Bonnets rouges, zadistes, syndicalistes, indignés

Chronique publié le 27/04/18 11:06 dans Société par Jean-Pierre Le Mat pour Jean-Pierre Le Mat
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un intéressé, un militant et un accompagnateur

«Ils sont juges de droit pour n’être pas jugés» (Glenmor)

Mouvements sociaux… D’où viennent-ils ? Où vont-ils ?

Les mouvements sociaux sont menés d’abord par les intéressés : ouvriers revendiquant de meilleures conditions de travail, cheminots défendant leur statut, paysans refusant la misère, contribuables menant une fronde antifiscale, habitants opposés la pollution de leur lieu de vie.

En général, les intéressés ne s’organisent pas spontanément. Ils profitent de cadres existants, syndicats, partis politiques, associations, ONG, dont l’objectif va au-delà des intérêts défendus par les intéressés. L’au-delà peut concerner la planète entière. Il peut concerner la France et ses enjeux du pouvoir. Il peut concerner la Bretagne et ses enjeux de société. Il peut concerner une zone plus limitée, comme le bocage de Notre Dame des Landes. Bref, au-delà de la revendication concrète, il apparaît des projets sociaux. Ceux qui les portent sont appelés militants, utopistes, révolutionnaires, peu importe. On les a vus chez les Bonnets rouges rassembler les doléances des Bretons, au-delà du refus de l’écotaxe. On les a vus à Notre Dame des Landes imaginer un futur local et localisé, au-delà du refus de l’aéroport. Le bonnet rouge symbolise un autre monde, la ZAD aussi, même si ce ne sont pas les mêmes nouveaux mondes.

Lors de victoire, les intéressés décrochent les premiers. Ils ont obtenu ce qu’ils voulaient. Pour les militants, la victoire est souvent amère, car elle tranche les racines qui portaient l’espoir d’une autre société. Même si des entreprises nouvelles restent possibles, comme à Notre Dame des Landes ou à travers les 11 propositions des Bonnets Rouges, en général le cœur n’y est plus.

La raison avant les sentiments

A ces deux catégories, les intéressés et les militants, sont venus s’ajouter une troupe de plus en plus présente dans les mouvements sociaux. Je les appellerai les indignés. Ils n’ont pas d’intérêt direct dans la revendication. Ils ne portent aucun projet social. Ils sont là et ils prennent position.

Cette catégorie était très dévalorisée jusqu’à ces dernières années.

Dans «La lutte des classes en France», Marx décrit l’entrée dans le conflit de 1848 à Paris de la populace, par opposition au peuple : bandes de jeunes inconscients, capables de courage comme de crapulerie, influençables. Dans un autre texte, pour désigner les masses humaines décomposées et flottantes, il parlera de la «bohême». Engels, sous le terme de lumpenproletariat, rassemble tous les déclassés, manipulables par les plus malins.

Nietzsche observe des personnages similaires et les appelle les êtres du ressentiment. Ils n’agissent pas pour changer les choses. Ce sont des vaincus. Ils n’existent plus que par la rancune et la frustration.

Durant les XIXe et XXe siècles, les projets sociaux et la rationalité révolutionnaire sont valorisés face à la révolte sentimentale. Seuls les romantiques se démarquent légèrement. Ils font de la révolte sentimentale un comportement sympathique, mais promis à l’échec et réservé aux peuples inférieurs. Relisez Bug-Jargal ou Quatre-Vingt-Treize, de Victor Hugo, vous verrez. Pour le grand Victor, les noirs et les Bretons sont bien gentils mais n’ont aucun avenir.

La revanche de la subjectivité

L’essai de Stéphane Hessel «Indignez-vous !» (2010) marque le retour en grâce de la révolte.

Ce pamphlet s’inscrit dans la révolution technologique que nous connaissons. Les technologies ont fait évoluer le fétichisme de la marchandise dont parlait Karl Marx, et le fétichisme du spectacle dont parlait Guy Debord. Nous sommes passés d’une société industrielle à une société de l’information. L’aliénation actuelle, c’est le fétichisme de l’information.

Les relations de l’esclave au monde passent par un fétiche : la propriété, la marchandise, le spectacle... et désormais l’information. La réaction indignée est notre manière de nous agenouiller devant une information-fétiche et de faire passer nos liens sociaux à travers elle.

Une information-fétiche n’a pas besoin d’être vraie. Il faut seulement qu’elle soit significative. C’est ce qu’ont bien compris des sites comme breizatao.com ou lemediatv. Les réseaux sociaux sont les temples virtuels où se révèlent et s’échangent les informations fétichisées.

Beat them all !

Il existe une analogie frappante entre les indignations de notre société informatisée et les jeux vidéos de combat à progression, que l’on nomme Beat them all. Le «héros» n’existe que par ceux qu’il combat. D'autre part, l’ennemi est virtualisé. Enfin, l’internet est le lieu privilégié de l’action.

Ainsi, l'antifa, l'antispéciste, l'anticommunautariste est d’abord un «anti». Il se définit par un ennemi virtualisé dont personne, dans le monde réel, ne revendique l’appellation. Le fascisme est mort en 1945 et la droite radicale utilise aujourd'hui d’autres ressorts. L’humanisme est un mouvement de pensée partagé, mais le spécisme humain n’a aucun adhérent connu. Dans les nations sans État, on se dit nationaliste, régionaliste ou autonomiste, mais pas communautariste.

L’avantage, pour le joueur, est d’attribuer la qualité d’ennemi à qui il veut dans le monde réel, sans que l’agressé n’ait son mot à dire. L’antiXXX peut être agressif en permanence, sans avoir besoin de se justifier. C’est cool.

Sept conclusions au choix

1 - Les mouvements sociaux sont submergés par des êtres du ressentiment, qui n’ont rien à voir avec le sujet de contestation, ni avec une option révolutionnaire. C'est le début d’une confusion sociale et intellectuelle à laquelle il faudra s'habituer…

2 – Les indignations contribuent à créer des normes nouvelles, pas des libertés nouvelles.

3 - Ceux qui veulent construire un nouveau monde sont détournés en permanence de leur route par ceux qui alignent leurs indignations comme d’autres alignent un tableau de chasse et qui répètent «on ne lâche rien» jusqu'à la prochaine indignation.

4 – Lorsqu’un mouvement bénéficie du soutien d’indignés, il lui faut obtenir une victoire rapide. Les indignations sont changeantes et fugaces.

5 - La création d'une ZAD est une bonne solution pour capter et maintenir les indignés. Le problème est ensuite de s'en débarrasser.

6 - La Bretagne se porte bien sur internet. Les nationalistes bretons pourront compter avec les indignés de la Bretagne virtuelle dans leurs combats «contre».

7 - Les bâtisseurs, y compris les bâtisseurs de nation, devront faire preuve de beaucoup d’astuce et de persévérance pour mener à bien leurs projets «pour».

Jean Pierre Le Mat


Vos commentaires :
Léon-Paul Creton
Vendredi 27 décembre 2024
JPLM votre article est intéressant comme d'hab. D’emblée la catégorie des « intéressés » m’a accroché. Il y a des mots comme ça.

Dans le listing qui suit vous ne citez aucun de ceux qui tirent éventuellement profit, des profits, non seulement du travail que ces catégories/classes fournissent ! Mais qui « circonstanciellement » utilisent les mouvements sociaux, adossés à eux, pour installer et assurer leurs projets, leurs ambitions, parfois très égoïstes sous des discours humano-populistes. Ceux-là ne font’ils pas partie des : « intéressés » qui éventuellement «s’indignent» beaucoup?

Effectivement pour ceux-là l’objectif va bien souvent au-delà des intérêts affichés…et défendus !

Aussi effectivement, ces « intéressés -là» décrochent rapidement ! Mais restant souvent en alerte, disponibles, intéressés par une opportunité perçue dans un mouvement qui se lance. Alors des coudes jouant, ils se réinstallent aux premières loges, disparaissant au moindre accroc, ou gain obtenu, affaiblissant le mouvement qu’ils ont souvent phagocyté, pour son malheur !
Comme le sable de mer dans le béton ! Dans le mur de l’Atlantique…

En dehors du fait que l’indignation soit aussi le sentiment profond, et peut-être plus encore chez les activistes, les indignés, non activistes ou militants pour des raisons propres et honorables, sont des soutiens sur les différents aspects des revendications, en plus de donner à la défense du mouvement un « volume » humain et d’opinion que les institutions ne peuvent ignorer !
Quant à la rationalité exclusive, justifiant des activités ou réflexions révolutionnaires, je doute que ses conséquences dans les révolutions européennes des deux siècles passés viennent redorer le blason de Madame la Déesse Raison !
Rationalité des fous et « raisons » personnelles se sont érigées en productrice de Vérités et lois fallacieuses et criminelles. Les causes bassement humaines de déviations mentales, intellectuelles et perversités psychologiques congénitales d’individus prenant le ou un pouvoir important, ne sont ni raison, ni rationalité positive et constructive. Elles n’ont fait qu’insulter la Raison et l’Esprit ! Et mortifier les corps.

La conclusion réelle me semble être les 6 et 7. Dans laquelle vous opposez en fin de compte et d’article «des nationalistes bretons» à des «bâtisseurs» à qui vous ne donnez aucune autre identité ( ?)… Des bâtisseurs pour qui l’astuce et la persévérance sont jugées indispensables, et desquelles j’ai envie que vous nous disiez un peu plus…surtout concernant le rôle et la nature de l’Astuce. La persévérance dans l’astuce aussi

Et puis, pour bâtir quoi ? Avec qui ? Comment ? Et pour qui ?


Paul Chérel
Vendredi 27 décembre 2024
Also sprach Zarathustra ! Il n'existe pas de bâtisseurs de la conclusion N° 7 mais il naît, des conclusions 1 et 2, des profiteurs, bons philosophes qui sauront exploiter à merveille les indignations diverses. La France et ses Français au QI déficient constituent un excellent terrain. Paul Chérel

Léon-Paul Creton
Vendredi 27 décembre 2024
« Les 4 startups gagnantes du concours BREIZH AMERIKA 2018 (ABP «lienvoir» href=«article.php?id=44768»>(voir ABP 44768)) » m’ont un peu inspiré ce commentaire sur les bâtisseurs, écrit depuis plusieurs semaine, et pas envoyé. Comme de tas d’autres…

JPLM, j’ai oublié de placer un embryon de réflexion, au sujet des « bâtisseurs », de ponts et autres, présents dans l’article ci-dessus. Il y avait une petite vidéo ( ?), que je n’ai pas retrouvée et sauf erreur de ma part et vous y étiez(?). Bâtisseur chez les bâtisseurs. N’y voyez pas de méchanceté.

J’avais fait un petit commentaire…et JF baudet _ que j’avais trouvé un peu agacé mauvaise interprétation peut-être _ m’avait retourné une toute aussi petite réponse, en me disant entre autres, en même temps que l’adresse du site de Breizh Amerika qu’il me conseillait aimablement : « Bref, on ne va pas perdre trop d'énergie à justifier ce qui fonctionne bien! ». Et a tiré sa révérence… sans autre forme de procès, ni discussion. Que quelqu’un d’autre que moi aurait pu, éventuellement, pousser plus loin.

Sagement et surtout curieux, je suis allé sur le site que j’ai parcouru assez rapidement n’ayant reçu aucune formation sur la langue anglaise… de toute façon, très peu en d’autres domaines . L’E.N française oblige et négligeait! Mes rudiments du « grand-breton » se limitant donc au précieux Assimil, pour mes besoins primaires de marins.

J’abrège en faisant remarquer que dans les rubriques, du point de vue économique c’est dans « MORE » qu’il faut regarder la carte des investissement en Bretagne (2013) , et lire les articles/analyses de la présentation en français. Des éléments d’article de Presse datant de 2011 ouest France, 2014 La Tribune.
Puis dans la subdivision « Press », différents articles de presse française (2017 pour le dernier paru).

J’y ai constaté que l’identification « Grand Ouest » y avait déjà sa place, et semblait assise, normale donc par les responsables du site qui n’ont trouvé rien à y redire ». Par Robert Tate (?), consul des US… à Rennes bien entendu. Et peut-être à Nantes pour les PdlL qui tape l’incruste…

Du point de vue Histoire et Culture, les analogies comportementales avec tous les groupes de migrants sur la planète se retrouvent bien entendu, chez les expats bretons. L’Abandon de la langue des parents par leurs enfants en bonne place, qui délaissent le français «alors le breton » pour l’anglais que la télévision US oblige, elle aussi… (En passant les Bretons semblent ne pas avoir encore compris son importance, à la TV, pour leur propre combat et son développement général). Plus de...jus?

La famille Kergaravat a migré en 1969, j’ai mis, pour la première fois, personnellement les pieds à Manhattan à la fin de l’année 1958. J’aurai pu également poser la question, empreinte de nostalgie surtout du temps passant, qui est de savoir si le resto « Paris-Brest » existait toujours ? Et si oui, s’il avait toujours accroché au mur, les affiches représentant les diverses Reines de Cornouaille des années 50 à…

Et si, non loin du resto en question, la boîte de nuit « Le Mama’s » se portait bien, avait évolué, ou disparu.

Aujourd’hui, 09/05/2018, je fais un petit rajout motivé par la décision du Président Américain TRUMP, de quitter l’accord sur le nucléaire iranien. Cette décision est suivie de celle de la remise en vigueur de l’embargo déjà subit pendant des décennies contre l’Iran !

« La France se classe 4e pays au monde pour les investissements industriels américains. Cocorico ! Mais, en Bretagne, c'est encore mieux. Non seulement, les Américains sont en tête, mais ils le sont très largement devant tous les autres : 85 entreprises bretonnes sont, aujourd'hui, totalement passées sous contrôle de capitaux américains, une quinzaine d'autres bénéficient de parts minoritaires. Toute la Bretagne en profite… » CF : Breizh Amerika.

Sans parler de toutes ces entreprises bretonnes qui ne trouvent pas repreneurs en Bretagne… Lire, analyser et spéculer sur l’avenir des bretons et de la Bretagne en se basant sur les informations ne serait-ce que de ce site est très intéressant dans un monde plein de surprises ! Un peu moins « surprisant », lorsque vous n’avez que peu et de moins en moins, de leviers de décisions aux mains de Bretons, en Bretagne.

Cette décision américaine unilatérale, va impacter toutes les industries européennes _surtout celles qui commercent et re-commercent avec la Perse_ que la suprématie du dollar comme monnaie de réserve assujettit aux décisions juridiques, politiques et commerciales des US.
Je suppose que le plaisir « et les avantages » des relations Britto-Américaines des bâtisseurs, ne seront pas affectées …
Je trouve que Monsieur JF BAUDET, devrait, aurait dû, dépenser un peu plus d’énergie à défendre…ce qui ne marche pas ! Ou pour le moins, laisse beaucoup douter. L’engouement des Britto-Américain devrait pousser un peu plus loin la réflexion et les prospectives économiques et interrelationnelles…Peut-être ?


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