie pitoyables des soldats, peut-etre n'etait-ce pas le but de son livre, surtout, cela n'aurait peut-etre pas joue en sa faveur aux yeux de ses acusateurs...

JJGOASDOUE
Mardi 19 novembre 2024
Jean Moulin a illustré le texte de Corbières dans son livre Armor , il est le seul français à respecter la Bretagne et c'est un honneur pour nous. La République a massacré 200 000 Vendéens et Bretons dans des abominations hamassiennes= leur adn.

Jean-Luc Laquittant
Mardi 19 novembre 2024
Conlie ce ne sont pas seulement 143 ou 173 mais certainement beaucoup plus décédés des suites de ce camp de la mort, on ne le saura jamais. Ce sont également les 6000 Bretons, venant de Conlie, tués dans la bataille du Mans, sur les 12000 envoyés par Gambetta au massacre, avec de vieux fusils inadaptés aux cartouches fournies, devant des Prussiens super équipés qui en firent une boucherie. Il n'y a pas que camp, il y a aussi la bataille du Mans (janvier 1871). Dont le gouvernement Gambetta non content d'envoyer à la mort 12000 Bretons totalement sous armés et sans aucune formation militaire, les accusa par la suite d'avoir perdu la bataille du Mans. Merci Paris !

JJGOASDOUE
Mardi 19 novembre 2024
Jean Moulin a illustré le texte de Corbières dans son livre Armor , il est le seul français à respecter la Bretagne et c'est un honneur pour nous. La République a massacré 200 000 Vendéens et Bretons dans des abominations hamassiennes= leur adn.

Alain E. VALLÉE
Mardi 19 novembre 2024
Dans «Kerfank,1870» (1978), les Tri Yann rendent hommage aux Bretons sacrifiés à Conlie.
AV

Jean François Mahé
Mardi 19 novembre 2024
Glenmor y fait référence également ainsi que Servat je crois.

Jean-Luc Laquittant
Mardi 19 novembre 2024
Je tiens à signaler que la cheville ouvrière de cette délégation de Koun Breiz à Conlie est notre ami et grand militant breton : Nicolazig ar Floc'h. On ne parle que trop rarement des militants de l'ombre.

Pascal Rannou
Mardi 19 novembre 2024
« Colère maîtrisée»? Elle explose:

Titre : La pastorale de Conlie
Poète : Tristan Corbière (1845-1875)
Recueil : Les Amours jaunes (1873).

Par un mobilisé du Morbihan.

Moral jeunes troupes excellent.
(Off.)

Qui nous avait levés dans le Mois-noir – Novembre –
Et parqués comme des troupeaux
Pour laisser dans la boue, au Mois-plus-noir – Décembre –
Des peaux de mouton et nos peaux !

Qui nous a lâchés là : vides, sans espérance,
Sans un levain de désespoir !
Nous entre-regardant, comme cherchant la France...
Comiques, fesant peur à voir !

– Soldats tant qu'on voudra !... soldat est donc un être
Fait pour perdre le goût du pain ?...
Nous allions mendier ; on nous envoyait paître :
Et... nous paissions à la fin !

– S'il vous plaît : Quelque chose à mettre dans nos bouches ?...
– Héros et bêtes à moitié ! –
... Ou quelque chose là : du cœur ou des cartouches :
– On nous a laissé la pitié !

L'aumône : on nous la fit – Qu'elle leur soit rendue
À ces bienheureux uhlans soûls !
Qui venaient nous jeter une balle perdue...
Et pour rire !... comme des sous.

On eût dit un radeau de naufragés. – Misère –
Nous crevions devant l'horizon.
Nos yeux troubles restaient tendus vers une terre...
Un cri nous montait : Trahison !

– Trahison... c'est la guerre ! On trouve à qui l'on crie !...
– Nous : pas besoin... – Pourquoi trahis ?...
J'en ai vu parmi nous, sur la Terre-Patrie,
Se mourir du mal-du-pays.

– Oh, qu'elle s'en allait morne, la douce vie !...
Soupir qui sentait le remord
De ne pouvoir serrer sur sa lèvre une hostie,
Entre ses dents la mâle-mort !...

– Un grand enfant nous vint, aidé par deux gendarmes,
– Celui-là ne comprenait pas –
Tout barbouillé de vin, de sueur et de larmes,
Avec un biniou sous son bras.

Il s'assit dans la neige en disant : Ça m'amuse
De jouer mes airs ; laissez-moi. –
Et, le surlendemain, avec sa cornemuse,
Nous l'avons enterré – Pourquoi !...

Pourquoi ? dites-leur donc ! Vous du Quatre-Septembre !
À ces vingt mille croupissants !...
Citoyens-décréteurs de victoires en chambre,
Tyrans forains impuissants !

– La parole est à vous – la parole est légère !...
La Honte est fille... elle passa –
Ceux dont les pieds verdis sortent à fleur-de-terre
Se taisent... – Trop vert pour vous, ça !

– Ha ! Bordeaux, n'est-ce pas, c'est une riche ville...
Encore en France, n'est-ce pas ?...
Elle avait chaud partout votre garde mobile,
Sous les balcons marquant le pas ?

La résurrection de nos boutons de guêtres
Est loin pour vous faire songer ;
Et, vos noms, je les vois collés partout, ô Maîtres !...
– La honte ne sait plus ronger. –

– Nos chefs... ils fesaient bien de se trouver malades !
Armés en faux-turcs-espagnols
On en vit quelques-uns essayer des parades
Avec la troupe des Guignols.

– Le moral : excellent – Ces rois avaient des reines,
Parmi leurs sacs-de-nuit de cour...
À la botte vernie il faut robes à traînes ;
La vaillance est sœur de l'amour.

– Assez ! – Plus n'en fallait de fanfare guerrière
À nous, brutes garde-moutons,
Nous : ceux-là qui restaient simples, à leur manière,
Soldats, catholiques, Bretons...

À ceux-là qui tombaient bayant à la bataille,
Ramas de vermine sans nom,
Espérant le premier qui vint crier : Canaille !
Au canon, la chair à canon !...

– Allons donc : l'abattoir ! – Bestiaux galeux qu'on rosse,
On nous fournit aux Prussiens ;
Et, nous voyant rouler-plat sous les coups de crosse,
Des Français aboyaient – Bons chiens !

Hallali ! ramenés ! – Les perdus... Dieu les compte, –
Abreuvés de banals dédains ;
Poussés, traînant au pied la savate et la honte,
Cracher sur nos foyers éteints !

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
– Va : toi qui n'es pas bue, ô fosse de Conlie !
De nos jeunes sangs appauvris,
Qu'en voyant regermer tes blés gras, on oublie
Nos os qui végétaient pourris,

La chair plaquée après nos blouses en guenilles
– Fumier tout seul rassemblé...
– Ne mangez pas ce pain, mères et jeunes filles !
L'ergot de mort est dans le blé.

1870.
Tristan Corbière.
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