Monsieur le Président,
Chers collègues,
Nous nous réunissons dans une situation singulière et sans nul doute historique.
Depuis le 16 mars, la Bretagne, comme le reste de la France, est confinée.
Les Bretonnes et les Bretons font face à ce coronavirus dont nous n’avions pas ou mal anticipé les effets dévastateurs.
LE FRONT SANITAIRE
Je tiens d’abord à saluer celles et ceux qui sont au front sanitaire, tous les personnels soignants qui se sont mobilisés comme jamais pour anticiper la première vague de la pandémie et qui luttent désormais contre elle.
Ils ont d’autant plus le droit à notre reconnaissance que le pays n’était pas préparé à un tel événement.
Je tiens à saluer également la mémoire des victimes, les familles endeuillées, privées de cérémonies.
Je tiens enfin à saluer tout ceux qui se mobilisent pour trouver des solutions, notamment deux sociétés bretonnes
C’est pour faire le point de l’état sanitaire de la Bretagne que j’avais souhaité l’audition du directeur de l’Agence régionale de santé à l’occasion de cette session pour faire le point des matériels et équipements dont nous disposions avant la crise et des moyens dont nous disposons aujourd’hui, les moyens de protections (masques, blouses, gants), les lits en réanimation dont on sait que la Bretagne était sous dotée avant la crise, les respirateurs…
Cette audition me paraissait tout à fait légitime sauf à ce que nous suspendions toute forme de vie démocratique à l’échelle régionale et que nous nous contentions d’être les supplétifs de l’Etat, lui-même en crise, comme nous allons le voir tout à l’heure.
Par la bouche du groupe La Bretagne en marche, vous avez décidé de ne pas accéder à cette demande, Monsieur le Président. Ces échanges auraient été logiques et indispensables. Doit-on systématiquement éteindre le débat en criant à la polémique ? Vous savez que je le regrette vivement.
LE FRONT ECONOMIQUE
Le deuxième front est économique.
Il y a en Bretagne aujourd’hui ceux qui peuvent rester chez eux parce que leur activité professionnelle le leur permet – je les encourage d’ailleurs à le faire pour que la stratégie du confinement fonctionne et il y a ceux pour lequel ce n’est ni possible, ni souhaitable. Je veux saluer tout ceux qui sont restés à leur poste en dépit des difficultés.
Je tiens à saluer les services publics qui se mobilisent, notamment à l’échelle publique, pour maintenir la qualité de service de l’eau, de l’assainissement, de la collecte des déchets ménagers, de l’accueil des enfants des personnels soignants ou des personnels d’EHPAD et de service à domicile.
Je tiens à dire mon incompréhension face à la défection des services de La Poste dans le contexte qui est le nôtre. On ne peut pas se revendiquer du service public et réduire le service à ce point.
Mais je tiens également à saluer la mobilisation des agriculteurs, des pêcheurs et de tous les ouvriers des industries indispensables au bon déroulement de cette période de confinement.
La production agricole et agro-alimentaire ne peut pas lâcher. C’est notre “voie sacrée”. C’est la raison pour laquelle nous devons tout faire pour que les conditions de sécurité au travail soient garanties. Et nous revenons inévitablement aux moyens de protection qui nous manquent tant ! Nous retrouvons le sens d’une agriculture et d’une production qui a pour principal objectif de nourrir les hommes et les femmes. Je tiens à saluer cette tribune co-écrite hier dans un grand quotidien régional par les présidents de « Produit en Bretagne », « Agriculteurs de Bretagne », l’UBPVB et l’ABEA.
Mes pensées vont vers ceux qui tentent de télétravailler, ce qui démontre parfois cruellement nos retards et parfois nos défaillances quant au déploiement de la fibre ou de la couverture mobile. Cette question concerne à la fois les professionnels mais également les enfants et les jeunes qui doivent continuer à travailler.
Mes pensées vont enfin vers tous ceux, nombreux, qui vivent dans l’angoisse de la reprise d’une activité qui a complètement cessé.
Ils sont nombreux aujourd’hui en Bretagne à vivre une baisse de leurs revenus, souvent modestes, et donc à se heurter à des questions très concrètes de remboursement d’emprunt ou de paiement de facture.
Cette rupture nous rappelle la justesse de certaines expressions populaires comme le fait d’avoir “du grain plein les greniers” et que cela fait partie des permanences de notre monde.
Elle nous rappelle aussi la valeur de la production de biens, qu’ils soient agricoles ou industriels. Car si le pays tient dans cette période si singulière, ce n’est pas grâce à Uber et aux starts up dont on nous serine les oreilles depuis tant de mois, laissant de côté le monde paysan, les ouvriers, les personnels soignants, les caissières de supermarché, qui sont aujourd’hui au front.
Chacun comprend que la crise révèle le rôle majeur de “ceux qui ne sont rien”, les laborieux, alors que les premiers de cordée sont réfugiés à l’Ile de Ré.
Cette rupture redonne de la valeur à l’économie réelle. Celle qu’il faut cesser d’exposer aux vents violents des traités internationaux de libre-échange. Que ne me dit-on pas avec condescendance lorsque je m’oppose au CETA avec le Canada ou au projet de traité de libre-échange avec le Mercosur ! La chanson ne sera désormais plus la même.
Fonds national de solidarité
Dans ce domaine, nous avons décidé de nous placer sous l’autorité de l’Etat afin de participer notamment au fonds de solidarité national destiné, entre autres, à garantir un revenu minimum à chacun et notamment aux Très Petites Entreprises (commerces, métiers du tourisme, artisans…), aux indépendants, aux auto-entrepreneurs et aux professions libérales. 1500 € maximum, c’est bien mais il ne s’agit pas d’oublier qui que ce soit. Je pense notamment aux conjoints collaborateurs qui sont souvent des femmes.
Evidemment, nous voterons cette part de la DM que vous nous proposez pour 21 millions d’euros pour deux mois. Nous notons au passage qu’il s’agit là d’une autorisation d’engagement et pas d’un crédit de paiement.
Je note également que la Région s’efface derrière la décision nationale. Je ne doute pas de l’intérêt de la mesure. Je note que simplement que la Région est, dans ce domaine, supplétif d’une politique de l’Etat.
Je salue également la mesure consistant à abonder un fonds destiné à soutenir le monde associatif, sportif, culturel, patrimonial et touristique. Bien qu’il ne s’agisse que d’une autorisation d’engagement, cela est nécessaire.
NOS AMENDEMENTS
Nous vous avons proposé quatre amendements pour enrichir votre proposition.
Deux secteurs économiques spécifiques
Deux de ces amendements concernent directement deux secteurs très touchés par la crise que nous vivons.
Deux autres amendements ont pour objet d’alléger les finances de nos concitoyens qui utilisent nos transports.
Dans les deux cas, nous demandons le remboursement de l’abonnement au prorata de la période durant laquelle, en raison du confinement, il n’aura pas été utilisé.
La relocalisation
Nous avons enfin le devoir de réfléchir au “jour d’après” et notamment à l’impérieuse nécessité de relocaliser un certain nombre d’activités et notamment d’industries en Bretagne. D’autres régions ne s’y trompent pas et s’y engagent avec force comme le Grand-Est ou Auvergne-Rhône-Alpes.
Je pense bien sûr à cette usine de production de masques dont nous disposions il y a encore deux ans à Plaintel dans ma circonscription. Il faut se doter de vrais moyens pour être opérationnels et non mandater un cabinet pour créer une SCIC.
Mais je pense aussi à la nécessité de relocaliser des activités de production pharmaceutiques notamment.
Le temps n’est plus à l’internationalisme à outrance. Rappelez-vous du débat que nous avions sur le Canada. J’ose espérer que plus personne ne soutient ce type d’accord dans cette assemblée. Il faut assurer notre sécurité alimentaire.
Monsieur le Président,
Sous la pression d’une partie de votre majorité, la même qui ne parle que de transparence, vous avez voulu voir dans le rôle de l’opposition régionale, un rôle polémique. Le rôle de l’opposition est au contraire de faire connaître aux Bretonnes et aux Bretons les conditions réelles et concrètes dans lesquelles nous menons ensemble ce combat.
N’oubliez pas que le débat qui existe en Bretagne quant aux conditions de préparation sanitaire de notre région, doit avoir toute sa place au sein de notre assemblée. Il n’y aurait rien de pire qu’une injonction de type “silence dans les rangs”. Elle alimenterait inévitablement les rumeurs. Expliquez-le aux membres de votre majorité qui l’oublient trop vite.
Dans tous les cas, vous pouvez compter sur nous pour voter le dispositif que vous nous proposez. En toute liberté, nous voterons donc votre bordereau.
Ce communiqué est paru sur Blog de Marc Le Fur
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