Bretagne = Colonie. Décolonisons les régions

Reportage publié le 24/03/17 20:27 dans Politique par Yves-François Le Coadic pour Yves-François Le Coadic
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décolonisons les régions

La fédération “Régions et Peuples Solidaires” (fédération de partis politiques autonomistes de France) (1) en association avec l'Alliance Libre Européenne (parti politique européen rassemblant des partis indépendantistes et autonomistes de l'Union européenne) (2) a organisé à Paris, mercredi 22 mars, une après-midi intitulée « Décolonisons les régions !». Plus exactement, décolonisons les “nations sans État” de l’Europe, nations colonisées par les États-Nations que sont l’Espagne, la France, la Belgique et la Grande-Bretagne.

(voir notre article) et (voir notre article)

Quelle doit être la place de ces pays, Catalogne, Pays Basque, Galice, Alsace, Bretagne, Corse, Occitanie, Flandres, Wallonie, Écosse, Irlande du Nord, Pays de Galles en Europe ? Certains veulent plus d'autonomie. D'autres réclament même leur indépendance, tout en affirmant leur volonté de continuer à participer à la construction européenne.

Le président de la fédération a mis l’accent, dans son introduction, sur le caractère toujours problématique de la situation française caractérisée par une centralisation étouffante ; ce qui le conduit, à tort (voir la Corse), à considérer qu’il ne peut pas avoir en France de velléités d’indépendance de ses minorités nationales. Ce n’est pas le semblant de réforme du régime socialiste qui a changé beaucoup de choses. Il a parlé à son sujet d'homéostasie administrative : on change tout pour ne rien changer !

Ont suivi des interventions de la porte-parole catalane pour les affaires extérieures d'Esquerra Republica de Catalunya, de la vice-présidente basque de l'ALE, élue au EH Bildu en Alava (Euskal Herria) et d’une Galicienne, eurodéputée (ALE) représentant le BNGa (Galice).

Pour ces trois peuples, la décolonisation est en marche avec bien entendu des avancées différentes.

La plus décolonisée, la Catalogne, reconnue comme nation par l’Espagne, envisage, dès septembre 2017, son indépendance, en organisant, malgré l’opposition des pouvoirs espagnols, un référendum. La puissante mobilisation de la société civile et le rassemblement des forces politiques catalanes se traduisent par une forte adhésion au “Tous ensemble pour le Oui” à l’indépendance.

Dans le Pays Basque espagnol, la logique de décolonisation est aussi claire et suit le chemin non-violent suivi par la Catalogne (chaînes humaines, manifestations festives).

Le rassemblement politique est acquis et dépasse les barrières idéologiques. Elle est encouragée par le processus de désarmement mené par les “Artisans de la paix” et prévu le 8 avril.

Désarmement contrecarré malheureusement par les pouvoirs politiques espagnols et français.

Cette logique de décolonisation est beaucoup moins claire dans le Pays Basque français associé pour l’occasion, sur la tribune, au pays Basque espagnol.

Heureux présage ? Son délégué, adjoint au maire d'Urrugne, ému de se trouver à Paris pour représenter la nouvelle collectivité territoriale acquise de longue lutte, a évoqué les freins puissants qu’opposent toujours les institutions centralisées françaises, à commencer par la nouvelle région administrative “Nouvelle Aquitaine”.

De plus, comme les deux intervenants basques l’ont fait remarquer, l’effacement de l’intériorisation des frontières, imposées par l’Espagne et la France aux Basques des deux pays, nécessite une révolution des consciences et des esprits.

En Galice, le bloc nationaliste défend le droit à exister comme nation, droit pourtant affirmé par la SDN en 1930. Sa représentante, évoquant les luttes menées contre la dictature espagnole, regrette le manque d’unité entre les formations galiciennes, cause première de la conduite du pays par le Parti Populaire (PP) espagnol, i.e. par Madrid. Et cause de la domination coloniale qui se traduit par le vol de l’économie galicienne, l’immigration des Galicien(ne)s...

La situation française quant à la décolonisation de ses régions est affligeante (3). Seule la Corse, représentée par une Conseillère exécutive (une ministre, dirait-on si la Corse était indépendante) Pè a Corsica en charge de l'Aménagement du territoire, l'Urbanisme, l'Énergie et le Foncier, a obtenu un début de décolonisation avec un nouveau statut.

Elle n’est plus qualifiée de « collectivité territoriale », mais de « collectivité de Corse » ; celle-ci constitue, à compter du 1er janvier 2018, une collectivité à statut particulier, en lieu et place de la collectivité territoriale de Corse et des départements de Corse-du-Sud et de Haute-Corse.

Le processus corse, même s’il s’est inspiré des apports liés à l’évolution des statuts des anciens TOM, ne va pas jusqu’à reconnaître à la Corse un statut identique à celui de la Polynésie, ni a fortiori ne lui donne latitude pour délibérer en matière législative, comme dans le cas des « lois du pays » reconnues pour la Nouvelle-Calédonie. Mais, cela ne saurait tarder !

En France métropolitaine, à la différence de l’Espagne, il est fait surtout usage de dénominations administratives : territoires, régions. Et à la question posée sur le fait qu’on n’utilise pas les appellations, peuples, nations, minorités nationales et qu’on n’ose pas parler de possible autonomie ou indépendance pour l’Alsace, la Bretagne, le pays Basque, le pays Catalan ou la Corse, le représentant de la Bretagne, député apparenté PS français et non membre d’un parti politique breton, a déclaré que ces mots étaient tabous : “En Bretagne, on ne les comprend pas”. Ne sachant pas ce que l’on met dedans, il préfère avancer avec du concret !

Comparée à celle des autres pays, la situation en Bretagne est catastrophique. Pourquoi ? D’abord, parce qu’il n’y pas de rassemblement des forces politiques bretonnes. La région administrative est dirigée par des partis français. Le député ci-dessus, considéré comme le plus breton, s’est distingué par une défense acharnée de la charte des langues minoritaires et de la langue bretonne en particulier.

Mais ses camarades socialistes et non-socialistes franco-bretons ne lui ont guère apporté de soutien. Et ensuite, parce que la mobilisation de la société civile bretonne est très faible. Elle ne s’est faite qu’à deux occasions avec quelque ampleur: de façon régulière, à l’initiative de l’association “Bretagne Réunie”, pour appuyer la demande de réunification de la Bretagne, amputée d’une partie de son territoire, le département de la Loire-Atlantique et pour protester contre l’installation de portiques de péage sur les voies express de Bretagne grâce au mouvement éphémère des “Bonnets Rouges”.

Dans son discours de clôture, le président de l’ALE insiste sur les soutiens qu’il faut apporter aux demandes démocratiques des peuples européens qui ont été colonisés économiquement, laminés culturellement. Resituant le débat au niveau de l’Europe, il se dit persuadé qu’une Europe des peuples n’a d’avenir que si elle défend ceux qui la soutiennent. Elle n’a pas de passé comme l’Espagne, la Grande-Bretagne, la France ; elle n’a que des intérêts, intérêts que la Catalogne, l’Écosse se portent bien.

En conclusion, il y avait dans les différentes interventions catalanes, basque, galicienne et corse un entrain, un optimisme réjouissants. Ils traduisaient l’espoir de voir se réaliser bientôt la décolonisation tant espérée de ces nations et la libération de leurs peuples.

L’intervention bretonne était d’une plus triste tonalité, à l’image du maigre bilan linguistique obtenu. L’allégeance des représentants “Hommes liges….” à leurs partis français et au pouvoir central les fait user d’un double langage breton et français et guerroyer entre eux sur la traditionnelle partition gauche-droite. La décolonisation de la Bretagne n’est pas pour demain.

Notes

(1) (voir le site)

(2) (voir le site)

(3) (voir notre article) : Colonialisme, néo colonialisme, le mal français

(4) Des vidéos de représentants flamand et catalan ont assuré d’intéressantes transitions avec les présentations orales. Mais il n’a pas été question lors de cette demi-journée des colonies françaises d’outre-mer, des DOM-TOM.

(5) A la sortie, il y avait un stand où on parlait quand même du “Peuple Breton” et où il aurait été bon que, pour l’histoire, soit disponible, étant donné le titre de la manifestation, la brochure Bretagne=Colonie :

(voir le site)

(6) “Décoloniser les provinces" est le titre très opportuniste d’un des derniers ouvrages de Michel Onfray. Ce serait le témoignage d’un girondin, guère connaisseur de la province. Il fait en effet une proposition de cahiers de doléances et y consacre un chapitre entier sans, à aucun moment, citer les deux mouvements des Bonnets Rouges et leurs cahiers de doléances !


Vos commentaires :
Lheritier Jakez
Vendredi 15 novembre 2024
C'est extrêmement édifiant.

En rajoutant la situation de ces jours ci en Guyane.
Mme Taubira aurait du être invité à s'expliquer sur son changement de parcours.

je relis un excellent livre sur les origines de la guerre d'Algérie 1940-1945,de Mme Rey-Goldzeiger.
La France et ses structures centralisatrices continuent en 2017 .

Ce genre de débats doit être poursuivit ,en direction des différents peuples de l'Europe.


Le Mer Jean
Vendredi 15 novembre 2024
La «Nouvelle Calédonie» ne serait pas la Kanackie, par hasaerd ?

spered dieub
Vendredi 15 novembre 2024
Intéressant ,surtout si cela vous permet de sortir de la provocation à un conflit au non de purisme ;en ce qui concerne la langue bretonne ,alors que plus que jamais nous avons dans ce domaine besoin de tout le monde ,quelque soit leurs approches sur le sujet .

Marie calvez
Vendredi 15 novembre 2024
Voir le site

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