Poursuite de la réflexion autour du mouvement des bonnets rouges, suite de la chronique du 3 novembre « Ici Quimper ! Les Bretons parlent aux Français » (voir notre article)
En ce 30 novembre, fête de la Saint André (1) , cette nouvelle démonstration de force des bonnets rouges face au pouvoir politique peut être considérée comme un succès et un sans faute pour les organisateurs. Rien à redire ou à opposer ! Ils étaient bien entre 30 et 40 000 manifestants sur la pelouse du site des « vieilles charrues », même si les conventions institutionnelles réduisent toujours de façon infantile le score par deux.
Tout a été fait pour prendre l'Etat à contre-pied ou dans ses contradictions et la mobilisation fut à la hauteur des attentes de ce fest-noz « hors norme ». L'Etat, avec son approche classiquement sécuritaire, s'attendait à de nouvelles échauffourées (Cf. les articles la veille dans la presse parisienne…). A cette vision la population a opposé une démonstration massive et pacifique pour construire un autre avenir, une autre Bretagne… (et non détruire la valeur ajoutée de leur patrimoine dont le site des « vieilles charrues » est devenu un symbole indéniable bien au-delà le limes breton). L'Etat s'attendait à une faible mobilisation, ce fut un raz de marée dans les rues de Carhaix. Il s'attendait à un essoufflement du mouvement, alors que sans s'en rendre compte il lui avait redonné de l'énergie par ses atermoiements et blocages sur le dossier de l'écotaxe et surtout sur la méthode adoptée pour la mise en place du « pacte d'avenir » en l'imposant de Paris. L'atmosphère était moins tendue qu'à Quimper, plus festive, pour autant les visages étaient aussi marqués par la situation sociale et économique, le ton était toujours celui de la colère et l'assemblée toujours aussi hétérogène et hétéroclite.
Que peut-on retenir de cette nouvelle journée qui va sans aucun doute faire date avec celle du 2 novembre à Quimper ? :
La France n'existe plus en termes de références. Aucun drapeau tricolore, pas de marseillaise, mais des milliers de « Gwen ha du » et la chanson de Gilles Servat « [[la blanche hermine]] » reprise à l'unisson et ovationnée par les manifestants. A cela il faut ajouter tous les attributs festifs, vestimentaires et linguistiques bretons qui ont été mis en avant dans ce rendez-vous quasi « autonomiste », à commencer par l'écharpe du maire de Carhaix. La Bretagne n'a pas peur ! C'est clair et explicite. La seule référence des ténors à la République fut le discours du Général de Gaulle du 2 février 1969 sur la régionalisation. La seule marque visible de la République fut un petit détachement de gardes mobiles retranché sur le toit de l'hôtel des impôts et un hélicoptère de la gendarmerie en l'air. Maintenant ce n'est pas la « place tahrir » comme l'avait laissé entendre Christian Troadec dans sa dépêche du 18 novembre …(2)
Les marques de solidarité avec le jeune Mikael, amputé de la main droite, et surtout la vente aux enchères du portique de Guiclan rappellent étonnamment, pour ceux qui l'ont vécu, la chute du mur de Berlin avec ces manifestants qui partaient avec leurs morceaux de parpaing comme trophée d'une histoire en marche. Il est vrai que la fiscalité française ressemble à un mur à abattre dans un pays au bord de l'embolie. Pour ma part j'ai retrouvé cette même sensation avec l'impression de voir des lignes qui bougent au sein de la société alors que le pouvoir est dans un autre espace-temps recroquevillé dans son intransigeance et son idéologie du moment. Maintenant Carhaix ce n'est pas non plus Berlin après un demi-siècle de guerre froide…
Les tribuns ont été excellents tant sur la forme que sur le fond. L'orchestration des messages a été bien pensée avec une mise en scène parfaitement maîtrisée, le tout sous le focus de toutes les caméras et micros des médias nationaux et internationaux. C'était le point clé de ce rendez-vous : il fallait créer l'audience nécessaire pour faire en sorte que le mouvement des bonnets rouges puisse trouver sa vitesse de croisière, Quimper ne constituant qu'un moment quasi-sacral de lancement des opérations. Au cours des prises de parole, deux idées forces sont à retenir : l'ouverture des « cahiers de doléances » (avec tout ce que cela peut suggérer dans l'inconscient historique français) et surtout une demande d'inversion de la méthode de consultation de la population sur le fameux « pacte d'avenir pour la Bretagne» proposé par le Premier Ministre. Il est demandé au pouvoir d'écouter et non d'imposer. Il est suggéré de travailler avec ceux qui créent et contribuent à créer de la richesse localement et non d'obliger une région à adopter un plan réfléchi et dicté par des « sachants » à Paris. Dans les faits, les responsables du collectif n'ont pas l'intention de porter leurs revendications rue de Varenne, ils demandent désormais à Paris de venir en Bretagne. Ils ne veulent plus « entendre » les discours a priori inaudibles des technocrates, ils veulent que les politiques viennent sur le terrain et « écoutent » les Bretons. Rennes sera vraisemblablement la prochaine étape de ce face-à-face dont nous ne pouvons prédire l'issue pour le moment, même si l'avantage est actuellement aux Bretons…
Cette fois les médias ont bien compris dans leur ensemble qu'il se passait vraiment quelque chose d'important dans cette péninsule, et que ces « indignés du bout du monde », pour reprendre un témoignage d'un chef d'entreprise à la tribune, avaient beaucoup de choses à dire mais aussi à proposer pour transformer la situation. Non seulement les médias sont venus massivement pour cette petite ville de 8 000 habitants, mais ils ont admis, souvent en off record, que l'affluence était « hors norme ». Dans leur grande majorité, ils ont tous fait un compte rendu « honnête » de cette seconde mobilisation des bonnets rouges. Tous, toujours en off record, acceptent désormais d'ouvrir le questionnement et de prendre au sérieux cette colère et cette détermination très profonde des manifestants avec ces dizaines de milliers de cartons rouges arborés pour sanctionner les positions, notamment sur le plan fiscal, de l'Etat et du gouvernement (que beaucoup ont porté au pouvoir…, paradoxe de la situation). Mais, là aussi, sommes-nous dans la même situation que tous ces « indignés » qui ont occupé les centres-villes des capitales occidentales ou dans une forme d'expression culturelle et politique très marquée, pas forcément duplicable ailleurs, et que nous connaissons bien en Bretagne vis-à-vis de « l'Etat central depuis la duchesse Anne?
Il est clair que le collectif avec ses deux ténors, Christian Troadec et Thierry Merret, ont fait un « sans faute » avec un sens de la manœoeuvre que tout le monde doit reconnaître, en premier lieu l'Etat et le gouvernement qui ont le temps qui joue contre eux, du moins en apparence. Maintenant les véritables rendez-vous sont devant nous, en particulier sur les quinze prochains jours de décembre. Certes la porte-parole du gouvernement a annoncé, devant le succès du mouvement et sans aucune compassion, que le « Pacte d'avenir pour la Bretagne » sera rendu public le 4 décembre. Nous sommes toujours dans cette approche du haut vers le bas : Paris expliquant aux Bretons comment ils doivent penser, concevoir et construire leur avenir. Hors c'est l'inverse qui fut demandé par les manifestants à Carhaix. Ils veulent une approche, que connaissent bien les Anglo-saxonnes et qui est basée sur « l'empowerment », qui part du bas vers le haut. Une telle démarche suppose de faire confiance aux acteurs locaux comme leviers de la croissance économique et de pratiquer les principes de subsidiarité. Malheureusement ceux qui demandent un nouveau pacte de confiance ne font pas partie des tours de table conviés à Rennes et à Paris. Ils ne font pas partie des médiateurs accrédités. Quelque part, ils donnent le sentiment d'être comme en 1789, une sorte de nouveau Tiers état corvéable et taxable à merci, qui n'arrive pas à se faire entendre face à une aristocratie arrogante (les énarques) et à un haut clergé puissant (les partis et les syndicats). La vraie question en revisitant l'Histoire régionale est de savoir si les ténors actuels ont la dimension de [[Louis-René de la Chalotais]] (voir le site) ou d’[[Isaac Le Chapelier]] , qui a été rappelons-le à l'origine de la nuit du 4 août 1789 avec le club Breton pour mettre fin aux privilèges ? Où sont-ils de nouveau Georges Cadoudal (voir le site) et [[Jean Chouan]] , remarquables tacticiens face aux jacobins ?
Nous sommes pour l'instant toujours dans le mouvement tactique, avec un jeu de poker menteur entre les deux parties qui ne donne pas de lisibilité à cette émergence de protestations. Il est clair que le mouvement a encore du mal à se situer entre la contestation fiscale, une demande de régionalisation renforcée et un vieux rêve d'autonomie institutionnelle et territoriale. Pour le moment nous sommes toujours dans ce que le philosophe [[Michel Maffesoli]] appelle « la communion émotionnelle »(3) . Les vraies pages stratégiques ne sont pas encore écrites ou perceptibles. Nous sommes dans l'admonestation sociale et économique du côté des bonnets rouges et dans la réponse distante et froide du pouvoir. Le 4 décembre risque d'être un point de rencontre sans saveur, les deux s'autobloquant vraisemblablement dans leurs positions et certitudes respectives. Pour autant les Bretons ont eu le courage d'expliciter des problèmes de fond qui sont désormais incontournables et qu'il va bien falloir traiter en termes de gouvernance. Maintenant le vrai rendez-vous sera celui où les deux parties décideront enfin de se mettre autour d'une table avec respect, confiance, écoute réciproque et intelligence stratégique. Un miracle n'est jamais inconcevable…
Au regard de l'émulation vécue sur le site de Kerampuilh (voir le site) et de l'insensibilité manifeste du pouvoir face à la question bretonne, il est à craindre que nous soyons engagés pour le moment sur d'autres scénarios. Conjuguée à la colère nationale des transporteurs sur la question de écotaxe, tout ceci peut générer des mélanges peu maîtrisables sur le plan sociétal dans les prochaines semaines. Espérons de nouveau que l'intelligence l'emportera sur les idéologies et que nous ne serons pas pris dans une déraison dialectique où l'on nous demanderait à terme, et des deux côtés, de choisir entre la France et la Bretagne.… Ne sourions pas, les Belges et les Flamands vivent ce problème quotidiennement et d'autres pays ont été beaucoup plus loin dans la folie avec des concepts séparatistes meurtriers. Sans être, comme beaucoup, ni jacobin, ni autonomiste, mais attaché à la Bretagne et à la France, je pense que nous sommes à un moment clé pour ouvrir la question stratégique de la relation entre l'Etat et la région ? Mais peut-être que le problème fondamental du moment n'est pas finalement la France, mais tout simplement les défaillances du fonctionnement actuel de l'Etat ? Peut-être aussi que tout a déjà été dit, haut et clair, dans le fameux discours du général de Gaulle du 2 février 1969 sur la place de la Résistance à Quimper? (voir le site)
(1) Saint André étant le saint patron d'Écosse, la fête de la Saint-André est la fête nationale des Écossais (scots : Saunt Andra's Day ou gaélique écossais : Latha Naomh Anndra). En 2006, le parlement écossais en fait une bank holiday. Elle est également célébrée en Roumanie, Grèce, Russie, Ukraine, dans le Patriarcat œcuménique de Constantinople1 et à Saint Andrew (Barbade). En Allemagne, elle est célébrée en tant que Andreasnacht (« nuit de la Saint-André »), en Autriche, en tant que Andreasgebet (« prière à Saint-André ») et en Pologne, en tant que Andrzejki (« petit André »). (voir le site)
Pour l'anecdote le Premier ministre indépendantiste écossais, Alex Salmond, vient de présenter mardi dernier à Glasgow son livre blanc sur l'indépendance en vue du référendum du 18 septembre 2014
(2) Lire à ce propos l'excellent papier de Christian Rogel (voir notre article) La Bretagne affole les médias et met KO les éditorialistes
(3) Michel Maffesoli : « Homo eroticus. Des communions émotionnelles », Paris, CRNS Editions, 2012
■Nous continuerons a venir pour manifester notre soutien a cette marche qui n'en doutez pas sera semée d'embuches.Nous sommes du poitou,Bretons et non Bretons mais solidaires de votre lutte qui est la notre
Que signifie «demander à Paris ? suggérer à Paris ?» Les Bretons sont un peuple majeur que cinq siècles de domination ont, hélas, infantilisé. Il est grand temps que nous redressions la tête et que nous nous souvenions que notre pays a été un pays souverain q'une invasion étrangère a dépouillé de sa souveraineté. Il y a une nécessité psychologique qui veut que les Bretons.
La restitution aux Bretons de l'indépendance perdue, est, pour leur dignité, une nécessité psychologique.
En premier lieu j'ai restitué les propos tenus à la tribune et les membres du collectif ont bien précisé qu'ils n'étaient pas conviés aux discussions autour du «Pacte d'avenir pour la Bretagne. Ce dernier est piloté à Rennes par le Préfet de région et par les ministères concernés à Paris. Ceux qui sont conviés à la table de négociation sont ce que l'on appelle des personnalités constituées et accréditées par la République (qui est souveraine dans ses choix d'interlocuteurs puisque c'est elle qui va faire les chèques... Qui paie commande... même si c'est avec nos impôts!). Ces personnalités sont des parlementaires, des représentants des organisations professionnelles et syndicales etc. Le collectif n'est ni élu, ni une institution, c'est un collectif avec toute son hétérogénéité, sa générosité et sa spontanéité. Il y a à côté la marque des »Bonnets rouges«. Mais tout cela ne constitue pas un interlocuteur crédible et légitime pour la République telle que je la connais en termes de fonctionnement.
Par ailleurs j'ai bien choisis mes deux verbes pour cette chronique: les membres du collectif dans leurs prises de parole ont »demandé« , Ils n'ont pas »exigé« que le gouvernement vienne en Bretagne. Par ailleurs le verbe »suggérer« à été murement réfléchi, il concerne les réseaux qui sont en amont et autour du collectif des Bonnets rouge. Ces réseaux sont puissants et dans leurs contacts avec les milieux politiques aujourd'hui ils »suggèrent« d'ouvrir le champ des négociations et d'accepter de faire bouger les lignes notamment sur le plan fiscal. Les jeux ne sont pas totalement bloqués pour l'instant, c'est pour cela que j'ai utilisé sciemment le terme de »mouvements tactiques«.
Pour exiger il faut avoir les moyens de sa sémantique. La Bretagne n'est pas l'Ecosse avec sa rente pétrolière et gazière qui fera d'elle la 8ème puissance en termes de PIB si elle se sépare du Royaume Uni. Ce n'est pas non plus la Catalogne avec le port mondial de Barcelone etc. Quant à la situation entre Flamands et Wallons elle est loin d'être idyllique et d'être un modèle d'intelligence identitaire quand on voit des populations être obligées de choisir et de déménager de villages parce qu'ils ne sont pas ou l'un ou l'autre. Quand je parle d'Histoires meurtrières, come tenu de mon expérience sur les crises internationales , je peux être très disert en partant de l'ex Yougoslavie jusqu'au concept d'ivoirité....
Tout ceci renvoie aux questions très sensibles sur l'identité. Pour l'anecdote, recevant un jour à mon domicile des amis de plusieurs contrées, j'ai mis mon pavillon français au bout d'une gaule de bambou pour leur indiquer la maison. L'un de mes voisins passant me dit »tiens vous êtes devenu nationaliste...« Je lui ai répondu que si cela avait le cas j'aurai mis le pavillon du Gwen en du... Un autre me dit »tiens vous êtes un bon républicain...« Je lui ai répondu que j'étais seulement Français. Un troisième ami d'origine américaine me dit »Ah voilà un patriot!...« . Au final je suis quoi et qui véritablement dans cette confusion des significations identitaires. Un bon Breton et un bon Français, c'est tout, mon histoire et celle de ma famille sur des siècles étant imbibés de cette maïeutique historique que j'assume avec toute sa richesse.
Enfin 1793 est sûrement la date la plus sombre de l'Histoire de France avec les guerres de religion. Elle a aussi donné pas mal d'idées à tous les génocidaires de la planète bien au delà le nazisme, en commençant pas le communisme, les Pol Pot etc. dont beaucoup sont venus faire leurs études à la Sorbonne... Fermer le ban!
Aujourd'hui ce qui m'intéresse c'est l'avenir de ce territoire, de mes enfants et petits enfants. Pour le moment je ne vois que des guerriers celtes qui tapent très forts sur leurs boucliers pour faire peur aux vilains romains. Mais je ne vois pas se dessiner une stratégie. Je ne vois pas quelle est la feuille de route, quel est l'agenda, l'idée directrice etc. La Bretagne est très très loin de l'Ecosse avec son livre blanc. Elle est très vulnérable sans énergie, et son modèle basé sur l'agro-alimentaire et le tourisme est lui aussi fragile. C'est bien de faire beaucoup de bruit mais j'espère que ce n'est pas pour rien, ou tout simplement pour récupérer des chèques de Paris, fêter tout cela autour d'un bon fest-noz et de revenir chez soi pour »changer de chemise"...
Les réseaux qui sont derrière le collectif des Bonnets rouges savent tout cela et ils ne veulent pas fermer la porte pour le moment, ils suggèrent et demandent. Si le pouvoir ferme toute discussion et qu'il leur fait perdre la face, là nous verrons ce dont ils sont capables. Pour le moment nous n'en sommes pas là me semble t'il. et faut il qu'ils aient l'assentiment de l'opinion ce qui n'est pas évident...
A suivre donc
Les marins comprendront....et puisque vous me donnez l'occasion d' utiliser la métaphore maritime je vais en user pour vous répondre. A Paris nous avons des équipages très sophistiqués et coûteux avec pléthore d'officiers a la passerelle qui ne regardent plus la mer. Ils sont derrière leurs écrans tactiles et pensent que la mer, le vent, la météo feront exactement comme ils en ont décidé (la courbe du chômage, la croissance, etc). Chez nous nous avons de petits esquifs avec des équipages qui savent que la mer, si belle pour l' estivant, est dans la réalité impitoyable et sans pitié. Les patrons de ces bateaux (ceux de nos PME, PMI , soumis aux vents de la concurrence, de l'exportation, des fluctuations des marchés des changes...) sont des pragmatiques, durs a la tache et ils savent regarder la mer en face.
Avec la crise les premiers ont fermé les hublots pour ne plus voir et entendre la fureur des éléments et continuer à se complaire dans leur monde virtuel de courbes et statistiques. Les seconds malmenés sur des flots menaçants pilotent a vue en hurlant dans les portes voix(nos manifs de Quimper, Carhaix...). Les premiers pensent qu'ils sont incoulables et qu'ils passeront cet ouragan sans casse (la France en a vu d' autre au cours des 900 dernières années et heureusement qu' elle peut s'appuyer sur sa centralité inoxydable....). Les seconds savent intrinsèquement qu'ils sont certes corvéables mais consommables. Alors ils crient contre le vent (la fiscalité)croyant ainsi maitriser la situation. Le problème c'est que dans les deux cas il n'y a pas vraiment de commandant a bord!
Vous avez entièrement raison lorsque vous dites que ce mouvement révèle en fait une absence de commandement à tous les niveaux. J'irai plus loin en affirmant qu'il révèle Une absence flagrante et affligeante de vision et de leadership. Je l'ai longuement évoqué sur le précédent blog. C'est le problème majeur du pays actuellement et aussi de la région, nous n'avons plus de vrais «Commandants». Nous avons des techniciens et des aboyeurs, les deux s'arrangeant toujours a la marge avec leurs réseaux qui «suggèrent» des combinaisons. Le problème c'est que les équipages ne savent plus comment survivre face aux éléments déchaînés et que c'est eux qui sont les plus touchés par l' absence de commandement. Nous sommes comme une escadre a la dérive...
Cher Monsieur, ce pays, cette région ont besoin de vrais patrons qui fixent un cap et qui savent affronter les éléments avec courage et foi. On ne triche pas avec la mer!
la ce n'est plus l'observateur, chroniqueur de l' ABP qui s'exprime mais le Commandant qui respecte la mer et son équipage.
Par ailleurs il faut absolument réapprendre a jouer collectif et ne pas s'enfermer dans des jeux d'egos au sein d'un collectif. Il faut aussi faire confiance à nos intuitions créatives, arrêter d' être lobotomisé par une financiarisation sans issue de nos sociétés et remettre la culture et l' éducation au centre de toutes les logiques de développement. Tous ceux qui sont sortis de crises profondes ou qui ont réussi sont passés par cette clarification des méthodes et des objectifs. Rien de grand et de beau ne se fait sans cette force d' âme qui fait la différence entre des peuples laborieux, soumis, défaitistes et des peuples libres, toniques et créatifs.
Nos enfants ne nous demandent pas d' ouvrir des boites de Pandore mais de leur faciliter l'accès aux chemins du futur.
C'est notre devoir! C'est un impératif! Arrêtons de parler de «due» comme j'ai pu l'entendre parfois a Carhaix! Quel «due»? Avec le niveau de dette du pays et de défaillance de l'Etat, on ferait mieux d' être plus humble, de moins ressasser le passé et de nous mobiliser pour transformer intelligemment le quotidien des Bretons et l'avenir de la Bretagne.
Ce n'est pas que l' affaire d' hommes ou de femmes providentiels. C'est l'affaire de tous ceux qui savent associer intelligence et responsabilité au quotidien et à tous les niveaux. C'est plus un modèle mental qu'il faut faire émerger qu' un simple modèle économique. Les «Bonnets rouges» sont ils dans ce niveau de questionnement et de maturité? Ou sont-ils enfermés dans la seule rhétorique économique qui sature nos écrans et empêche l'émergence de véritable pensée novatrice sur l' avenir de nos sociétés et sur les conditions de notre vivre ensemble.
Dans les faits ce pacte va:
1) Alimenter les structures de négociation accréditées par l’Etat (réseaux professionnels et syndicats dont la représentativité est historiquement en baisse et de moins en moins légitime pour prétendre représenter ceux qui créent de la richesse dans ce pays).
2) Nourrir les structures de médiation (une fois de plus) labellisées par l’Etat avec du personnel détaché (agences gouvernementales, comités Théodule, commission, médiateurs, banque de participation et d’investissement etc.)
3) Approfondir le divorce Etat-nation en consolidant la défiance qui s’est installée entre des populations qui ne sont pas associées à la construction de la prise de décision et des élites qui improvisent une tentative de neutralisation de la colère fiscale en habillant un contrat de région en un pacte d’avenir. Que l’on ne me dise pas qu’en 15 jours on a enfin trouvé la potion magique dans les couloirs des ministères et de la préfecture de région alors que depuis 4 ans rien n’a été traité sur le fond… (voir l’excellente analyse de Bertrand Rogel sur les sources de la crise ).
Face à ce que je considère comme un non-évènement ( équivalent à ce que je supporte de temps à autre dans mes obligations professionnelles avec des discours fleuves, quasi soviétiques, de ministres qui n’ont plus rien à dire et qui sont dénoués de tout charisme) que pourrions nous faire pour sortir de l’impasse actuelle tant pour le pays que pour la région ?
Je me risque à vous livrer quelques idées.
Tout d’abord pour le pays, la question fiscale étant au c½ur du pacte entre l’Etat et la nation. Avec 5 décisions majeures nous pourrions rétablir la confiance et retrouver un peu plus de sérénité dans tous les domaines aussi bien socialement que sur le plan économique. Nous pouvons encore les prendre et ne pas attendre qu’on nous les impose de l’extérieur de façon brutale. Elles supposent un peu de courage et de détermination, mais aussi de la solidarité pour amortir les mutations sociales qui seront inévitables :
1) Resserrer le fonctionnement et le budget de l’Etat (qui n’est plus soutenable actuellement) autour de 8 fonctions majeures pour le pays (Défense, Diplomatie, Sécurité, Justice, Economie et Finance, Environnement, Santé et Education). Tout le reste est soit éliminé soit transférer aux régions ou au secteur privé.
2) Supprimer deux étages de fiscalité territoriale, en l’occurrence les communes et les départements en privilégiant un regroupement sur l’intercommunalité, les agglomérations et une mutualisation de certaines fonctions sur les régions.
3) Supprimer les 50 000 agences gouvernementales et institutionnelles (qui ne servent quasiment à rien, si c’était le cas cela se saurait…. Plus le pouvoir en crée pour améliorer notre compétitivité, plus nous sommes dégradés par tous les notateurs du monde… Elles ne font par ailleurs l’objet d’aucunes évaluations et l’ensemble coûte la bagatelle de 50 milliards d’euros….). En revanche elles permettent aux politiques de tous bords d’entretenir des clientèles dévouées et dédiées…surtout pour les échéances électorales
4) Rendre inconstitutionnel tout déficit public et soumettre les dettes souveraines et sociales à un seuil défini et voté par les parlementaires.
5) Contraindre socialement et politiquement le niveau d’imposition à un seuil de 40% du PIB et engager une réforme fiscale globale afin de remettre de l’équité à tous les niveaux (et non de la fausse égalité). Ce nettoyage fiscal s’accompagnerait d’un nettoyage des textes de lois et des textes réglementaires sur le plan administratif.
Pour la région (et rien de cela n’est envisageable sans une restructuration impitoyable du fonctionnement de l’Etat, un désendettement du pays et une refonte de la relation fiscale entre l’Etat et la nation) je proposerai bien (et par défaut puisque je n’en vois pas ni coté gouvernemental ni coté Bonnets rouges) une feuille de route stratégique autour de 5 points majeurs :
1) Le Premier ministre montre qu’il n’a pas peur, qu’il aime la Bretagne, qu’il a compris qu’il fallait tourner une page et qu’il était impératif d’inventer collectivement une nouvelle relation Etat nation. Il vient en Bretagne le 13 décembre, pas à Rennes, ni à Carhaix mais dans une ville emblématique sur le plan historique, pour annoncer qu’il remanie son gouvernement, qu’il nomme un ministre d’Etat en charge de la régionalisation, avec comme mission sur 2014 de réfléchir et mettre en ½uvre avec la population et les institutions locales une véritable régionalisation a l’instar des provinces espagnoles et des landers allemands (qu’il connait bien du fait de sa très bonne pratique de l’allemand). La Bretagne serait alors désignée comme région pilote avant généralisation a l’ensemble de la France. Il vient avec bien entendu le préfet de région et le président du conseil régional, mais surtout avec des vrais patrons et responsables bretons qui incarnent la région et pas avec une cohorte de petits marquis parisiens. Il profite de cette initiative, où il incarne ce défi régional, au même titre que le défi fiscal qu’il a endossé sur le plan national, pour supprimer l’écotaxe qui sert de prétexte pour alimenter toutes les jacqueries actuelles et remettre ainsi tous les acteurs crédibles et légitimes autour de la table. Avec Le Drian ou Le Fur a la barre cette initiative permettrait de remettre de la confiance et du respect a tous les niveaux. Une signature en grande pompe à Rennes serait une catastrophe pour tout le monde….
2) Dans la foulée le président du Conseil régional et tous les élus mettent en place une consultation locale (cf. les états généraux aux Antilles après les événements de 2009) sur la réforme territoriale : mutualisation en termes de gouvernance, médiation et transferts de compétence des agences gouvernementales vers des acteurs locaux, décentralisation fonctions Etat vers région….
3) Mise en ½uvre avec les élus d’une refonte de la fiscalisation régionale
4) Remise a plat avec tous les acteurs concernés des enjeux culturels, éducatifs, identitaires en s’appuyant sur les autres expériences des pays européens
5) Rénovation de la gouvernance locale, simplification administrative et décentralisation des décisions.
Quant à l’économie on laisse les entrepreneurs à la man½uvre, ils savent mieux que quiconque ce qu’il faut faire pour transformer la situation et redresser les secteurs en difficulté ; ce n’est pas l’affaire de l’Etat, en revanche si les banques pouvaient faire leur métier ce serait idéal pour imaginer une véritable sortie de crise.
Vous allez me dire que je suis un doux rêveur, à cette heure tardive j’en conviens volontiers, maintenant les canadiens, les espagnols, les suédois, etc …. l’ont fait….alors pourquoi pas nous ? Et pas besoin des conseils de l’Europe ou d’attendre d’être mis sous la contrainte du FMI, nous sommes suffisamment « grands » pour le faire tout seul, de plus notre Premier Ministre n’a aucune excuse, il connait bien la région…. Et il est légitime plus que quiconque pour ouvrir le champ et faire bouger les lignes. Et nous avons localement des milliers de gens intelligents qui n’attendent qu’une occasion pour servir utilement la région et le pays. …
Maintenant si vous avez d’autres idées c’est le moment d’en faire état, on ne sait jamais et qui sait. Devant le vide conceptuel qui sévit de tous les cotés il est temps d’ouvrir le questionnement et de faire des propositions plus que des doléances.