"An Arvor", 3e CD de Nolwenn Monjarret (Chant) et Philippe Le Gallou (Guitare)

Chronique publié le 22/05/20 10:37 dans Musique par Gérard Simon pour Gérard Simon
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Jaquette du CD "An Arvor" - Nolwenn MONJARRET et Philippe LE GALLOU
N MONJARRET - P LE GALLOU - "Amzer er heneu" - Extrait de 01:08 CD "An Arvor" N MONJARRET - P LE GALLOU

Des mélodies traditionnelles bretonnes, dans son enfance, entendues, chantées à tue-tête, avec une sous-jacente intensité dramatique, de la puissante et volumineuse voix maternelle de Zaïg, des pièces collectées, souvent en couple, avec son célèbre père, musicien, collecteur, membre du mouvement breton, créateur de la Bodadeg Ar Sonerion, Polig, des airs recueillis, transcrits, traduits en français ou commentés, par le fervent et érudit défenseur de la langue et de la culture bretonne, Loeiz LE BRAS, des chansons moissonnées ou composées par l’Abbé Joseph-Marie LE BAYON de PLUVIGNER, signant Job ER GLEAN, un répertoire, principalement, vannetais, tels sont les principaux fondements mélodiques et culturels qui nourrissent cet excellent nouvel album au programme judicieusement choisi et admirablement interprété par la suave et grave voix de Nolwenn MONJARRET, portée par l’élégante complicité musicale du remarquable et subtil guitariste, Philippe LE GALLOU, qui l’accompagne depuis une dizaine d’années.

Pour avoir reçu, écouté, dégusté, chroniqué, conseillé et, moultes fois, réécouté, les deux premiers opus signés des talents de ces deux exceptionnels interprètes de la tradition bretonne, il s’agissait, alors, distribués par Coop Breizh, des Compact Discs

« Son Elena » (Notre chronique) et « Ar Roue Pri » (Notre chronique) , inutile de vous cacher la bien vive joie qui s’est emparée, immédiatement, de nous, lorsque nous avons reçu, de la délicate chanteuse morbihannaise, par ailleurs, fidèle lectrice et auditrice de Culture et celtie, l’e-MAGazine, en quelque sorte, ce 3e pan de « paysages et portraits chantés », équilibrant, ainsi, un pictural triptyque, passeur de racines indispensables à la découverte du gigantesque fonds vocal, musical et culturel breton qui continue, très souvent, à inspirer nombre de créations artistiques des plus actuelles, les racines générant, très fréquemment, les ailes !

Nous avons, donc, le vif plaisir de vous présenter ce nouvel enregistrement, dénommé « An Arvor », sous-titré, au dos de la jaquette et de la première de couverture du pédagogique et informatif livret qui l’accompagne, « An Arvor - Larmor Plage ».

« An Arvor », apparaît comme un quasi label certifié d’origine, Nolwenn résidant en cette cité maritime voisine de Lorient qui doit son nom à celui de l’ancienne écriture du nom de la chapelle de pèlerinage « Notre-Dame de l’Armor ». A l’origine celle-ci s’élevait, seule, sur ce promontoire de bord de mer. Le nom breton « An Arvor » reprend cette racine linguistique, la transcription bretonne du nom de la chapelle étant « Itron Varia an Arvor »… et Larmor… plage pour distinguer ce lieu de Larmor… Baden !

L’appellation se révèle, également, parfaitement justifiée, eu égard aux origines de Philippe LE GALLOU qui y possède, toujours… un « pied en mer ».

« An Arvor », c’est, sur votre platine, un joyau sonore de 13 titres, dont 10 chants traditionnels, une chanson composée par Job ER GLEAN, une suite instrumentale de laridés traditionnels et une composition instrumentale de Philippe LE GALLOU.

43 minutes d’un paisible flux et reflux vocal et musical qui vient caresser et ensoleiller les récifs de nos âmes, en ces temps actuels, outrageusement et incessamment aiguisés par l’incisive érosion des multiples et tempétueux événements de l’époque.

« An Arvor-Larmor plage », nous distille un bien gouleyant cru de beauté et de sérénité.

De cette constante quiétude, Nolwenn MONJARRET et Philippe LE GALLOU en sont-ce les seuls bienfaiteurs ?

Oui, bien sûr, par la qualité de leurs choix mélodiques et leurs registres d’interprétation, mais aussi, par la sélection de trois talentueux musiciens invités qui les rejoignent, individuellement ou collectivement, pour plus que colorer 8 des 13 pièces enregistrées.

Nous nommerons :

- A la flûte traversière en bois et à la cornemuse qu’il pratique depuis 25 ans, passionné par la musique irlandaise et écossaise, enseignant ces deux instruments et la bombarde, Hervé GUILLO, qui insuffle au cours de ses interventions, selon les instruments pratiqués et les rythmes, identité, mélancolie ou jovialité.

- A la contrebasse, issu du blues et du jazz, compagnon de route de Philippe LE GALLOU, Pierre SERGENT, déjà présent sur

« Son Elena », qui apporte une certaine modernité par son profond et jazzy pizzicato.

- En solo, sur les cordes en nylon d’une guitare classique signée du luthier, Meilleur Ouvrier de France, Jean-Marie FOUILLEUL (Voir site) , cheminant, lors du dernier titre du présent disque, au plus près de la voix de Nolwenn, Robin… LE GALLOU, 1er fils de Philippe et étudiant au sein du cycle professionnel du Conservatoire de Saint Brieuc.

Il intervenait, précédemment, auprès de son père, sur la 4e plage instrumentale d’« Ar Roue Pri ».

La chanteuse et le guitariste n’étant en présence l’un de l’autre, qu’assez épisodiquement, une longue période s’est écoulée entre la parution du 2e album « Are Roue Pri » (novembre 2013) et la création de celui-ci. Mais, au fil du temps, en 4/5 ans de propositions distillées auprès du musicien arrangeur, a capella, à l’initiative de Nolwenn, 10 morceaux se sont retrouvés, in fine, magistralement, harmonisés par Philippe, ce qui a suggéré, implicitement, aux deux artistes d’envisager un nouvel opus, testant quelques de leurs récentes créations, lors de concerts donnés en Bretagne et en Vendée. Bien leur en a pris !

Le programme, proposé au cours de cet enregistrement, est fort riche et très bien équilibré, tant sur le plan musical et vocal, alternant, judicieusement, chants à écouter, instrumentaux, voire airs dansants avec une suite de laridés et une gavotte des montagnes « ton doubl », que pour l’aspect textuel et narratif dont vous apprécierez la teneur grâce au livret qui reprend toutes les paroles chantées, exclusivement, en breton, très souvent vannetais, ainsi que leurs traductions ou transcriptions en français, élaborées sous les plumes de Dominique ALLAIN et Loeiz LE BRAS.

Comme souvent, dans la chanson traditionnelle de Bretagne, au fur et à mesure des airs entendus, l’interdit moraliste ou religieux, la tragédie, peuvent aussi, par exemple, côtoyer, une certaine légèreté ou des évocations pastorales.

Ici, une jeune fille célibataire qui refuse d'aller ramasser des noix avec un prétendant, préférant, pour se préserver de tout faux pas avant-mariage, aller prier, à l’église, là, un homme alité promettant d'épouser sa bien-aimée dès qu’il sera rétabli, plus dramatique, l’assassinat d’un nouveau né ou, sur les pavés de Paris, l’abandon, dans un panier, d’une progéniture « laissée en cadeau » à une « donzelle », par un marin de passage, ou, encore, avec une connotation, heureusement, plus légère, un berger se considérant comme un grand chanteur et siffleur, jusqu'à ce qu'il entende un rossignol, naturellement, plus doué que lui.

L’amour du pays breton, le respect de l’identité bretonne et la sauvegarde de la nature qui doit préserver les haies, comme les animaux, l'harassant labeur des paysans qui travaillent très dur pour gagner trop peu leur vie et pouvoir, tout juste payer, à leurs propriétaires terriens, les fermages, y sont, aussi, abordés.

On peut trouver dans ces textes du passé, bien des résonances actuelles…

Le livret très soigné, tant sur le fond que sur la forme, est, notamment, pour les non locuteurs, un élément essentiel qui vous permettra d’apprécier la substantifique moelle de cet album.

Vous y lirez les origines de collecte ou de création de chaque morceau, les références des primes enregistrements, sur 78 tours (fin des années 40, début 50) et 45 tours « Mouez Breiz » (1951/52), de Zaïg MONJARRET, des notes sur les inspirations discographiques personnelles de Nolwenn, comme les groupes DIR HA TAN (72/78) ou KADIG HA KYMRY (1974), qui ont conduit ses choix, les recueils d’édition… une multitude d’informations qui vous traduisent le perfectionnisme et la précision qu’ont souhaité les artistes pour faire de cet enregistrement, une publication aussi variée que référente.

Vous parcourrez avec plaisir ce document, ô combien pédagogique, sans aucune lassitude, porté par la teneur des propos et la galerie de jolies photos noir et blanc et couleurs qui le ponctuent, avec des portraits de Nolwenn, de Philippe, mais, aussi, de Pierre SERGENT, de Robin LE GALLOU, d’Hervé GUILLO, traduisant, ainsi, un réel apport artistique de groupe, autour du duo chant-guitare morbihannais.

Au travers de 3 clichés et, notamment, sur une double page centrale, l’Armor… l’Arvor… Larmor Plage, mais aussi, quelques feuillets plus loin, la courbure révérencieuse des branches forestières de l’Argoat, rythment la progression de votre parcours de lecture.

Nous tenons, toujours, à souligner les efforts de présentation et de contenu que font certains artistes pour faire de leurs productions discographiques de beaux et enrichissants objets.

C’est le moment, au-delà de nos propos, ci-dessus, tenus, de saluer le travail d’Alain BURBAN des Ateliers ART TERRE de Rennes (Voir site) et du graphiste Alain CLAVIER de Polychroma de Saint Uniac (35) (Voir site) qui ont réalisé le visuel du CD, du livret et de la jaquette souhaitée, par Nolwenn et Philippe, dans la droite ligne du graphisme de « Son Elena ».

Nous avons, particulièrement, aimé ce disque avec la voix, aussi grave et douce qu’ensoleillée, de Nolwenn et le merveilleux et chaleureux jeu de guitare, plutôt folk, de Philippe qui suit, à la perfection, le chant, en préservant la parfaite audibilité de celui-ci, utilisant, pour plus de rondeur, le toucher au doigt, pas au médiator et l’accord classique au lieu du DADGAD, souvent associé à la musique celtique.

Ecoutez le limpide et chaleureux jeu de Philippe, notamment, lors des introductions, des ponts et des solis ; sa guitare chante ! La plage 11, « Laridés », illustre, notamment, nos propos.

Si, au cours de cette chronique, nous n’avons pratiqué aucun focus, sur tel ou tel titre, c’est que nous avons, vraiment, apprécié tous les morceaux qui, adroitement et savamment organisés, s’enchaînent, avec leurs styles propres dans une homogénéité d’écoute confortable, très cosy.

Parler, particulièrement, de l’un, aurait été injuste pour l’autre.

Un disque réussi est, certes, un album substantiel, au contenu, précautionneusement, choisi, joliment, sensiblement et authentiquement interprété, mais aussi, une production soignée, tant pour la prise de son que le mixage, ce qui est, pour « An Arvor », tout à fait, le cas.

Dans ces registres, rendons hommage au travail de Philippe et de son fils, Robin qui ont réalisé, « à la maison », ces deux phases techniques de première importance.

Comme le disait une ancienne publicité : « Beau travail, Messieurs ! »

Plus que jamais, procurez-vous cet excellent album « An Arvor - Larmor Plage », écoutez-le, réécoutez-le… replacez, comme nous l’avons fait, les albums précédents sur votre platine, pour mieux créer le lien au sein de cette superbe trilogie traditionnelle.

Dans la culture bretonne, il y a toujours un nom primordial et incontournable… MONJARRET.

Depuis « Son Elena », jusqu’à « An Arvor », il y a, à présent, une griffe de grande qualité : MONJARRET-LE GALLOU !

Gérard SIMON

Illustration sonore de la page : Nolwenn MONJARRET - Philippe LE GALLOU - «Amzer er heneu» - Extrait de 01:08

Le site Internet de Nolwenn MONJARRET et Philippe LE GALLOU : (Voir site)

D'autres extraits sonores sur Culture et celtie, l'e-MAGazine. (Voir site)

Les titres du CD «An Arvor»

01 - Amzer er heneu (Traditionnel) - 03:07.

02 - Liher ar paotr klanù (Traditionnel) - 03:15.

03 - Sonenn er bugul (Composition de Job Er Gléan) - 02:57.

04 - Gwerz ar vechantez (Traditionnel) - 03:12.

05 - War hent Kêrgelenn (Compositions de Philippe Le Gallou) - 03:28.

06 - En nevez-hañv (Traditionnel) - 02:54.

07 - Ar paùéger Pariz (Traditionnel) - 03:17.

08 - Ar bromesa daer (Traditionnel) - 03:47.

09 - Marivonig an Dourduff (Traditionnel) - 04:10.

10 - Et Chorenn (Traditionnel) - 03:45.

11 - Laridés(Traditionnel) - 02:29.

12 - Kanenn el labourerien-douar - 03:06.

13 - Mé moned en dé d'er hoed - 03:30.

Durée Totale : 42:52.

CD «An Arvor»

Parution : février 2020

Distribution : COOP BREIZH (Voir site)

Réf : 4016364

© Culture et Celtie