Ce sont environ 800 chefs d'entreprises et entrepreneurs qui se sont rassemblés à St-Cyr Coëtquidan vendredi à l'occasion de l'Assemblée Générale de [[Produit en Bretagne]] (PEB).
L'endroit était cocasse, voire surréaliste pour certains... des centaines de chefs d'entreprises bretons dont certains proches des Bonnets Rouges, réunis dans l'enceinte des Écoles Militaires. Pour comble, l'amphithéâtre est nommé «Napoléon» et la statue équestre du dictateur trône d'ailleurs à l'extérieur en plein milieu du parking. La raison de ce choix ? Le thème de cette année, la cyber-défense et comme l'invité d'honneur était le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, ce dernier a pu faciliter l'organisation de l'AG dans un fief de son ministère. Le Drian était aussi venu lancer le Pacte Cyber Défense 2014-2016 à Rennes et visiter les laboratoires d'Orange, victime d'une cyber attaque il y a quelques jours seulement.
Si la NSA américaine a regroupé cyber défense, contre-terrorisme, surveillance des citoyens du monde et espionnage, la France préfère séparer les domaines, a expliqué le contre-amiral Arnaud Coustillère, qui a animé une conférence intitulée «Cyber défense : Quel impact et quel avenir pour la Bretagne». Le groupe de cyber défense qu'a constitué Arnaud Coustillère reporte directement au chef d'état-major des armées. En principe il ne s’occupera ni de surveillance, ni d’espionnage, mais seulement de garantir l’intégrité et la sécurité des données militaires et civiles stockées sur les ordinateurs et les data centers. Le gouvernement semble avoir finalement compris que ce genre de défense est devenue aussi stratégique qu’une batterie de missiles balistiques intercontinentaux.
En gros, le cyber cluster sera un vaste croissant qui ira de Rennes à Brest en passant par Vannes, Lorient et Quimper. Le centre de gravité sera situé en région rennaise autour du centre de recherche DGA-MI de Bruz . La «Direction Générale de l'Armement-Maîtrise de l'Information» accueillera dans quelques années jusqu'à 400 experts en cyber-sécurité. Bien évidemment, c'est l'armée qui va le plus en profiter (elle a été victime de 800 cyber attaques en 2013, a dévoilé le ministre) mais les retombées civiles seront de la partie comme c'est souvent le cas avec les innovations militaires (voir l'internet, développé en premier lieu par l'armée américaine pour l'armée américaine).
Profitant de l'opportunité, Jakez Bernard, président de Produit en Bretagne, a proposé une commission jointe civile-militaire pour faire profiter les entreprises bretonnes des techniques de défense contre les cyber attaques. Evidemment, pas un mot n'a été dit sur les exportations scandaleuses vers des dictatures arabes il y a quelques années, de systèmes d'écoutes de l'internet par des entreprises françaises, dont une basée à Rennes. Les systèmes étaient utilisés pour surveiller, voire arrêter et torturer, les opposants politiques avant le printemps arabe. Entre la cyber défense et les systèmes de surveillance des citoyens, il n'y a qu'un pas facilement franchi. Les technologies sont les mêmes ou basées sur les mêmes principes. Où est la commission parlementaire qui va chapeauter toutes ces activités ?
Avec l’Ile-longue, le centre de la force de frappe nucléaire, la base navale de Brest, les écoles militaires concentrées à Coetquidan, des centres importants de telecom militaires et maintenant la cyber défense, la Bretagne se dirige-t-elle vers une bipolarité défense et tourisme ? Quel avenir pour l’agro-business ? Beaucoup de questions restent posées. Jakez Bernard, lors de son discours de clôture, policé et châtré, voire politiquement correct, a pris beaucoup de précautions, se tenant à l’écart de la politique comme l’ obligent les statuts de l’association PEB. C’est seulement par de vagues allusions philosophiques qu’il a reconnu la participation de Produit en Bretagne au mouvement des Bonnets Rouges, en particulier son rôle dans les prémices du mouvement lors de l’Appel du 18 juin 2013 et la création du Comité de convergence des intérêts bretons (CCIB).
Philippe Argouarch
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