10.000 à Quimper, 20.000 à Toulouse, des milliers au Pays basque, en Alsace, en Catalogne, c'est une réussite sans précédent pour cette manifestation qui réclame les droits dus aux langues régionales.
La journée était belle, les quais de l'Odet fleuris, les bagadoù défilaient et les chorales chantaient, le camion décoré de panneaux routiers unilingues drainait de nombreux jeunes avec à son bord un candidat aux présidentielles, Dédé L'Abeillaud, venu soutenir les langues minoritaires tout autant que les abeilles, et les partis politiques faisaient flotter au vent du jaune, du bleu, du rouge. Les tee-shirts d'Ai'ta orange rivalisaient avec les sweat-shirts mauves et noirs des lycéens Diwan, et tout ce petit monde se retrouvait place de la République pour boire un verre à la santé des Ramoneurs de Menhirs, de Nolwenn Korbell et des nombreux musiciens venus soutenir gratuitement la langue bretonne.
Des bretonnants qui sur la place étaient nombreux, tandis que les fumigènes sur le Mont Frugy accompagnaient le Kan Bale an ARB sonné par les Ramoneurs.
Une manif festive, mais aussi déterminée, avec le dépôt par Ai'ta de 150 panneaux routiers devant la Préfecture. Peu de présence policière le long de la manif sans doute due à l'approche des présidentielles ? En tous les cas, les personnes qui ont démonté les panneaux ont effectué un acte de désobéissance civile pour réclamer plus de place à la langue bretonne dans la vie publique, pour ne pas toujours mendier le droit à parler la langue de son pays...
Parole entendue par les élus ? La suite le dira.
■1) Malgré le très petit nombre de participants, la manifestation de Metz marque une date dans les revendications linguistiques en Lorraine.
2) De même les rassemblements de Poitiers et Savoie montrent les possibilités d'un militantisme, d'un activisme linguistique.
3) Les commentaires du quotidien «Dernières nouvelles d'Alsace» ne mentionnent pratiquement que «l'alsacien», affectant d'ignorer que l'expression officielle est «l'allemand et ses dialectes», et que les parlers d'Alsace correspondant par strates à ceux de la rive droite du Rhin, les termes «Dialekt» ou «elsässer-Ditsch» recouvrant des parlers de l'allemand. Rien n'est dit du statut de l'allemand standard, langue culturelle de l'Alsace avant même Gutenberg. La coexistence des dialectes et de la langue commune, normale en pays germaniques (Suisse, Bavière, etc.), ainsi que le passé culturel et historique de l'Alsace, sont niés au profit de références tronquées et sans ampleur. L'Alsace commence à payer économiquement sa francisation dans le domaine de l'emploi.
4) Le profil bas des Flamands : drapeaux flamands interdits (!) ; revendication exclusivement dialectale (alors que les parlers flamands sont moribonds en Belgique même, où le néerlandais standard a seul permis le salut de la langue) ; aucune référence au néerlandais commun. À ce compte-là, dans un Nord-Pas-de-Calais en pleine «chtimisation», les ennemis des langues régionales peuvent dormir tranquilles.
5) Le risque d'un «jacobinisme occitan», Toulouse et les actuelles régions administratives remplaçant Paris pour effacer les appartenances réelles des Provençaux, Nissards et Gascons. L'«Occitanie» comme ersatz de l'identité.
6) L'appel implicite à l'Etat pour compenser l'indifférenes de la société civile. Combien de commerçants affichent leur raison sociale en bilingue ? Allez faire un tour à Ajaccio, à Toulouse, à Brest. Malgré quelques efforts ponctuels, la visibilité des langues est avant tout le fait d'institutions régionales. En fait, la majorité des citoyens n'est pas contre, mais ne fera rien. Lois et subventions ne remplacent pas les réseaux locaux, comme au Pays Basque.
7) Particulièrement positif et valorisant : des chorales, des chants en breton dans le cortège.
8) Bravo à Ai'ta, surtout quand l'action porte sur des indications pratiques comme «Déviation», «Giratoire», etc. Attention toutefois au pseudo-bilinguime comme «Plomelin / Ploveilh», «Puguffan / Pluguen», pour ne rien dire de Pondi, Pliant ou Boneur.
9) Les langues régionales n'existent pas. C'est une expression pratique, institutionnelle, qui ne rend pas compte des faits historiques et culturels. Il n'y a que des langues, et des peuples qui vivent ou disparaissent.
10) Il faut se méfier des soutiens électoraux, qu'ile soient sincères ou cyniques. Seul compte le rapport de forces sur le terrain.
Je crois que B Le Meut se fonde sur cette directive :
«Pour éviter tout malentendu, aucun drapeau flamand ne sera admis»
Comme je le disais sur un autre fil : avec quoi les Flamands devraient-ils alors défiler ? Un Schtroumpf géant tenant un cornet de frites ?
Je rejoins également l'avis de Frederig Bouder. Aujourd'hui, malheureusement, tout passe par Paris. Un manif géante comprenant Bretons, Basques, Catalans etc.. mais aussi Créoles et tous peuples minorisés devant l'assemblée nationale aurait eu un impact bien supérieur. Cantonner la défense des langues en «province» étymologiquement « Pro vincia, la terre des vaincus» est voué à la marginalisation.
En Bretagne, pour une belle journée à la veille de Pâques, ce n'est pas beaucoup mieux que la manif de Carhaix autrefois.
Les chiffres alsaciens sont très modestes pour une région qui est censée accorder de plus en plus de place à sa langue.
Sous le label occitan Toulouse a activé les habituels réseaux socialistes, élections obligent. Si ça peut payer, pourquoi pas.
Bientôt on demandera des fonctionnaires de l'Etat payés pour parler la langue à la place des autochtones.
Si cinquante mille personnes se dévouaient réellement pour les langues régionales, on verrait la différence.
A-benn nebeut e vo muioc'h a vanifesterion eget a yezherion.
Il faut éviter autant que possible l'expression
'langue régionale'. Ce sont des langues nationales non reconnues ou des 'langues territorialisées'. 'Arallyezherion' ac'hanomp.
Pour les gens qui nous gouvernent, Quimper est un joli village Disneyland, Bayonne une plage chic pour l'été, Lille un trou pluvieux, Strasbourg le siège de l'ENA. La Bretagne se divise en zones :
-Saint-Malo et le golfe du Morbihan pour les Parisiens friqués ;
- Rennes et Nantes pour décharger le trop-plein de l'Ile-de-France ;
- l'intérieur, pour les décharges de déchets ;
-La côte pour le tourisme et les festivals show-biz.
Alors les langues locales ou autres que le français, game over, c'est naze.
Réjouissons-nous quand même de ce succès relatif. Chomomp war evezh.
En Flandre, le repli sur un dialecte en voie d'extinction baptisé «langue régionale» trahit l'incapacité à casser le «rideau de fer» hexagonal, qui est dans les têtes. A une heures de Bruges, à trois heures d'Amsterdam !
La seule solution pour sauver ce qui peut encore l'être et promouvoir les langues territorialisées, c'est que leurs défenseurs s'appuient sur leur forme internationale : standarddeutsch, néerlandais commun, euskara batua, toscan (italien banni de Corse depuis les années trente, jamais récupéré par les «nationalistes»), en y intégrant les dialectes survivants, qui s'en trouveront valorisés à leur tour. Sinon, les idiomes locaux, même bien enseignés, resteront confinés dans un rôle de plus en plus insignifiant, comme un ACCESSOIRE.
A noter : les Arpitans ont intelligemment avancé la notion de «langue transfrontalière» (Savoie, Aoste, Suisse romande), ce qui rend à leur langue son territoire et son statut.
Refusons la NOTION PERVERSE DE «LANGUES DE FRANCE» qui traduit bien, outre la grande frilosité des institutionnels et leur francisation mentale, l'intégration des régions périphériques au système hexagonal.
Ce n'était pas partout le cas, heureusement, mais la situation est alarmante.
L'idéal des défenseurs de nos langues, jadis et naguère, serait-il mis en veilleuse ou trahi ?
Diwallomp douzh hon mignoned.