En l'espace d'une vingtaine d'années, la révolution numérique a déferlé sur la société et profondément bouleversé l'économie, beaucoup plus vite et plus radicalement que ne l'avait fait l'arrivée de la machine à vapeur lors de la Révolution industrielle, puis l'apparition de l'électricité. Nous avons vu sous nos yeux disparaître de nombreux métiers et en apparaître beaucoup d'autres dont personne n'aurait pu prévoir le développement. Et ce n'est pas fini... Il est probable que des changements encore plus spectaculaires nous attendent dans les années à venir. Il n'y a cependant pas de quoi paniquer. Les individus comme les sociétés doivent pouvoir s'adapter et même tirer profit des progrès techniques, à condition que ces évolutions soient bien accompagnées par les pouvoirs publics, notamment au plan de la formation.
De nombreux exemples autour de nous nous montrent que bien des acteurs économiques savent rebondir pour sauter plus haut. Un de ces exemples est celui d'une petite entreprise de la région nantaise, Boscher photogravure, qui a su se faire une place en quelques années dans le domaine de la signalétique et de la muséographie.
A ses débuts, ce n'était qu'un petit atelier de gravure, créé par François Boscher, un artisan à l'ancienne qui réalisait à Nantes des tampons et des plaques gravées. L'affaire se développa et alla s'installer dans la zone industrielle nouvellement créée à Saint-Herblain, tout en conservant un magasin au centre de Nantes, au 5, rue Jean-Jacques Rousseau.
Il y a trente ans, la société Boscher Gravure, SA au capital de 700.000 F, était une affaire relativement prospère qui travaillait à la fois pour une clientèle de particuliers, de commerçants et d'administrations et aussi pour de nombreux imprimeurs de la région nantaise ; elle employait 49 personnes et faisait de la gravure mécanique, de la gravure chimique, de la photogravure et aussi de la photocomposition, exploitant ainsi une nouvelle technique qui était en train de reléguer aux oubliettes la composition traditionnelle, laquelle se pratiquait avec des caractères en métal, le plus souvent au plomb, et qui était encore largement utilisée dans les imprimeries. L'arrivée de puissants scanners était en train de bouleverser complètement la photogravure et de condamner au chômage les ouvriers photograveurs qui étaient riches d'une longue formation professionnelle et qui comptaient parmi les plus respectés des salariés de l'imprimerie. L'arrivée rapide et massive des ordinateurs et des logiciels de mise en pages et de traitement des images conduisait logiquement la société Boscher à disparaître ou à ne plus être, comme au départ, qu'une petite affaire artisanale fabriquant des tampons encreurs et des plaques professionnelles.
C'est la proximité des chantiers navals de Saint-Nazaire qui donna à l'entreprise l'occasion de toucher timidement à un domaine qui allait devenir pour elle, 40 plus tard, la voie du salut. En 1960, la société Boscher participa, pour une part évidemment très modeste, à l'aménagement du prestigieux paquebot «France». C'est bien des années après, en 1988, qu'elle allait réaliser son premier chantier de signalétique muséographique : au musée du Louvre, s'ouvrant ainsi à un nouveau métier touchant à de nombreux secteurs d'activité : tertiaire, transport, tourisme, et participant à la révolution signalétique pour devenir le leader de son métier en France. En 1998, l'entreprise exporta son savoir-faire à plus de 20.000 km en réalisant le Centre Culturel de Nouméa, puis elle participa au défi que représentait l'aménagement du «Queen Mary II» en 2004.
En 2008, elle s'est vu confier une grande partie de la réalisation de l'Historial Charles de Gaulle, installé au sein de l'Hôtel National des Invalides, à Paris. L'Historial Charles de Gaulle, dont on peut regretter le caractère assez hagiographique, présente sur près de 2.500 m2 l'ensemble de l'itinéraire d'un homme qui, selon ses promoteurs, «a mêlé son destin à celui de la France et du monde. Ni mémorial, ni musée au sens traditionnel du terme, il est un lieu de savoir d'avant-garde avec un parti pris muséal fort : privilégier l'image, sous toutes ses formes, à travers des dispositifs interactifs. Un projet architectural ambitieux sert d'écrin à ce projet exceptionnel. Sa réalisation a été confiée aux architectes Alain Moatti et Henri Rivière. Son coeur, la salle multi-écrans, est une coupole inversée ancrée dans la terre. On y projette un film biographique multilingue diffusé sur 5 écrans. Autour s'articulent un anneau, des portes et des alcôves. Le public progresse à l'intérieur de cet espace sonorisé suivant une démarche individuelle centrée sur l'interactivité. Les moyens scénographiques développés permettent au visiteur de devenir acteur de sa propre information. Le défi de l'innovation relevé par le Musée de l'Armée et la Fondation Charles de Gaulle offre ainsi à l'Hôtel national des Invalides un parcours spectacle à la fois artistique et scientifique, fonctionnel, novateur et pluri médias».
En 2008, c'est encore la société Boscher qui a travaillé à la réalisation de la Cité de la voile Éric Tabarly, à Lorient, un site où il convenait de guider les pas des 100.000 visiteurs attendus chaque année. «Éric Tabarly n'avait cessé d'être précurseur en matière de construction de bateaux. C'est à Lorient que furent construits trois de ses “Pen Duick”. Lieu d'échange et de découverte de la voile moderne, la Cité de la voile Éric Tabarly s'adresse à tous les publics. Jacques Ferrier, auteur du projet, a dessiné une architecture originale et futuriste. La nef de métal bleuté semble en suspension au dessus des quais. Sa légèreté offre un saisissant contraste face à la lourdeur des masses de béton de la base des sous-marins. Au premier étage de la nef de 6.000 m2, l'espace d'exposition permanente offre un parcours de découverte selon trois grands thèmes : l'homme et l'océan, des mythes et légendes aux connaissances scientifiques d'aujourd'hui ; les voiliers, conception et construction, la vie à bord ; la navigation, les grands principes, la course au large et les grands navigateurs. La Cité de la voile propose aussi dans une salle de 400 m2, permettant la présentation de bateaux, une exposition temporaire. Depuis cette salle, d'immenses hublots laissent entrevoir le hangar mitoyen réservé aux “Pen Duick” mis en cale pour entretien et réparation».
La société Boscher a travaillé sur de nombreux autres chantiers, dont, naturellement, celui du nouveau Musée du château des ducs de Bretagne à Nantes, mais aussi à Paris, le musée du Quai Branly et encore celui de l'intérieur de l'Arc de Triomphe... Il était donc légitime qu'elle change son nom et devienne «Boscher signalétique et image» pour affirmer fortement son nouveau métier. Aujourd'hui bien ancrée dans ce secteur en constant mouvement, elle a intégré dans son personnel des spécialistes des métiers qui en font un acteur complet de la muséographie et elle a créé trois agences hors de Nantes : à Rouen, Lyon et Paris ce qui lui permet de conserver une présence forte auprès des donneurs d'ordre et d'offrir à chacun le sur-mesure qui reste la particularité et le vrai savoir-faire de l'entreprise.
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