Un livre écrit par un Breton de coeur, originaire du Limousin, mais fan d'Alan Stivell depuis l'âge de 14 ans. De plus Laurent Bourdelas est professeur d'histoire, ce qui lui a donné l'honnêteté et la rigueur nécessaires pour faire ce travail extrêmement bien documenté en s'appuyant sur ce qui avait déjà été écrit dans les ouvrages biographiques existants comme « Alan Stivell, ou le Folk celtique » de Yann Brekilien ou « Racines Interdites » de Jacques Erwan et Marc Legras ou même « Telenn, la harpe celtique » dont Alan est co-auteur. Le livre est aussi abreuvé d'articles de journaux, de films et émissions TV et d’échanges de courriels avec Alan Stivell lui-même.
Le livre avance au rythme des albums. L'oeuvre du précurseur de génie, “revivaliste” extraordinaire et créateur de musique bretonne contemporaine qu'est Alan Stivell, est replacée dans les contextes historiques successifs à commencer par sa famille et en particulier son père, un génie en lui-même. Sorti du séminaire Saint-Anne de Vannes, Georges Cochevelou (le vrai nom d'Alan) avait appris le breton, l'allemand, l'anglais, le russe et le polonais. Il jouait d'autant d'instruments de musique, tout en étant un peintre de talent qui fut plusieurs fois exposé en Galeries. Son père et les encouragements de sa mère ont joué des rôles essentiels en ce qui concerne l'éveil des talents et des passions d'Alan. C'est son père, Georges Cochevelou, aussi ébéniste, qui (re)construisit la harpe celtique dont l'usage avait disparu en Bretagne depuis plusieurs siècles. Il transmit à Alan, dès l'âge de 7 ans, sa passion pour cet instrument. Tout commença par une note sur cette harpe mythique.
Chaque album, chaque morceau, est analysé dans le contexte de l’époque, de l'actualité, des relations et des amis d'Alain et de ses influences celtiques, américaines ou autres musiques du monde : scout Bleimor, mai 68, bagad Bleimor, FLB, UDB, Plogoff, Quévert, EELV. L'engagement artistique et politique du grand barde breton est décrit objectivement à travers ses déclarations à la presse ou lors de ses concerts comme ceux de Lorient en 2010 ou de l'Olympia en 2012 où, entre deux morceaux, Alan, simplement, demande pour la Bretagne, les mêmes statuts que l’Écosse et le Pays de Galles. En plus d'un engagement politique courageux et d'une créativité exceptionnelle, Alan Stivell sera à l'origine de trois vagues celtiques : la première qui suivit son passage à l'Olympia en 1972, la deuxième après « Again » en 1994 et la troisième qui débute en 2012 avec son retour sur scène à l'Olympia et l'apparition de la chanteuse Nolwenn Leroy, icône d'une nouvelle génération d'artistes bretons qui s'inspirent directement du grand barde breton.
On regrettera que si ABP et ABP-TV sont citées dans le texte une fois chacune parmi une centaine d'autres sources, ce soit sans les références (1) : nos sites web ne sont même pas listés à la fin dans la liste des sites consultés. Dommage, cette bévue. Il y a d'autres petits oublis. Pour le fameux match de coupe de France de football Rennes-Guingamp où Alan Stivell a chanté le « Bro Gozh ma Zadoù », l'auteur signale que le clip est passé sur le site web de l'UDB, ignorant complètement qu'on avait été le seul média à l'annoncer. Alan Stivell, qui lit l'ABP régulièrement d'après ce qu'il nous a confié lors de notre interview de 2009, nous avait averti qu'il prendrait le micro. On était sur place pour filmer l'événement et la vidéo fut sur ABP-TV le soir même. A en croire Laurent Bourdelas, le média de référence du mouvement breton n'est pas l'Agence Bretagne Presse, mais le site de l'UDB ! Difficile à croire. Signaler systématiquement que tel ou telle était membre de l'UDB est une chose mais alors pourquoi ne pas dire que Franck Darcel, qui collabore au disque Back to Breizh, est membre du Parti breton au lieu d'écrire seulement « militant breton » ? Soit il ne fallait pas mentionner l’étiquette politique des gens cités, soit il fallait le faire pour tous.
On regrettera aussi certains mots comme « taiseux » pour caractériser notre ami Iffig Cochevelou, le frère d'Alan Stivell et un commentateur régulier de nos colonnes. Iffig qui avait pris le risque, énorme à l'époque, d'organiser une tournée de 12 concerts en 1973 n'a même pas été contacté par l'auteur et ce tour est zappé dans le livre. L'expression « le miasme d'un nationalisme étriqué » qui aurait accablé la Bretagne avant l'arrivée d'Alan Stivell, envoyée dès la première page – comme un exorcisme pour bien avertir le lecteur qu'on reste dans le secteur d'un régionalisme bon teint – n'était pas nécessaire. Elle choquera certains militants non udbistes qui, eux, sont persuadés que le nationalisme breton, qu'il soit de gauche ou de droite reste fondamentalement le même – les divergences dans le mouvement breton ayant toujours été sur les méthodes et les alliances, et non pas sur le fond -- qui est le même pour tous : il s'agit de sauver une musique, une ou des langues, une culture, un peuple.
Si l'auteur est professeur d'histoire, il n'en demeure pas moins un historien français avec ses propres opinions. Ce qui sauve le livre, et en fera une autorité, c'est que Laurent Bourdelas est fan de Stivell depuis longtemps et a amassé sur le sujet une érudition étonnante même à l'époque de google et de wikipedia : Être fan a des avantages et des inconvénients qui sont les points forts et les faiblesses du livre. L'ouvrage de Laurent Bourdelas reste à ce jour la meilleure tentative de comprendre le grand artiste breton d'envergure internationale et l'univers dans lequel il a évolué et puisé son inspiration depuis 60 ans.
Titre : Alan Stivell
Auteur : Laurent Bourdelas
Éditeur : éditions du Télégramme
Façonnage : broché
Nombre de pages : 336
Format : 14,5 x 22,5 cm
Isbn : 978-2-84833-274-1
Prix : 19,90 €
Philippe Argouarch
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Lisant l'Histoire de Bretagne de Joël Cornette, bien que très intéressante et instructive à lire, on voit qu'il s'agit d'un historien «français» avec cependant une sensibilité «bretonne» certaine (il est né à Brest même !).
L'histoire n'est pas une science aussi impersonnelle que la physique, et la «subjectivité» de l'auteur est toujours perceptible, fortement perceptible. Une subjectivité avec ses options idéologiques.