Un florilège... un nouvel album de Didier Squiban

Chronique publié le 22/12/24 10:51 dans Musique par Gérard SIMON pour Gérard SIMON
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Jaquette du CD Nina de Didier SQUIBAN
Didier SQUIBAN "Nina" - De "Enez eusa, hanter dro et an dro", l'hanter dro "Duhont Àr Ar Mané CD Didier SQUIBAN - "Nina"

« L’Odyssée de la mer » (1992), « Rosbraz » (2001), « La valse des Orvilliers » (1992-1997), « La tournée des chapelles » (2005), « La plage » (2006), « L’estran » (2009), « Adarre » (2011), « Ballades » (2013) ; ce ne sont là que quelques titres d’albums qui, immédiatement, nous rappellent, qu’une infime partie de l’œuvre considérable de l’iconique et prolifique compositeur et pianiste finistérien, dont le répertoire se situe, depuis toujours et principalement, entre la musique traditionnelle bretonne, le jazz et la musique symphonique.

 Parmi une quarantaine de disques enregistrés (en studio, en public, en participations ou musiques de films) c’est, précisément, à partir de cette petite sélection discographique susnommée, que Didier SQUIBAN a choisi de nous concocter un délicieux élixir musical qu’il nous présente, distribué par Coop Breizh, sous son label de production, créé en 2022, « Hôtel De La Grève ».

Une compilation, nous direz-vous ?... Par le soin apporté à l’agencement du programme, bien mieux que cela ! Une revisitation qui nous permet de redécouvrir autrement, savourer à nouveau, approfondir plus amplement certains morceaux et d’assister, dans son salon et dans les meilleures conditions sonores, à un intime et rétrospectif concert qui nous emporte de la Bretagne au Cambodge, en passant par l’Ecosse, du piano solo au quatuor à cordes, de BACH à Bill EVANS, via DEBUSSY ou Erik SATIE…

 « Nina » est le nom donné à ce nouvel opus.

Sur le premier volet interne de l’orangée, picturale et contemporaine jaquette, signée du dessinateur et illustrateur breton Gildas JAVA, Didier SQUIBAN, précise : « Nina, du prénom de ma petite fille, s’inscrit dans l’esprit de l’album « Ydill » : 15 hommages, 15 visions fugitives, 15 musiciens ». («http://culture.celtie.free.fr/cdsquibanydill.htm» target=«_blank» rel=«noopener»>Notre chronique « Ydill »).

Plus de 60 minutes de visions maritimes, d’évocations dansantes traditionnelles bretonnes, de « celtic-world -jazz », qui, grâce à une « hétéroclite homogénéité », vont vous faire, inévitablement, succomber dans une lumineuse sérénité.

Toutes dédiées à de grands musiciens classiques, jazz ou instrumentistes complices disparus, 15 pièces du compositeur, dont 7 en piano solo, 6 en piano accompagné, 1 exécutée par les cordes d’un quatuor… et 1 co-composée par Didier avec la pianiste Dominique MARTIN, constituent le miel de cette édition discographique.

Dominique MARTIN, « pensionnaire » de l’Hôtel de La Grève («https://hoteldelagreve.com/artiste/dominique-martin/» target=«_blank» rel=«noopener»>Voir page) a publié, en mai 2022, « Enez Glaz » (Notre chronique), 1er Compact-Disc produit par le label du plougastel pianiste.

 Au fil de ce très varié et élégant florilège musical, vous retrouverez, d’autres voyageurs et pensionnaires de « H.D.L.G », fidèles complices du référent pianiste, comme le saxophoniste, flûtiste, clarinettiste, Bernard LE DREAU et le percussionniste Jérôme KERIHUEL, avec lesquels Didier SQUIBAN avait notamment, publié, en avril 2016 « Sonate en trio » («http://culture.celtie.free.fr/cdsquibansonateentrio.htm» target=«_blank» rel=«noopener»>Notre chronique), ainsi que le contrebassiste, compositeur et arrangeur Simon MARY.

 Aux côtés des surnommés et virtuoses LE DREAU et KERIHUEL, il était, aussi, l’un des 6 musiciens solistes officiant dans l’enregistrement de la « Symphonie du Ponant » («http://culture.celtie.free.fr/cdsquibansymphonieduponant.htm» target=«_blank» rel=«noopener»>Notre chronique) , revoici, pour ce présent opus « Nina » et pour notre plus grand bonheur, le fort talentueux trompettiste Geoffrey TAMISIER.

Jouant dans « Ydill », le contrebassiste Patrick STANISLAWSKI, le compositeur, arrangeur, musicien polyforme et multi-instrumentiste (flûtes, accordéon, claviers, percussions), Pascal VANDENBULCKE et l’accordéoniste Alain TREVARIN, figurent dans la distribution de « Nina ».

 Disciple du batteur Elvin JONES, passionné par la musique de John COLTRANE et fier de ses racines bretonnes, vive émotion de retrouver, aussi, le nom de la grande figure du jazz à Nantes qu’était le regretté batteur, percussionniste, saxophoniste et clarinettiste, Jean CHEVALIER, dit Jean Popoff CHEVALIER, disparu en 2014.

En piste 11 de « Nina », Didier lui dédie son impromptu, tiré de l’opus « L’estran », sur lequel « Popoff » assurait batterie et percussions.

 Egalement, au générique de « Nina », le Quatuor SPINOSI interprète, magnifiquement, en 13ème position du programme, « Celtiade », seule composition où le piano est absent… mais semble, malgré tout, se faire entendre.

Figurant sur le disque « L'odyssée de la mer », l’album « Nina » s’ouvre, en piano solo, avec « Invention », une limpide et originale suite pour piano, extraite de la Bande Originale des films documentaires réalisés pour le centre de culture scientifique brestois consacré à l'océan, Océanopilis.

Par le titre donné et la couleur des notes, nous ne sommes pas surpris que Didier SQUIBAN joue cette improvisation introductive « en hommage au plus grand des musiciens, Jean-Sébastien Bach».

Après la courte pièce dédiée à Jacques PELLEN, « Itroun vari ar skapular », cantique de Portsall, ville native du compositeur-pianiste, où nous retrouvons, notamment, enveloppant le piano, le moelleux son cuivré de Geoffroy TAMISIER, voici, en piano solo, une très belle et étendue variation sur la célèbre gwerz « Enez Eusa », elle-même, « à l’hémistiche » de cette poésie sonore, après un bien amené changement de rythme, suivie de l’hanter dro, « Duhont Àr Ar Mané », puis de l’andro, « Deit de zañsal », finement ponctués par les aériennes percussions de Jérôme KERIHUEL.

Pour cette dédicace au compositeur et pianiste français Erik SATIE, nous sommes résolument ancrés en Bretagne, mais, comme en souhaitant mettre en exergue sa diversité, stylistiquement, le pianiste « bifurque »… c’est un bien nommé « Adarre », nom du disque où cette suite figure en piste 5.

Tout en prenant, également, source dans un air traditionnel, la piste 4, dédiée à l'une des plus grandes chanteuses américaines de blues et de jazz, Billie HOLIDAY, donne place à une pièce d’inspiration atypique, puisque « Nav » nous emmène… au Cambodge.

La note du livret précise : Improvisation sur un thème traditionnel cambodgien, appris à Phnom Penh, par la fille du roi, herselve !

Ce morceau figurait en piste 9 de l’album « Ballades » qui collecte des impressions de voyages et au cœur duquel, Didier SQUIBAN reprend, tel un carnet de route musical, des thèmes chinois, indonésiens, écossais, irlandais… et, bien évidemment, bretons.

La mélodie est superbe. Le son du piano est magnifique avec, sur ses profondeurs, le survol d’un perlage de notes aigües qui laisse entrevoir les sonorités asiatiques. Quelle préciosité stylistique dans le jeu du virtuose, sensible et expressif pianiste.

Suit, dédicacé à Thelonious MONK, pianiste et compositeur américain de jazz célèbre pour son style d'improvisation, ainsi que pour avoir écrit de nombreux standards de jazz… « Bangor ».

Ce titre avait été, primitivement, enregistré en 1985, en 7ème et dernier titre de l’album éponyme de l’ensemble « SIRIUS », au Vauban de Brest, puis ré-enregistré, dans des conditions techniques de production plus satisfaisantes, en 2011, en 2ème piste du disque « Adarre ».

Une cascade jazzy où coule une parfaite osmose entre les virevoltantes notes frappées, qu’elles soient issues du magique piano ou des allègres percussions de Jérôme KERIHUEL.

Nous apercevant, à ce stade rédactionnel de chronique, que nous sommes, captés par tous les titres figurant au programme de « Nina », nous nous garderons bien, faute d’être lassants à votre lecture, de décliner nos impressions pour l’entièreté de ce substantiel panoramique musical de morceaux choisis.

A notre très grand regret, passons sur le superbe piano solo « Image 12 », bien évidemment, le titre le laissant penser, interprété en hommage à Claude DEBUSSY.

Dédicacé à Toots THIELEMANS, musicien de jazz belgo-américain connu pour ses talents à l’harmonica et à la guitare, ainsi que pour ses dons de siffleur et de compositeur, arrêtons-nous, qu’un trop court instant, sur « Ayla », tiré de l’album « La valse des Orvilliers » (1992 - remasterisé en 1997) où le « riche » piano s’allie merveilleusement avec celui, dit… du « pauvre ».

Dans une ambiance de slow-jazz-musette, doucement, délicatement, rythmée par Patrick STANISLAWSKI, à la contrebasse et Jean CHEVALIER, à la batterie, Alain TREVARIN, appelé par le pianiste breton, le « Paganini » de l’accordéon, « discute » mélancoliquement, au sein des première et troisième partie de cette langoureuse pièce intégralement composée par Didier.

De biens savoureux instants suspendus…

Pour « Nina », Didier SQUIBAN a choisi, en piste 10, la suite pour piano « La mer est immense » (Divent ar mor - The water is wide), suivi… de gavottes !

Cette séquence a été enregistrée en piano solo, en 8ème titre nommé « Suite N°3 », sur son opus live « La tournée des chapelles ».

Ce devenu standard de Graëme ALLWRIGHT date du premier opus de l’auteur-compositeur-interprète franco-néo-zélandais, paru en 1966. C'est une adaptation en français de « The water is wide », une chanson traditionnelle américaine d'origine irlandaise, notamment popularisée par Pete SEEGER, mais aussi par ODETTA, Harry BELAFONTE, The KINGSTON Trio, Joan BAEZ, et reprise par bien d'autres, dont, en Bretagne, par Les MARINS D’IROISE avec Murray HEAD, BABORD AMURES, TRI YANN…

Souvent quasi scandée, Didier SQUIBAN nous en livre, ici, une version particulièrement déliée, majestueuse, plus que très habilement contournée, franchement jazzy… avant d’en rompre le rythme pour « envoyer » la frénésie des notes sur deux gavottes.

Des instants de musiques celto-bretonnes bien connus portés, par la vélocité, créativité, vers l’inconnu ! Les seuls applaudissements conservés sur le disque qui saluent cette pièce saisie en public témoignent la réaction d’un public… saisi !

Si le piano, en solo ou accompagné, escorté, porté, cajolé par d’autres fidèles instrumentistes, est, bien évidemment, pour notre plus grand plaisir, omniprésent, « Celtiade », composé pour l’« Odyssée de la mer », échappe à cette configuration, puisque ce sont les cordes du quatuor SPINOSI qui, comme la Bretagne, « regardent la mer »… et, par l’intention de Didier, rendent, ici, hommage à la musicienne et compositrice, harpiste celtique, d'origine et de culture bretonne, compagne de notes et de vie de Jacques PELLEN… la bien regrettée Kristen NOGUES.

 « S’il préfère la notion de direction « assistée » à celle de direction artistique, c’est bien à l’initiative de Didier que la co-écriture de « Nina » a vu le jour.

Ce fut, donc, une collaboration avec quelqu’un qui n’a jamais confondu le fait de retravailler sérieusement et celui de se prendre au sérieux, bref, un vrai plaisir et, pour moi, une réelle fierté ».

C’est la pianiste Dominique MARTIN qui, par ses mots couchés sur l’une des pages de la jaquette, contextualise la création du morceau inédit et éponyme qu’elle interprète, en piste 14, on peut l’imaginer avec intime appréhension en direction du « génial papy Dider » et de sa petite fille… Nina !

Quel émouvant signe de transmission, de passation, de la part de notre bien aimé virtuose créateur !

« Nina », croyez-nous, revêt l’attrait d’une galerie musicale exposant de magnifiques tableaux contemporains de collection que vous allez visiter et revisiter, à plusieurs reprises.

Même, pour les plus anciens, si vous avez en mémoire nombre des toiles exposées, vous en saisirez, peut-être, encore mieux, les éclairages interdépendants, eu égard à un accrochage soigné et judicieusement réfléchi.

Pour les plus jeunes, c’est le moyen de découvrir une vision enracinée, mais toujours prospective de la Bretagne, la peinture sonore d’un maître-artiste breton profondément, viscéralement, amoureusement, inspiré par son pays d’Armor et par ceux qu’il dépeint suite à ses nombreux voyages ou, aujourd’hui, pour ses futures compositions, depuis le nez terrestre de sa péninsule tant adulée et si bien servie par son, ses talents.

Nous ne vous le disons pas… pianissimo ; « Nina » de Didier SQUIBAN est un album à vous procurer au pus vite. Sa jaquette bien reconnaissable dans les bacs où sur les pages numériques en ligne s’apparente, aussi, une très chatoyante toile, aux couleurs du coucher… ou du lever, pour les plus matinaux…

 Gérard SIMON

Illustration sonore de la page : Didier SQUIBAN «Nina» - De «Enez eusa, hanter dro et an dro»,

l'hanter dro «Duhont Àr Ar Mané» - Extrait de 01:02.

D'autres extraits sonores sur Culture et celtie, l'e-MAGazine («http://culture.celtie.free.fr/cdsquibannina.htm» target=«_blank» rel=«noopener»>Voir site)

Site Internet de Didier SQUIBAN : «https://www.didier-squiban.net/public/» target=«_blank» rel=«noopener»>www.didier-squiban.net

 

Les titres du CD «Nina» :

 01 - Invention - 03:07.

02 - Itroun vari ar skapular - 01:37.

03 - Enez eusa, hanter dro et an dro - 06:04.

04 - Nav - 05:23.

05 - Bangor - 04:12.

06 - Image 12 - 05:10.

07 - Ayla - 05:54.

08 - Trimen - 02:16.

09 - Jantilez - 03:29.

10 - Suite pour piano - 04:49.

11 - Impromptu - 02:25.

12 - Les temps changent - 07:28.

13 - Celtiade - 02:38.

14 - Nina (Composition Didier SQUIBAN - Dominique MARTIN) - 02:42.

15 - Coda - 03:21.

Durée totale : 60:35.

 CD Didize SQUIBAN - «Nina» :

Parution : 8 noveembre 2024.

Production : Didier SQUIBAN - «https://hoteldelagreve.com/» target=«_blank» rel=«noopener»>Hôtel De la Grève (HDLG).

Distribué par COOP BREIZH - «https://www.coop-breizh.fr/» target=«_blank» rel=«noopener»>www.coop-breizh.fr

Réf : 4016531.

 © Culture et Celtie