À la découverte du Narcisse des Glénan. Reportage

Chronique publié le 9/06/17 9:11 dans Environnement par Maryvonne Cadiou pour Maryvonne Cadiou

La section de l'Institut culturel de Bretagne «L'homme et la nature» proposait au départ de Concarneau une visite de l'Île Saint-Nicolas pour découvrir le Narcisse des Glénan en fleurs.

C'était le 19 avril...

L'annonce (PDF 1) : « À la suite de l'année 2016, où l'Ajonc fut désigné comme plante emblème de la Bretagne, l'ICB propose plusieurs autres opérations sur les plantes de Bretagne. En avril 2017 nous organisons un voyage d'une demi-journée vers l'archipel des Glénan afin d'aller voir le Narcisse des Glénan, une plante magnifique qui ne pousse, dans le monde, que sur 3 îlots des Glénan ».

Le groupe de 75 personnes embarqua donc sur le Glenn II de la compagnie des Vedettes de l'Odet pour une traversée d'un peu plus d'une heure par un temps ensoleillé très agréable et mer calme, avec juste de légers roulis et tangage peu avant l'arrivée. Retour par une mer d'huile.

Nous vous emmenons d'abord en photos pour cette magnifique traversée qui laissera certainement de bons souvenirs aux participants.

Nous fûmes accueillis par Bruno Ferré, (ph. 23), guide naturaliste chargé de la [[Réserve naturelle nationale de Saint-Nicolas des Glénan]], gérée par [[Bretagne Vivante]] - SEPNB dont le terrain appartient au Conseil général du Finistère. C'est une surface de 1,53 hectare entourée d'une clôture (ph. 19).

Il nous annonça d'emblée qu'en raison de quelques jours de temps plus chaud que d'habitude, la végétation prit de l'avance courant avril et qu'il n'y avait plus beaucoup de narcisses en fleur... sur les 139.000 pieds recensés récemment. Ce nombre est très symbolique pour le conservateur puisque le comptage au moment de la création de la réserve, alors que la plante était sur le point de disparaître, donnait ... 139 pieds (info Roland Mogn).

Il nous guida pour un tour de l'île sur le passage en bois (platelage, ph. 33) aménagé pour éviter trop de piétinement de la végétation.

Cette visite naturaliste du tour de l'île dura environ deux heures et dépassa largement le fameux narcisse !

Bruno Ferré décida de nombreux arrêts pour nous raconter toute l'histoire des îles et îlots de l'Archipel, pour nous montrer la faune, comme le Gravelot à collier interrompu qui couvait alors dans un nid, visible aux jumelles qu'il avait apportées, un Traquet motteux, un Huîtrier pie, une Linotte mélodieuse... et la flore que nous verrons, elle, en photos. Beaucoup d'oiseaux sont de passage, ils se nourrissent et donc reprennent des forces, puis continuent leur migration printanière vers le Nord.

Bruno Ferré nous dit que la prochaine tâche de l'équipe des gardiens de la Réserve sera de recenser les nids de cormorans huppés.

Pour mieux connaître l'[[Archipel des Glénan]], situé à environ 10 milles marins du continent, explorez les liens donnés pour chaque île et îlot sur cette page wiki (1).

Par exemple, ce que nous raconta Bruno Ferré en nous montrant les îles :

- [[Île du Loc'h]] : L'île du Loc'h, avec une ancienne ferme et un étang d'eau saumâtre aux bords marécageux situé en son milieu, est la propriété de la famille Bolloré. C'est la plus grande île de l'archipel en superficie.

- [[Île Cigogne]] (2) : L'île Cigogne tire son nom non pas de l'oiseau mais de la forme de l'île, seiz kogn signifie «sept coins» en breton.

Théophile Bonnemaison, découvreur du Narcisse des Glénan en 1803

C'est un pharmacien (3) de Quimper : Théophile-Amant-Constant Bonnemaison (1774-1829), qui l'a découvert en 1803.

Passionné de botanique, il partait à pied de Quimper vers la côte [20 km] pour aller trouver à Beg Meil un bateau de pêche qui l'emmènerait aux Glénan. Il a fait un herbier, conservé à la bibliothèque de Quimper, entré dans les collections de la ville de Quimper à sa mort (1829). Conservé longtemps dans un bâtiment non chauffé et prenant l’eau, cet herbier aurait perdu de nombreuses planches. Il jouit maintenant de meilleures conditions de conservation à la médiathèque des Ursulines de Quimper.

Il est riche de 9.000 échantillons, dont plus de 2.000 algues, mais aussi du fameux Narcisse des Glénan. En 1840, l'abbé Du Marc'hallac'h rédigea le «Catalogue des 9.000 plantes conservées dans l'herbier».

Son herbier exposé à Quimper en 2014

Il y a été présenté au printemps 2014 : (voir le site) de Ouest France, page de l'événement. Et (voir le site) de Côté Quimper.

Extrait : Théophile Bonnemaison est né en 1774 à Quimper. Il ouvre une officine de pharmacien en 1805 rue Kéréon. Sa profession l’amène à s’intéresser à la botanique. Il a collecté des milliers de plantes du Finistère avec passion et rigueur. Son herbier est le résultat de 25 ans de travaux botaniques. La Ville de Quimper l’a acquis auprès de sa veuve pour la somme de 1.500 francs, un prix conséquent à l’époque. 200 planches de l’herbier ont été numérisées pour l’exposition. Elles seront visibles sur le site internet de la médiathèque (Sylvie Béchet).

De plus : Une Journée d’étude eut lieu le 17 avril 2014 dans le cadre de l'exposition : Les herbiers en bibliothèques, vous avez dit herbiers ? par le Groupe ABF-Bretagne.

Elle nous est relatée (voir le site) de l'Enssib (École nationale supérieure des sciences de l'information et des bibliothèques, à Villeurbanne) de la revue Bibliothèque(s) Revue de l'association des bibliothécaires de France, n° 76, oct. 2014, p. 56-58, avec, p. 57, l'illustration de la planche Narcisse des Glénan de Théophile Bonnemaison, qu'il nomma alors Narcissus calathinus finistère d'après ce que nous pouvons voir de la notice pas entière (ph. 63). Mais ce n'est pas lui qui l'a décrit officiellement.

Le Narcisse des Glénan

C'est une fleur blanc-crème avec juste un peu de jaune à la base de la corolle. On remarque que, contrairement aux jonquilles (cultivées et sauvages) et narcisses cultivés que l'on connaît, le Narcisse des Glénan est souvent multiflore, soit avec plusieurs fleurs sur une même tige.

Les 5 paragraphes suivants sont de Roland Mogn, diplômé d'Études supérieures en botanique et docteur en Celtique, organisateur de l'expédition Narcisse de l'ICB. Très actif en botanique bretonne et en Bretagne, il pilota aussi la consultation pour choisir la plante emblème de la Bretagne l'année dernière - l'ajonc - (voir notre article) pour le reportage de Fr3.

- Bonnemaison lui a donné le nom d'espèce calathinus, (ph. 63), un nom non reconnu par les botanistes, donné dès 1795 à un narcisse ibérique.

- Il ne fut décrit officiellement qu'en 1818 sous le nom de « Narcissus capax Salisb. ex Sweet Hort. Suburb. Lond. 179 ». Pour Salisb. voir (4).

- On a tenté de l'acclimater dans les jardins anglais, d'où la publication dans le Hortus Suburbanus Londiniensis (5 et 6). Pour en assurer une bonne description, on importait des individus prêts à fleurir. [[Richard Anthony Salisbury]] (7) en fit l'étude au moment où il a fleuri et l'a publiée en juin 1818 dans le Hortus sous la direction de [[Robert Sweet]] qui a validé la description.

- Note de contexte : La guerre maritime battait son plein entre Anglais et Français en 1818 (comme aux XVIIe et XVIIIe siècles), (ph. 59). Hé bien, pendant ces périodes troublées, les botanistes ont pu circuler sans contrainte et ont continué d'échanger et de travailler ensemble. Pour cela, ils traversaient la Manche et d'autres mers et on les laissait passer.

- Chez nous plusieurs essais de transplantation de bulbes ont été faits. Au laboratoire de botanique de la faculté de Rennes, par exemple. Cela n'a rien donné, les plantes n'ont jamais fleuri... Il y a eu aussi des essais d'en planter dans d'autres îlots de l'archipel.

Les actions du baron Fortuné Halna du Fretay au XIXe aux Glénan

Hors-sujet-narcisse mais pour répondre à une question de la (ph. 56) que nous n'avons pas posée à Bruno Ferré ! «Les viviers sont-ils encore utilisés ?»

Extrait du PDF 2 de la Ville de Fouesnant qui donne le panneau entier posé sur l'île et un texte sur l'histoire des Glénan : L’entreprenant baron Fortuné Halna du Fretay (1832-1908) établit cinq familles de fermiers-goémoniers du Léon dans les îles de Saint-Nicolas, Penfret, du Loc’h, Drenec et Quignenec. Il fait aussi bâtir sur l’île du Loc’h un four à goémon de grande taille, qui fonctionnera peu et dont on aperçoit encore aujourd’hui la cheminée de briques. En 1870, le baron fait construire à Saint-Nicolas une nouvelle cale et un vivier très moderne pouvant contenir 60.000 à 70.000 crustacés. Dès lors, une centaine de caseyeurs vendent sur place leurs prises et restent dormir dans l’archipel, « La pêcherie des îles Glénan » approvisionne ainsi tout le continent. Le Pdf étant trop lourd (9 Mo) vous le trouverez sur (voir le site)

Autre extrait, mais de (voir le site) paragraphe L'essor de la pêche et des sécheries de poisson de wiki Archipel des Glénan. Le baron Fortuné Halna du Fretay, associé à Eugène Toulgoët et René Madec, obtient en 1870 une concession sur une partie du domaine public maritime de l'île Saint-Nicolas pour y créer un vivier de crustacés, un grand réservoir de 800 m2 (38 mètres de long sur 23 mètres de large et 6 mètres de profondeur), divisé en dix-huit compartiments, en pierre maçonnée, en raison de l'abondance des crustacés dans l'archipel et de la pureté des eaux. Les crustacés sont pêchés grâce à des casiers dans les environs par des pêcheurs venus des ports voisins du continent (de Trégunc jusqu'au Pays bigouden) qui séjournent temporairement dans des baraques en bois. La «Pêcherie des Glénan» a souvent en stock de 60.000 à 70.000 crustacés, et approvisionne les plus grandes tables parisiennes de l'époque ainsi que des caboteurs anglais. En 1882, les viviers sont vendus et devinrent par la suite propriété de la maison Deyrolle de Concarneau, puis des établissements Prunier, célèbre restaurant parisien.

Des compléments par Michel Guéguen sur les Glénan et sur les viviers : (voir le site)

Retour à Théophile Bonnemaison et la botanique

Ses connaissances dépassaient largement les plantes du Finistère. La preuve cet essai sur les algues paru dans les Mémoires du Muséum d'histoire naturelle par les professeurs de cet établissement, t. 16, 1828, que l'on trouve numérisé par books.google.fr : (voir le site) : Essai d'une classification des Hydrophites loculées, ou Plantes marines articulées qui croissent en France, p. 49-149 avec 8 pages de planches. (Présenté à l'Institut de France en mai 1824). Où il cite des botanistes bretons et français de son temps dont il connaît les études.

Il n'était pas professeur au Muséum mais il en a suivi les cours au moins en 1801 ou 1810 (voir ci-dessous).

Comment s'est-il rendu à Paris - le train n'est arrivé à Nantes qu'en 1851... À Quimper en ?

A-t-il vécu à Paris quelques années avant d'ouvrir son officine à Quimper (ou de prendre la suite de son père) ?

Voir aussi p. 104 de la Revue d'histoire de la pharmacie : (voir le site) en Annexe : Liste des auditeurs français de Lamarck (et de Latreille) pharmaciens ou en rapport avec le corps pharmaceutique d'après les indications du registre ou l'identification en cours. Il est nommé ainsi :

- Bonnemaison Théophile-Amant-Constant (1801), botaniste, pharmacien (1773-1829). [Né en 1773 ?].

Note 40 : T.A.C. Bonnemaison, Essai d'une classification des Hydrophytes loculées ou plantes marines articulées qui croissent en France, suivi d'Essai sur les Hydrophytes loculées (ou articulées) de la famille des Épidermées et des Céramiées, s. l., 1822, 139 p. (Extraits du Journal de physique et des Mémoires du Muséum, 1824, 16, p. 49-148, pl. 3-8) ; sa mort prématurée [à 54 ou 55 ans] l'a empêché de publier lui-même l'ensemble de ses observations botaniques, et, bien qu'elles aient été utilisées par les frères Crouan et par James Lloyd, elles sont demeurées en grande partie inédites, car Guizot, qui était décidément l'homme de tous les refus, ne donna pas suite à la demande de publication intégrale que lui avait adressée Duchatellier, auteur d'une statistique du Finistère ; sur Bonnemaison et ses ascendants (il était fils d'un apothicaire de Quimper), voir A. Dizerbo, Apothicaires et Pharmaciens de Basse-Bretagne, Rennes, éd. Riou-Reuzé, 1951, p. 117-119. Ce livre est disponible dans de nombreuses bibliothèques de Bretagne.

Auguste Dizerbo, (1913-2011), était docteur en pharmacie, docteur ès-sciences. Il fut non seulement pharmacien, mais botaniste, algologue, géologue, historien et même numismate et héraldiste. Ses archives ont été remises à la mairie de Crozon : (voir le site) de Ouest France.

Dans cette Revue d'histoire de la pharmacie n°333, 2002 (lien ci-dessus), Bonnemaison est cité :

- p. 98 : en 1810, on le voit figurer parmi les auditeurs du Muséum et non en 1801... Erreur de transcription ?

- p. 101 deux fois, et p. 102 et 104.

Les traces laissées par Th. Bonnemaison

Théodore Bonnemaison, outre son herbier de 85 boîtes, il a publié un livre sur les algues (lien ci-dessus). Il a une Place à Quimper mais pas (encore ?) de page sur wikipédia. Il était membre de la Société d'Agriculture du Finistère, correspondant des Sociétés philomatique et linnéenne de Paris.

- Notons qu'au cours de nos recherches nous avons trouvé le récit d'un botaniste de Lyon qui est allé aux Glénan à la recherche du fameux narcisse en 1863, à 61 ans...

- Notons aussi que dans les Grandes Heures d'Anne de Bretagne (ms lat 9474 de la BNF) nous n'avons pas trouvé de narcisse (encore moins évidemment celui des Glénan !), seulement des jonquilles, au folio 17 verso : (voir le site) de Gallica, page Jonquille.

Comment se rendre aux Glenan ?

Si vous voulez, vous aussi, aller à la découverte du Narcisse des Glénan in situ au printemps prochain.

- Train jusqu'à Rosporden où un car vous emmène jusqu'au port de Concarneau.

- Bateau : (voir le site) des Vedettes de l'Odet, page Îles Glénan.

Infos et réservations au 02 98 57 00 58. Paiement sécurisé. contact@vedettes-odet.com et (voir le site)

- [[Bretagne Vivante]] a une nouvelle adresse. Ce n'est plus (voir le site) avec asso.free.fr. Sa nouvelle adresse est (voir le site) avec .pointorg

Pour vous renseigner sur la floraion des narcisses : contact@bretagne-vivante.org et 02 98 49 07 18

- (voir le site) de Bretagne Vivante, page de l'équipe salariée.

- Extraits : Bretagne Vivante, une des plus grandes associations de protection de la nature au niveau national. Répartie sur les 5 départements de Bretagne avec des sites importants comme Brest, Rennes, Nantes et Séné, l’équipe salariée couvre un large territoire et vient en appui des projets et des bénévoles de l’association. Notre guide - Bruno Ferré : (voir le site) pour sa page de conférencier de Bretagne Vivante, sur le site de l’Université du Temps Libre de Quimper, qui donne bruno.ferre@bretagne-vivante.org et 06 07 22 76 65

Notes

(1) Se méfier des infos trouvées sur n'importe quel site : exemple ceci : (voir le site) où nous avons détecté plusieurs erreurs sur leur page Archipel, comme « L’ile (sic) Saint Nicolas. Cet (sic) île sans aucune construction... »

(2) L'Île Cigogne : Voir, les récits de [[Jean-Pierre Abraham]] (1936-2003), un Breton né à Nantes, Fort Cigogne, éd. Le Temps qu'il fait, 1995 (réimpr. 1996, 1998), 112 p. et Armen où il a choisi d'être gardien de phare pendant 3 ans au début des années 60. Armen, éd. du Seuil, 1967, réédition éd. Le Tout sur le Tout, 1988.

(3) Depuis toujours les apothicaires étaient des botanistes. Les premiers livres de médecine étaient des livres sur les plantes (les simples, disait-on), avec description et propriétés médicinales, illustrés de gravures sur bois. Comme Matthiole : [[Pierandrea Mattioli]], (1501-1577), qui était médecin et botaniste italien dont le Petri Andreae Matthioli Medici Senensis Commentarii, in Libros sex Pedacii Dioscoridis Anazarbei, de Materia Medica, Adjectis quàm plurimis plantarum & animalium imaginibus, eodem authore, est aussi connu sous le nom de Commentarii..., (voir le site) pour la numérisation de l'édition de 1579 sur Google books, une des premières éditions en français.

(4) Salisb. : L'abréviation standard de l'auteur (Salisb.) est utilisée pour indiquer cette personne comme l'auteur en citant un nom botanique.

(5) (voir le site) du livre numérisé par Google, p. 55, Sweet (Rob.). Hortus suburbanus Londiniensis. or a catalogue of plants cultivated in the neighbourhood of London. Lond., 1818, in-8, cart.

(6) - Hortus suburbanus Londinensis, éd. J. Ridgway, 1818, 242 p. Numérisé par Google le 23 sept. 2009, original provenant de la bibliothèque de l'État de Bavière : (voir le site) , p. 66. Recherches par les livres et revues «Books quoted» : = 5 pages sur 2 colonnes (VII à XI). Ex. Bot. Mag. = Curtis's Botanical Magazine. Puis 1 p. d'abréviations.

- Hortus suburbanus Londinensis, par Robert Sweet, broché, réédité en mai 2012, avec les ordres naturels auxquels appartiennent les plantes, les références aux livres où ils sont décrits, leurs lieux de croissance originaux lorsqu'ils sont introduits, l'époque de floraison et la référence aux figures.

(7) Salisbury : Il s’oppose vigoureusement au système de classification de Carl von Linné (1707-1778) : (voir le site) de wiki en anglais où les querelles entre les botanistes de son temps sont exposées en détails.

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