L'inquisition contre les Cathares : aux sources du totalitarisme

Présentation de livre publié le 2/10/24 8:26 dans Politique par Yvon Ollivier pour Yvon Ollivier
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couverture du livre Tolosa ou le glaive des hérétiques

L’inquisition contre les Cathares au 13e siècle m’a toujours fasciné au point d’y consacrer un nouveau roman « Tolosa ou le glaive des hérétiques » aux éditions War-eeun Amazon . C’est à une plongée dans un univers mystérieux dont nous avons largement perdu les codes aujourd’hui, que je convie le lecteur. Outre l’intrigue policière qui tourmente les moines inquisiteurs, ce sont les vecteurs de la « modernité totalitaire » qui apparaissent au grand jour :

- L’absolu d’une vérité pourtant toujours très relative ; -toutes les sociétés ont fondé leur unité autour d’un principe absolu-

- La volonté de conformer autrui à cette vérité par le biais de l’abjuration - et toujours dans l’intérêt de celui qui doit abjurer ou se conformer à la norme-

- La destruction du déviant appelé à perdre son humanité.

Le stratagème du totalitarisme moderne conduit à ne plus détruire des êtres semblables à nous en humanité – c’est bien trop difficile ! - mais des déviants essentialisés comme tels.

« Tu dois apprendre à voir le diable en eux ! », s’époumone le dominicain saint Albert à l’adresse du franciscain Paul qui n’y parvient pas, toujours hanté par le visage de ceux qu’il a conduits au bucher.

Avec la peur collective dont on connaît l’importance dans le déclenchement des massacres de masse, nous avons là le ressort de tous les totalitarismes.

Des historiens plus compétents que moi pourront peut-être faire remonter cette apparition dans l’histoire humaine bien plus en amont, mais tout porte à l’attribuer à la période de l’inquisition.

Ce ne sont plus des êtres humains que l’on brule mais le diable en personne, ou les enfants du diable. Les juifs, les protestants plus tard seront soumis au même traitement. Et viendra le temps où l’on déshumanisera au nom d’une faction menaçante, de sous-hommes déclarés comme tels, ou d’un groupe déclaré ennemi du peuple au nom d’une humanité nouvelle et supérieure.

Il existe toujours une échelle dans la déshumanisation, mais peu ou prou, tous les systèmes politiques n’y ont-ils pas recours ?

Le sort des minorités en France pourrait nous interpeller, avec ces peuples réduits à l’inexistence, et ces langues dont on a dénié la dignité humaine en les disqualifiant de « patois » ou de «langue régionale ».

Devenez des Français comme les autres ! Abjurez votre identité singulière pour rejoindre la normalité française ! Tout nous y conduit. En situation de crise, le réflexe du bouc émissaire nous rappelle qu’il ne fait jamais bon dévier de la norme. Ici la situation est différente en ce que le processus de déshumanisation préalable à la destruction n’agit plus, mais en cas de crise, la haine fait son grand retour. Nous sommes en situation pré-totalitaire, comme le sont peu ou prou toutes les sociétés humaines. La grande fragilité de la société française, fracturée comme jamais, doit nous inciter à la prudence.

Partout, même au sein des démocraties, on déshumanise autant qu’on peut. Et la sanction est immédiate pour ceux qui voient disparaître leur visage exprimant toute leur singularité. La Bretagne ne cesse de reculer, dans ses langues, dans sa toponymie et tout le monde ou presque trouve ça normal. Aucune voix forte ne s’élève plus.

Il y a plusieurs années, j’écrivais le roman « gueule cassée », car je ne connais rien de plus essentiel qu’un visage, même lorsqu’il s’efface.

Yvon Ollivier

auteur


Vos commentaires :
Anne Merrien
Jeudi 14 novembre 2024
Je me souviens qu'un timbre de la Poste avait commémoré la victoire du roi de France sur le comte de Toulouse. Bayrou avait protesté, en vain, sans doute.

Jack Leguen
Jeudi 14 novembre 2024
Quand les Romains ébouillantaient ou jetaient les chrétiens en pâtée aux lions, je pense qu'on avait affaire à un état totalitaire. L'inquisition y compris la croisade contre les Albigeois n'est pas le début du totalitarisme. Le comble c'est que les Chrétiens ont fait aux hérétiques ce que les Romains leur avaient fait.
La conquête des Gaules par César, un million de morts. Non seulement Rome est le premier État totalitaire mais il a servi de modèle aux autres. Un état totalitaire peut aussi construire des aqueducs. Les nazis ont construits les autoroutes allemandes.

Jacques derouet
Jeudi 14 novembre 2024
Dit JAKEZ
A-du kreñv on ganeoc'h ! A fond avec vous mais aussi avec Yvon Ollivier.

Naon-e-dad
Jeudi 14 novembre 2024
@Jack Leguen
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J'ai lu un autre chiffre pour la conquête de la Gaule (en -52 avant J-C): de l'ordre de 100.000 morts. Le chiffre est énorme (peut-être sans équivalent dans l'Histoire de l'Humanité jusqu'alors?).
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Il est du même ordre que celui des pertes de l'armée francaise en 1940, face à l'invasion allemande (100.000 à 120.000 morts). Dans les deux cas, ces chiffres témoignent d'une résistance effective et farouche.
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La différence réside dans l’attitude historique ultérieure (jusqu’à aujourd’hui) face au vainqueur militaire de l’époque. Le quartier Alésia dans le XIV dans le quatorzième arrondissement de Paris est repéré par une grande rue structurante, une station de métro...quand Vercingétorix n’a droit qu’à une très secondaire rue de Gergovie.
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Cette façon officielle d’envisager l’Histoire m’a toujours interloqué. Plus encore quand l’on sait la fin que César – un criminel psychopathe ? – a réservé à Vercingétorix au terme d’un éprouvant séjour dans la sinistre prison Mamertine (un véritable igloo souterrain, qui un peu plus tard recevra un autre illustre visiteur : Saint Paul) à deux pas du Sénat romain.
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En matière d’atrocités organisées, l’Inquisition fut-t-elle véritablement le premier maillon important? Pas sûr., hélas...
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Pa vez anv eus lazhañ ar re all (e doare niverus), n’eo ket ar skouerioù a vank a-hed an istor...

Jean-Paul Touzalin
Jeudi 14 novembre 2024
Bonsoir,
A tout hasard voici deux livres qui illustrent bien l'antériorité d' un prétendu "système" totalitaire:
1. JP. Castel: Guerre de religion et police de la pensée: une invention monothéiste? Ed. L'Harmattan 2016
2. Benjamin Gras: La destruction du paganisme dans l'Empire romain. De Constantin à Charlemagne. Ed. Publibook 2011
Bonne lecture !
JP. Touzalin

Alan E. VALLEE
Jeudi 14 novembre 2024
L'intervention française cad la croisade contre le catharisme fut (sauf erreur ou omission), une des premières opportunités pour augmenter le domaine royal avec, déjà, le Royaume d'Aragon ciblé.
Et on se souvient de cette grandiose et humaniste formule dont l'actualité barbare n'est pas démentie : "Tuez les tous, Dieu reconnaîtra les siens ! ".
AV

Penn Kaled
Jeudi 14 novembre 2024
Pour info, celui qui amené cette croisade contre les albigeois, n'est autre que un des ascendants des ducs de Bretagne, Simon de Montfort.

Voir le site

Voir le site


yvon ollivier
Jeudi 14 novembre 2024
Ce qui m'intéresse, c'est de remonter aux sources. bien sûr qu'il y eut des massacres au temps des romains, mais que valait le concept d'humanité pour eux???? avec l'Eglise et l'égalité des âmes, il a fallu sortir de l'humanité des catégories de gens, les deshumaniser pour pouvoir les détruire. C'est cela la grande nouveauté je crois , de l'inquisition

Jean-Louis Pressensé
Jeudi 14 novembre 2024
Oui, le manichéisme cathare n'est qu'un prétexte à conquête territoriale, histoire notamment de contrôler les juteux axes de transport vers la Méditerranée et les Espagnes, et pour les vainqueurs de se tailler des baronnies à bon compte.
Seul point de détail : "tuez-les tous..." est , comme 99 % des "mots historiques", apocryphe. Les historiens ont beau jeu de rechercher la première apparition d'un "mot historique" : en général, on est plus près de la Révolution que du Moyen Age. Y'a que notre compatriote Cambronne qui soit entré tout vivant dans la légende !
Quant à l'inquisition, c'est le bras armé d'un monothéisme. Seul le monothéisme est par essence totalitaire : le polythéisme a amené les Romains jusqu'à dresser un autel au "Deus ignotus" ! (et s'il a poursuivi les chrétiens, c'est pour des raisons civiques, pas religieuses !).

Alan E. VALLÉE
Jeudi 14 novembre 2024
Si l'on parle de l'Homme de manière anthropologique c'est-à-dite uchronique, il y a toujours : langage, écriture, société et norme. Il y a donc de possibles contacts, conflits et contrats aux causes assez peu variées.
Il s'agit toujours non pas seulement d'une légitime volonté de persister dans son être mais d'une extension indéfinie de son ego, d'une volonté de sa puissance qui se manifeste par la préhension du bien d'autrui, par la négation de la personne d'autrui et éventuellement par sa destruction individuelle, massive ou collective. Sur une échelle de l'odieux puis de l'abominable, on nomme cela : impolitesse, intimidation, harcèlement, guerre, acculturation, invasion, annexion, prédation, enfermement, génocide.
La "Sainte Inquisition" fut ainsi un moment de l'uchronique totalitarisme. Il n'est ainsi qu'une des variantes humaines de faire d'histoire.
Le totalitarisme mis en oeuvre par de très Chrétiens contre les Indiens, contre les Cathares ne fut pas différent de celui développé durant les millénaires précédents et ne différa que peu par l'idéologie et quelques modalités techniques des totalitarismes suivants.
Si l'on osait, il serait possible d'imaginer que le totalitarisme à venir est déjà là dans l'idéologie, dans les techniques, dans les sociétés et dans les normes développées par les acteurs de la domination globale en cours. Mais heureusement, seules des associations et institutions (SDN, ONU, UE qui est Prix Nobel de la Paix) sont à l'oeuvre pour limiter les dégâts même si certains autres les ciblent avec leur canons. Ainsi, la "Paix perpétuelle" (KANT) par un "État des nations" reste préférable à l'état d'anarchie des États.
Au total, il est raisonnable et prudent d'avoir peur du prochain totalitarisme que certains idéologues, techniciens et industriels, et politiciens cupides et avides nous préparent sous couvert de bonheur radieux, de liberté surveillée et de pseudo-progrès.
AV

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