Carnac : « Laissez les Bretons honorer la mémoire de leurs aïeux »

Reportage publié le 12/11/23 18:47 dans Patrimoine par Didier Lefebvre pour Didier Lefebvre

Christian Obeltz est un homme sérieux, un homme de terrain, mais aussi un homme de dossiers. Il va au fond des choses et sait s’entourer.

Lors de cette conférence-débat organisée par le collectif les Soulèvements des_Pierres (dont font partie l’association Sites &_Monuments Menhirs libres et Koun Breizh ) dans cette très belle salle (mais un peu froide) du Petit-Théâtre de Auray, devant 70 personnes. Il s’est attaché à faire un historique des menhirs détruits en Bretagne. Il a ensuite démontré que les menhirs du site de Montauban en Carnac étaient bien, oui, des menhirs et non des simples pierres.

La datation des plus anciens menhirs remonte à –7400 avant aujourd’hui. Et, devinez, les plus anciens d’entre eux se trouvent de part et d’autre de ceux détruits, sur le site de Montauban.

Le mépris

L’énumération des menhirs détruits et la raison de leur destruction sont éloquentes du mépris des pouvoirs publics français à l’encontre de notre passé. Oui, ces pierres font ciment de notre culture. C’est peut-être la cause de ce mépris.

Ce qui a provoqué ce cri du cœur d’Eugène Riguidel (voir notre article) : « Laissez les Bretons honorer la mémoire de leurs aïeux » en ouverture des travaux.

Il convient toutefois de noter qu’en 1849, un cadre de la SNCF s’était fait licencier pour avoir fait déplacer des menhirs afin que la ligne fût bien droite. Autres temps, autres mœurs.

Des aberrations au nom du tout pognon

Nous avons le maire de La Trinité qui souhaite installer une antenne relais à quelques mètres d’un majestueux menhir, en haut de son tumulus encore intact. Les associations, le Préfet soi-même, lui demandent de renoncer à ce projet, rien n'y fait. Les risques d’échec de la demande à l’Unesco de ce site sont majeurs, pour cause de manque d’esthétique de la zone…

Ou encore ces alignements de balises en plastique sur une route longeant un alignement, là, un vrai massacre visuel (voir photo)... D'ailleurs, la mairie s'est fait «aligner» par Paysages de France qui lui décerne un des quatre prix de la France moche .

Si ce n’était triste, on pourrait en rire : le gérant du Mr Bricolage dépositaire du permis est la SAS Au marché des Druides.

Mais qu'est-ce qui guide donc ces fossoyeurs, si ce n'est le profit à court terme ?

Les scientifiques contraints au silence en conviennent, Oui, il s’agit bien de menhirs

Comment connaître l’âge de menhirs ? Très simple, répondent les scientifiques. La toponymie, la typologie, la géomorphologie, l’archéologie parlent. Durant des minutes très passionnantes, Christian Obeltz déroule sa démonstration, force photos à l’appui.

Alors pourquoi, oui pourquoi n’entendons-nous pas ces scientifiques parler ?

Même notre éminent confrère papier, Ouest-France, a fait un article précisant le silence sur l’avis de la communauté scientifique et se pose la question du bien-fondé de la destruction [article en cours de recherche, NDLR].

Dans une interview à venir dans nos pages, Christian Obeltz reviendra sur ces preuves et parlera de l’objet des plaintes déposées.

Des plaintes déposées au procureur de la République

Trois plaintes ont été déposées. Yvon Ollivier, auteur, juriste et président de Koun Breizh, pointe du doigt la connaissance qu’avait le maire du dossier et nous explique les négligences (euphémisme) du maire. Plaintes ont donc été déposées auprès du procureur par Koun Breizh, Sites et Monuments et l’Umivem, regroupement de 46 associations. Leur but est de savoir ce qu’il s’est réellement passé, de définir ce que sont les « trous dans la raquette » que le maire Lepick a (quand même) reconnus. En revanche, aucune plainte n’a été déposée au tribunal administratif aux procédures trop complexes. Seuls ont été demandés l’arrêt des travaux et l’annulation du permis, demandes restées lettres mortes.

On se sent blessés au plus profond de nous-mêmes

Comme toujours, Yvon Ollivier est très en verve et se laisse aller. Pourquoi le ministère de la Culture n’a-t-il même pas ouvert une enquête administrative ? Pourquoi le préfet n’a-t-il rien vu lors du contrôle de légalité ?

Est-ce une erreur ou une volonté ? La salle murmure.

Une Joconde de 7000 ans

Il y a quelques semaines, le maire, se débattant dans ses contradictions, a lâché cette phrase qui lui restera collée comme le sparadrap du capitaine Haddock « C’est quand même pas la Joconde ! ». Et encore « ces menhirs, on les voit à peine ». Sachez, Monsieur le maire, que chacun a ses jocondes et nous préférons nos pierres à celle-là faite pour François 1er, ce roi qui spolia la Bretagne, trahit le traité qui faisait de Renée de Bretagne la digne héritière du duché, afin de l’annexer à la France dans le funeste édit de 1532.

D’ailleurs Yvon Ollivier conclut par « C’est au peuple breton de dire ce qui est bon pour lui, et non à d’autres ! »

Un menhir en chocolat pour la ministre

Au récent Salon international du Patrimoine culturel à Paris étaient présents Pierre-Léon Luneau et Emmanuelle du collectif le Soulèvement des Pierres. Lors du passage de la ministre, ils lui ont offert un menhir disant qu’il était en chocolat (voir photo), qu’elle commença à accepter avec sourire. Puis ils lui dirent qui ils étaient, et quel était leur combat. Ce à quoi la ministre répondit, avant de faire demi-tour « ce n’était pas des menhirs, c’est Éric Zemmour qui a dit que c’était des menhirs ». On en reste scotchés. Elle a dû être bien briefée par ses énarques de collaborateurs, pour répondre ainsi instantanément. Et quel amalgame !

Ce conseiller municipal à l’urbanisme qui a du mal à avoir des informations sur ce permis

Mais qui est Pierre-Léon Luneau ? Il est conseiller municipal d’opposition à Carnac, et siège dans la commission urbanisme. A ce titre, il voit passer les demandes de permis de construire. Celle qui nous intéresse lui est arrivée… trois semaines après sa délivrance. Il déplore aussi le manque de publicité autour de l’enquête publique.

Il répond longuement aux questions précises de la salle, où des débats et des prises de position pleines de cœur ont conclu cette journée.


Vos commentaires :
Anne Merrien
Mardi 19 novembre 2024
A propos du prix de la France moche, l'article du Télégramme parle de «la destruction de prétendus menhirs» . Prétendus menhirs naguère recensés pour la demande de classement à l'UNESCO.

Christian Mené
Mardi 19 novembre 2024
Bravo à Yvon Ollivier, heureusement qu'il y a des gens qui se battent sans relâche pour notre patrimoine et notre peuple !

Naon-e-dad
Mardi 19 novembre 2024
Merci Didier pour vos articles que j’apprécie.
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Mais là je reste interloqué par une petite phrase apparemment sybilline. Apparemment seulement.
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« La datation des plus anciens menhirs remonte à –7400 avant aujourd’hui ».
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Fichtre 7400 – 2023, cela nous fait 5377 avant notre ère. Je n’ose pas récrire avant Jésus-Christ, lequel de toute façon est né un peu avant notre ère, à une date qui fait encore débat.
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Donc dans cent ans, comment parlera -t-on de ces menhirs - à datation constante -, on dira qu’ils remontent à 7500 avant aujourd’hui (l’aujourd’hui d’alors étant 2123, vous me suivez ? ? ) , etc….
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J’ai découvert récemment le phénomène a-propos de grottes préhistoriques connues. Elles prennent ainsi deux-mille ans d’un coup. L’ennui est que ce n’est pas à datation constante, puisque dans le même temps (si j’ose dire) les scientifiques dans leurs estimations récentes – et indépendamment du calage donc, ou de l’adoption d’un présent qui par définition est mouvant sur l’échelle du temps - les font vieillir de trois à quatre mille ans ou plus encore. Vous me suivez-toujours ?
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Comment vont faire les étudiants en préhistoire – et aussi les spécialistes professionnels - quand ils consulteront des publications à l’avenir ? Devront-ils se munir d’un petit logiciel effectuant la péréquation ? A condition de connaitre la date (qui devra être fixe, évidemment ! 2023, 2024, etc…Selon notre repère actuel, par exemple) de la publication scientifique consultée. Si vous me suivez encore jusques là, bravo !. Car je commence à me perdre moi-même, dans ce délire scientifico -wokiste !
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Quelle bêtise, quelle fumisterie ! Il semble , avec ces sbires, que nous entrions dans l’ère du chaos et/ou du mensonge. Les scientifiques qui tentent - j’espère qu’ils échoueront dans leur funeste et imbécile projet - de promouvoir ce système débile (en fait un non-système) font honte à l’humanité et à l’intelligence humaine. Que leur reste-t-il ? Leur NOMBRIL. Rien d’autre !
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Vous avez compris la raison de ma vive réaction. J’aime la culture et la beauté, y compris préhistorique, y compris ante-celtique. En résumé, je respecte nos prédecesseurs, auteurs de peintures pariétales ou érigeurs de menhirs. Les wokistes, non.
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Penaos e vez lâret « wokisme » e brezhoneg ? « Wokelouriezh » ? Penaos e vez lâret « wokiste » e brezhoneg ? « Wokelour » ?

Didier Lefebvre
Mardi 19 novembre 2024
@Naon-e-Dad
Mersi pour ce message et moi aussi j'apprécie vos commentaires depuis longtemps, sur mes articles (rares depuis quelques temps) ou d'autres.
Loin de moi toute idée de wokisme (wokelouriezh). Surtout.
J'ai repris ici les mots de Christian Obeltz, qui m'ont fait rire d'ailleurs. À titre perso, je préfère «avant Jésus-Christ» (même si cela est historiquement faux comme vous le dites) car on voit de quoi on parle, à «avant notre ère», car qui a décidé du «notre», car on est loin de l'ère celte. Mais «avant aujourd'hui» est sympa.
Si un historien lit cet article dans 362 ans, il saura convertir, je l'espère, en l'année de l'ère qu'il souhaite sans logiciel.
Clôturons ici ce débat, si vous le voulez bien, on est pas dans un chat ! L'affaire des menhirs st bien plus importante, et je vais m'efforcer de la suivre.

Penn Kaled
Mardi 19 novembre 2024
Je n'ai aucune opposition de principe sur la datation avant Jésus-Christ, ou avant notre ère, seulement le problème, c'est que de part des datations la chronologie des évènement historique est faussée. Par exemple les migrations bretonnes du cinquième siècle se rapprochent de notre monde contemporain, alors qu'elles sont en réalité bien plus proche de l'invasion romaine que ce soit sur le continent ou en Grande Bretagne. Tout comme les mode de vie du haut moyen âge sont plus proches de ceux de l'antiquité que ceux de mille ans plus tard, de part des datations, les frontières du temps sont mises à l'épreuve.Pour atténuer cette situation ne faudrait t-il pas remonter au début du néolithique, par exemple aujourd'hui nous serions autour de l'an 8500 ? Par ailleurs d'autres religions pourraient revendiquer la date de naissance de leurs fondateurs, tout comme certains fous furieux de la révolution avaient établis un nouveau calendrier, les bolcheviques de 1917 auraient pu faire la même chose.

Penn Kaled
Mardi 19 novembre 2024
Je rajouterais que cette datation de l'an 1, qui en plus a sept ans d'écart avec la date de naissance du christ, provoque une rupture qui du moins dans le domaine matériel, n'a pas lieu d'être.

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