Bernard Le Nail – Le Pays de Galles a perdu un ami très cher

Dépêche publié le 7/01/10 12:28 dans Histoire de Bretagne par Gwyn Griffiths pour Gwyn Griffiths
https://abp.bzh/thumbs/17/17032/17032_1.png
Bernard Le Nail. Rennes le 27 septembre 2008. Après la cérémonie de remise des Colliers de l'Hermine où il avait raconté à l'assistance l'histoire de cet Ordre prestigieux – que par modestie il a toujours refusé. Voir http://fr.wikipedia.org/wiki/Ordre

Bernard Le Nail qui est décédé mardi matin, âgé de 63 ans, était un grand ami et un admirateur du Pays de Galles. Il a régulièrement suivi le Congrès celtique et de temps en temps il se rendait à l'Eisteddfod national. Il admirait l'enthousiasme des Gallois pour leur langue, le succès de [[Plaid Cymru]], [[[Urdd Gobaith Cymru]]], (Ligue galloise de l'Espoir ou Ligue galloise de la Jeunesse), [[[Welsh Books Council]]] (le Conseil gallois des Livres), et la Bibliothèque nationale.

Sa connaissance du Pays de Galles ferait honte à la plupart des Gallois et il était également bien informé sur les autres pays celtiques. Quant à la Bretagne, il en était une encyclopédie.

Il est né à Paris et quand je fis sa connaissance il y a plus de 30 ans, il travaillait pour la Chambre de Commerce de la ville de Nantes. C'est ma femme, Gwen, qui l'a d'abord rencontré. Elle était membre d'une chorale, Côr Godre'r Garth, qui est venue à Nantes au milieu des années 1970.

Elle fouillait dans un stand de livre au festival, essayant de trouver une pièce de théâtre je recherchais, de Tangi Malmanche – Ar Baganiz, je crois. Bernard était responsable du stand et quand il eut découvert ce que Gwen cherchait et pour quelle raison, elle est partie avec les bras pleins de pièces de Malmanche sans en payer aucune. J'ai cette dette-là envers lui depuis. La générosité de Bernard envers qui que ce soit intéressé par la Bretagne était notoire.

Nantes n'est pas une ville où on entend souvent la langue bretonne. « Mon intérêt a commencé quand j'ai lu un livre de Yann Fouéré et que j'ai découvert tous les Bretons qui avaient été tués – 250.000 – dans la Grande Guerre », m'a-t-il dit.

« J'ai commencé à m'intéresser à la musique bretonne et j'ai appris à jouer du biniou. Puis j'ai commencé à apprendre la langue par Skol Ober de Marc'harid Gourlaouen – un cours par correspondance ».

Après la Chambre de Commerce de Nantes il est devenu Directeur de l'[[Institut Culturel de Bretagne]], basé à Rennes. Il y a apporté son expérience et ses idées pour obtenir du secteur privé une assistance financière pour les arts.

La culture bretonne – particulièrement la langue bretonne – ne bénéficie pas de la même aide de la part du secteur public que la culture galloise. Pourtant si vous visitez un festival du livre en Bretagne, ceci n'est pas si évident. Des miracles ont été réalisés avec un moindre financement dont beaucoup, je le soupçonne, sont dûs à Bernard et aux années qu'il a passées de 1983 à 2000 à l'Institut Culturel et à son art de profiter d'opportunités.

Plus d'une fois, il a vu le potentiel dans des remarques fortuites que j'ai faites et offrit une aide pratique. «Puis-je être co-producteur ?», me demanda-t-il une fois. «Je ne veux pas m'immiscer mais je participerai financièrement.»

C'est ainsi que commença le projet de la Maison des Johnnies à Roscoff. Et quand le Conseil municipal de Roscoff a sauté sur l'idée et a offert son argent, Bernard s'est désengagé. Il avait fait avancer le projet et il pourrait faire très bon usage de son argent ailleurs.

Quand il fut décidé de transférer l'Institut Culturel de Rennes à Vannes il a démissionné. Ses enfants – Marie, Donatien et Aziliz – étaient encore à l'école primaire Diwan. Il a fondé sa propre maison d'édition, Les Portes du Large, se spécialisant dans des livres français sur les rapports qu'ont eus des Bretons avec des pays étrangers.

La riche histoire

En tant que peuple, les Bretons ont une tradition riche et colorée de marins qui est trop souvent noyée dans l'histoire de France. Combien de gens savent que Malouines est la forme originale de Malvinas (leur nom espagnol) – que ces îles ont été découvertes d'abord par des marins de Saint Malo ? Que Jacques Cartier, le premier Européen à remonter le Saint Laurent, était aussi de Saint Malo ? C'est une des grandes contributions de Bernard – il a écrit sur ces aventures et a publié des livres par d'autres auteurs sur le même thème. L'inspiration pour ces idées, lui est peut-être venue du temps qu'il a passé à enseigner au Mexique – où il est allé comme une alternative au service militaire.

Où trouvait-il le temps et l'énergie, je ne le saurai jamais Bien qu'éditeur à part entière il acceptait des commissions pour écrire des livres pour d'autres éditeurs. Un de ses précédents livres, Bretagne, pays de mer, avec des photographies de Philip Plisson publié par Hachette, est magnifique. Avec sa femme Jacqueline, qui a un poste de responsable à la bibliothèque de Rennes, ils ont publié le Dictionnaire des-auteurs de Jeunesse de Bretagne et le Dictionnaire des Romanciers de Bretagne. Un autre de ses inestimables livres de référence est L'Almanach de la Bretagne, publié par Larousse en 2003.

Quant aux livres du catalogue des Portes du Large, il faut signaler le somptueux volume par Philippe Godard et Tugdual de Kerros Louis de Saint Aloüarn : Un marin breton à conquête des Terres Australes publié en 2002. Un ouvrage plus que magnifique, empli de couleurs, d'images et de cartes. Verrons-nous jamais quoi que ce soit d'aussi beau publié par un éditeur gallois ?

La Bretagne est d'une très grande richesse en noms de famille – il y en a plusieurs milliers. Des noms pris des villes et villages, des fermes, des noms dépeignant le travail du chef de famille, ou encore un nom décrivant la personne ou son tempérament. Bernard m'a une fois dit qu'à l'origine Le Nail peut avoir été un Ael (l'Ange).

Dans sa générosité et son empressement à faire plaisir, il était vraiment angélique. Mais il ne supportait pas aisément les imbéciles. Je me rappelle être allé avec lui dans une petite chapelle de la forêt de Paimpont.

Un car entier est arrivé en même temps et leur guide a commencé à donner un cours sur une peinture murale couvrant un des murs. Il était évident que Bernard trouvait qu'elle énonçait beaucoup d'erreurs, alors il l'a bientôt interrompue, lui a dit ce qu'il pensait d'elle et poursuivit en faisant son propre cours aux visiteurs.

La Bretagne ne sera jamais pareille sans Bernard. Il était généreux dans la manière dont il s'est assuré que je connaissais beaucoup de personnes, s'assurant que j'étais toujours à l'aise dans le pays. Et je le serai toujours. La Bretagne est plus pauvre aprés l'avoir perdu, si tragiquement jeune.

Je ne peux pas imaginer la douleur et le choc de la famille. Quand je suis rentré à la maison après Noël, j'ai consulté mes courriers électroniques et j'en ai remarqué deux de Bernard Le Nail. Je les ai ouverts tout de suite. Une Carte de Noël m'avait été envoyée par Bernard la veille de Noël (le 24 décembre) ; l'autre, qui m'avait été envoyé par Jacqueline, sa femme, le lendemain de Noël, me racontait son attaque massive. Puisse Dieu la bénir ainsi que les trois jeunes enfants ; les deux grands commencent juste leurs études supérieures, l'autre est encore au collège.

Gwyn Griffiths
Traduction Maryvonne Cadiou. (voir notre article) en anglais.


Note de ABP :

Voir aussi l'article de Gwyn Griffiths en gallois sur le blog de la BBC (voir le site)


Vos commentaires :

Anti-spam : Combien font 5 multiplié par 8 ?