Par la plus belle journée d'été et probablement dans le plus beau beau coin de Bretagne, au fond de la baie de Douarnenez, à Sainte-Anne la Palud, se tenaient aujourd'hui, deux manifestations côte à côte, à peine distantes de deux kilomètres l'une de l'autre.
L'une, organisée par de nombreuses associations environnementales comme Bretagne Vivante et Eau et Rivières de Bretagne, mobilisait contre les algues vertes, l'autre rassemblait des agriculteurs, des éleveurs, et producteurs de lait de la région autour de deux slogans «Bretagne Unie» et «Vivre Ici».
Environ 1500 personnes, agriculteurs avec femmes et enfants, avaient rejoint la manifestation paysanne organisée par CAP Bretagne (1) sur un champ en haut de la colline face à la plage de Sainte-Anne la Palud. Venus de tout de bassin de la baie qui regroupe 400 exploitations entre, au nord le Menez Hom, à l'est Locronan et au sud la ville de Douarnenez, les manifestants se sont abreuvés à une buvette où l'on servait du lait gratuit et des saucisses gratuites aussi.
L'événement fut une fresque humaine formant les mots «Vivre Ici».
Autant de personnes se sont regroupées sur la plage, un peu plus loin, sous le slogan «Non aux algues vertes» (voir notre article). Le maire de Plonevez, Paul Divanac'h, avait autorisé les deux manifestations et se retrouvait dans une situation assez cornélienne, puisque son propre frère était un des organisateurs de la «contre-manifestation» et que lui-même est président du comité touristique de sa Communauté de commune. En tant que maire il a organisé le ramassage des algues vertes sur la plage de sa commune. Sagement, le maire alla visiter les deux événements sans donner caution à personne. «Il est le maire de tous» a affirmé Monsieur le maire à ABP.
D'un côté les environementalistes et les représentants de l'industrie touristique dénoncent une dégradation des plages bretonnes et de l'autre, les agriculteurs dénoncent ce qu'ils caractérisent comme des «accusations arbitraires» et des «conclusions simplistes» dont ils disent être les victimes. Des producteurs de lait comme Divanac'h, déjà acculés à la quasi faillite car produisant à perte, voient les accusations des environnementalistes comme le coup de grâce. Ce qui les menace ? la vente de leur exploitation, voire le départ du pays.
Dans son interview avec ABP et dans son discours devant la fresque géante représentant les mots « Vivre Ici », Jean-Alain Divanac'h a tenu à préciser que, d'une part, les agriculteurs ne sont pas indifférents au problème des algues vertes, mais que les efforts qu'ils ont dû faire vont prendre du temps avant de produire des effets. Dans un communiqué du 19 septembre 2010, CAP Bretagne affirme que «il faut entre 10 ans et 20 ans pour mesurer les répercussions des évolutions des pratiques agricoles sur la qualité de l'eau. Une baisse significative des taux de nitrates a déjà été enregistrée dans les principaux cours d'eau. En 2009, la teneur moyenne en nitrates du Kerharo, le plus grand bassin versant de la baie de Douarnenez, était de 29 mg/litre, soit une baisse de 29 % en 10 ans». Ajoutant que dans le même temps, on avait enregistré «une baisse de 18 % dans le bassin du Lapic et de 17 % dans le Ris». Sources Communauté de Communes du Pays de Châteaulin et du Porzay (CCPCP) (voir le site)
La conclusion de CAP Bretagne est que les nitrates (les engrais donc) ne peuvent être les seuls responsables. Les phosphates provenant des eaux de lessives et des eaux usagées que la ville de Douarnenez aurait jusqu' à 2009 déversées dans la baie seraient en partie responsables puisque le ruisseau Ris se déversant dans la baie a un taux de nitrate assez bas, de 14 à 24 mg/littre. Ce ruisseau n'ayant pas les concentrations et le débit nécessaires pour être à l'origine de la pollution de la baie et surtout cette faible concentration ne peut expliquer que la plage du Ris soit la plage avec la plus forte concentration d'algues vertes.
(1) CAP Bretagne : Comité pour une Agriculture Positive en Bretagne. (voir le site)
Philippe Argouarch
■Que c'est triste de voir des bretons s'opposer alors qu'une grande partie du problème vient du fait que la Bretagne et ses habitants ne possèdent pas le droit de s'auto-administrer comme des hommes libres.
Les paysans comme les écologistes devraient lutter ensemble pour démander ce droit légitisme.
Imagine-t-on un paysan ou un écologiste bavarois faire de même et demander à un fonctionnaire berlinois de résoudre leurs problèmes?
Imagine-t-on face à une catastrophe écologique équivalente, les bavarois accepter le silence de leurs élus à Munich?
En vérité, drôles de Bretons... psychologiquement incapable de concevoir leur droit universel à s'auto-administer, mais toujours partant pour s'accuser mutuellement.