Arthur s'en va en guerre …

Chronique publié le 9/03/19 14:21 dans Histoire de Bretagne par marc Patay Lejean pour marc Patay Lejean

Vers le milieu du 5ème siècle, Vortigern fit venir de nombreux Germains comme Auxiliaires, une pratique courante dans l'armée romaine. César poursuivait déjà Vercingétorix avec des cavaliers germains. Ces auxiliaires avaient pour mission de combattre les Gaëls, les Pictes, et plus tard leurs compatriotes qui affluaient en masse en Grande- Bretagne. Le mur d’Hadrien était tenu essentiellement par des troupes bretonnes, dont le commandement était basé à York. Les Pictes opéraient donc des raids lointains par la mer pour éviter cette formidable frontière. Ainsi des communautés saxonnes étaient établies par les Bretons dans les aires d’atterrissage des Pictes, Lincolshire, Yorkshire, Norfolk, Suffolk et Kent. Au temps d’Arthur, les Saxons étaient en nombre réduit dans le sud, Sussex et Wessex.

Vers 440, une première révolte majeure des Saxons mit le pays en péril. Vortimer, fils de Vortigern, St Germain puis Ambrosius/Riothyme (1) luttèrent avec succès. Mais les Germains, Saxons, Angles et Jutes désertaient le continent, suivis de leurs rois et, sans discontinuer, venaient peupler l’île de Bretagne. Depuis le départ des Romains en 410, l’île peinait à se gouverner et les coutumes anciennes reprenaient leur cours. De nombreux rois et tyrans, des notables, juges et magistrats ou d'anciens militaires (magister militum, ducs) accaparaient les terres, se les disputaient, souvent lors des successions, et s'alliaient avec beaucoup d'opportunisme. Par exemple, le fondateur du royaume de Wessex fut Cerdic, un Breton qui s'opposa au pouvoir breton avec ses fédérés saxons ! Vers 480, Arthur se battit à Portsmouth/Llongborth, et Geraint, prince du Devon, y mourut, mais la rébellion fut contenue.

Malgré des succès militaires répétés contre les envahisseurs, l'unité et l’économie de l’île fut irrémédiablement affectée par un changement majeur de civilisation dont les contemporains n'avaient pas toujours conscience. Parce que le pouvoir était morcelé, les Bretons n'étaient pas tous soucieux du danger mortel que représentait l’arrivée des Germains. Maxime avait quitté l’île avec une armée considérable avant l'an 400, des soldats qui eussent été bien utiles par la suite, puis Ambrosius secourut la Gaule au prise avec les Wisigoths et les Francs, délaissant une patrie en danger ?

Aegidius, originaire de Lyon défendait le nord de la Gaule pour le compte d'Aetius. Les 12000 Bretons d'Ambrosius/Riothyme vinrent l'aider à contenir les Francs, les Wisigoths, des Saxons qui avaient remonté la Loire jusqu'à Angers, et même les Bagaudes (2), ces Armoricains révoltés contre le fisc. Saint Germain avait d'ailleurs intercédé en leur faveur.

Puis vint Arthur, « le soleil d’Austerlitz » des Bretons. Vers 474, Arthur remplaça Ambrosius.

L'histoire des rois de Bretagne de Geoffroy de Monmouth, est un roman plus qu'un récit, mais composé en majorité, je le crois, de faits et de personnages réels. Geoffroy peint Arthur en chevalier de son époque (12 ème siècle). Il le fait guerroyer en Gaule et en Italie comme le firent Constantin, Maxime puis Ambrosius/Riothyme. Rapportés à ses illustres prédécesseurs, ses exploits ne sont pas exceptionnels, mais il est probable que le vrai Arthur resta en Grande Bretagne, s'il est devenu célèbre c'est, outre le talent et l'imagination de Geoffroy, qu'il reste le dernier témoin de la fin d'une époque idéalisée, les lamentations de Gildas en témoignent éloquemment.

Avant cela, Arthur apparaît dans au moins huit vitas et dix épisodes. Ces textes souvent antérieurs à Geoffroy dessinent le portrait réaliste d'un chef ayant ses défauts et qualités, et accréditent son existence. Il régnait dans les Lowlands ou les Midlands, hors du pays de Galles, souvent en conflit avec les saints, du moins avec  les populations locales, et demeurait à Camelot, Camulodunum/Colchester, un lieu stratégique entre les Saxons du Norfolk/Suffolk et Londres toujours bretonne, des sceaux de Syagrius y ont été retrouvés.

Arthur est cité dans la vie de St Padarn (Paternus, Paterne). Il y est décrit comme un tyran, un Tiern sans doute (il y en eut en Bretagne Armorique avant l'an mille) qui convoite la tunique du saint. Ce dernier lui répond « cette tunique n'est pas pour de mauvaises gens mais pour les prêtres ».

Dans la Vita de st Cadoc, Arthur voit le père de St Cadoc emporter la fille de Brychan (père d'un Dremrud (3)) qu'il vient de ravir, Arthur éprouve un violent désir pour elle mais ses compagnons le ramènent à son devoir et lui disent « vous êtes supposés secourir le faible et l'opprimé » !

Dans une autre tradition, Arthur veut utiliser un autel comme une simple table, puis doit offrir des terres à St Carantoc en guise d'excuses. Arthur est cité dans la vie de St Efflamm et dans la seconde Vita de st Gildas. Iltud rencontra Arthur et fut tenté par une carrière militaire …

La plupart de ces saints sont connus en Bretagne Armorique.

La résistance reprit vers 460 et dura plusieurs décennies, sous l'autorité d’Ambrosius puis d’Arthur. Morris (4) pense que les Bretons faisait grand usage de la cavalerie contre les fantassins germains qui employaient des lances.

Efficace pour surprendre, harceler et poursuivre l'ennemi,- en Gaule, Ecdicius, avec 18 cavaliers, mis en déroute les Goths à Clermont-Ferrand-, la cavalerie ne l'est pas pour conquérir et réoccuper durablement des terres, pour expulser les Germains de l'East Anglia et du Kent. Une fois démontée la cavalerie était très exposée. Loin des villes fortifiées, d'anciens forts celtes reprirent donc de l'usage comme Cadbury. ou des collines comme Badon. Ambrosisus/Emrys a donné son nom à une vingtaine d'anciennes places de garnison (Ambrosden près d'Oxford où se voit un oppidum), près de la route des Icènes, la Icknield road, pour sécuriser le bassin de la Tamise. Beaucoup d'armes ont été retrouvées dans cette vaste région, abandonnées par les Saxons en fuite.

Tous ces Bretons patriotes qui se levèrent contre l’envahisseur se nommèrent les compatriotes (Combrogi).

La guerre contre la révolte saxonne se déroula surtout dans le sud. Au nord, près du mur, quelques tombes saxonnes montrent que des hommes de cette nation était enrôlés dans les forts et les garnisons pour tenir le mur d’Hadrien. Un peu partout, des communautés saxonnes avaient pour mission de repousser d'autres Saxons. Des terres leur étaient assignées, autour de Londres, à l'est de la rivière Trent, au sud des Pennines. Car il n'y avait pas les Bretons d'un côté et les Germains de l'autre mais les tenant de l'ancien monde contre ceux du nouveau.

Avant Badon, une grande bataille eut lieu à Lindsay/Lincoln contre les Angles. Ce fut une victoire des Bretons qui empêcha les différents petits royaumes saxons de s'unifier, Kent, Essex et Sussex.

Plusieurs batailles d’Arthur se situent dans le nord, dans les monts Cheviot, entre les murs d’Hadrien et d’Antonin, non contre des Germains, mais contre des Celtes. Il employa aussi des Irlandais du Kintyre contre les Pictes. Comme Vortigern le fit avec Cunedda, Arthur déplaça des chefs (le père de Gildas) et des populations vers le Pays de Galles afin de combattre les Irlandais. Partout en Galles, les Bretons reprennent le pouvoir. Catwallaun vainquit au nord et Agricola (Aircol) au sud, et ce fut la campagne de Démétie (futur Dyfed) avec les généraux Théodoric et Marcellus. Ce Théodoric, un général goth ? Peut-être un Wisigoth d'Aquitaine repoussé par Clovis, vint aussi en Bretagne Armorique et intervint dans la querelle de Maxenti et Budic qui entre-temps avait tué Marcellus/Marchel ! un fils de Budic s'appelait Thierry/Théodoric et Fragual Fradleoc en l'honneur de ce Théodoric « gallois ». C'est compliqué mais montre combien les relations furent constantes entre les deux rives de la Manche. Cette guerre de Démétie explique peut être le toponyme Plozevet, la paroisse des Demets/Deisis.

Vers 500, les Saxons tentèrent une dernière fois de renverser le pouvoir breton ? A Badon, l’infanterie saxonne, sous l'autorité de Aelle, pénétra profondément dans les Midlands et assiégea la cavalerie d’Arthur sur le mont Badon (Batheston ?), près de Bath.

Avec la victoire de Badon commençaient vingt années de paix. «The final victory of the fatherland », la victoire finale des pères de la patrie bretonne fut l’exception en Europe, partout dominée par les Germains. En effet, en Gaule, Clovis constituait la France, tandis que Théodoric dominait l’Italie.

Puis il y eut la défaite de Camlann. Morris suggère le fort de Banna (mur d’Hadrien) mais la rivière Camel près de Tintagel est un lieu possible, peut-être au Slaughterbridge, le pont du massacre.

L’effondrement des Bretons face aux Saxons est un raccourci de l'histoire. En réalité ils ont partagé le sort des continentaux, submergés par des vagues successives d'émigration en provenance de l'est. Mais ils ont mieux résisté, car les combats se sont poursuivis du 5ème siècle au 9ème siècle, selon la Chronique Saxonne. En 875, des combats opposaient encore Saxons et Bretons en Domnonée ! Mais en 1066, moins de deux siècle après ces derniers combats, les Bretons s'unissaient aux Normands pour reprendre leur terre ancestrale. A Hasting, la cavalerie bretonne affrontait les lances des Saxons, tout comme Arthur l'avait fait au 5ème siècle !

Notes

1. Riothyme apparaît en Bretagne Armorique sous le nom Iahan Reith

2. Les premiers « gilets jaunes » ?

3. Daniel Drem Rud, roi ou comte de Cornouailles

4. The âge of Arthur, John Morris, chapitres 6 et 7


Vos commentaires :
Jean-luc Laquittant
Vendredi 15 novembre 2024
Tout cela est bien beau, mais Arthur n'est qu'une légende (ou se mélange Constantin et Maxime, Vortigen et Ambrosius) inventée par Geoffroy de Monmouth au 12e siècle. sept siècles après la bataille du mont Badon. Aucun texte ne prouve que le vainqueur du mont Badon s'appelait Arthur. Pour Fleuriot il s'agit plutôt de Ambrosius qui régna effectivement sur deux royaumes, un en Armorique l'autre dans l'île de Bretagne.

Burban xavier
Vendredi 15 novembre 2024
référerez-vous à l'ouvrage «Des origines de la Bretagne» de Fleuriot , c'est plus certain en dépit des trous historiques !

Pierre Robes
Vendredi 15 novembre 2024
Les problèmes climatique de l'époque ont pu influencer les invasions et les guerres, les «Barbares» ayant un Empire plein de richesses à portée de main, les provinces Romaines n'étant pas si peuplées que cela, à part les villes, il y avait des terres à conquérir pour les peuples «Barbares» qui vivaient de l'élevage :

Il faut savoir que jusqu'au Ve siècle il y a eu un réchauffement climatique, en gros entre l'an 330 et 430 avec un pic entre l'an 370 et culminant en 410 selon des études récentes par les dépôts dans les glaces. Forte mortalités à Rome à cause de la fonte des glaciers Alpins et sécheresse, mauvaises récoltes et peste du à ce que les villes avaient des tonnes d'excréments à faire sortir de la ville.

Puis un petit âge glacière, sous Justinien, avec deux phénomènes :
En 536 (une grande météorite, ou un volcan en éruption ) puis 3 ans aprés
en 539 une éruption volcanique. ses 2 phénomènes combinés ont empêché les rayons du soleil de parvenir sur les cultures de toute la planète sur plusieurs mois.
Ce qui a entrainé un refroidissement terrestre important de plusieurs degré qui a duré jusqu'à la fin du 7 ème siècle. (vers 680 ap JC)
ceci est rapporté aussi par les écrits de :
- Cassiodore sous le roi Ostrogoth en italie
- Procope indique «année sans été»
- Jean d'éphèse en Orient parle de «18 mois sans soleil, à peine visible 2 à 3 h par jour»
- Grégoire le Grand en 589 qui rapporte des catastrophes climatiques, pluies, crues, et peste.

voir le livre traduit de Kyle Harper : comment l'Empire Romain s'est effondré, 2019, La Découverte.


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