Amis visiteurs de Culture et celtie, l’e-MAGazine qui êtes, vous nous le prouvez, au fil de chaque édition, par votre fidélité, passionnés par l’histoire de la Bretagne, sa culture multiforme, sa, ses musiques traditionnelles ou actuelles, portées, notamment, au-delà des festoù-noz et de la scène, par d’abondantes et fort variées productions discographiques, en majeure partie, éditées et/ou distribuées par quelques très actifs labels armoricains, voici une publication qui va, sans nul doute, vous séduire, vous capter et vous combler ! En quelques mots, voici un livre qui vous concerne !
Rappelant à notre, votre mémoire, la création de la toute première maison de production de disques installée en Bretagne, publié par l’association DASTUM Bro Dreger, son auteur Gilles KERMARC nous a très finement concocté un substantiel et fort précis ouvrage qui, véritable gisement d’informations, fera, indiscutablement, date dans le milieu de l’édition documentaire et musicologique.
Titré« Mouez Breiz - L’invention du disque breton », d’excellente facture, ses 100 pages à la texture quelque peu glacée, très abondamment et qualitativement illustrées, de surcroît, assorti d’un disque vinyle Super 45 Tours microsillon collector, « griffé Mouez Breiz » et gravé de 4 titres, très scrupuleusement choisis par l’auteur désireux, et ce n’était pas aisé, de tenter de représenter, du moins quelques aspects marquants du catalogue, ce livre au format carré 21cm X 21 cm qui, bien évidemment, rappelle celui des pochettes de disques, est, aussi, un très bel objet.
Nous, qui, au sein de nos chroniques discographiques, consacrons, très fréquemment, quelques lignes à l’aspect technique de l’enregistrement et, amoureux de « l’objet Album » plus que de l’insipide fichier numérique à télécharger ou « streamer », à l’aspect photographique et graphique des jaquettes des Compacts-Discs que nous vous présentons, vous retrouverez, également, au cours des riches feuillets élaborés par Gilles KERMARC, cette double approche de fond et de forme qui, crescendo, au fil des années, préoccupait, aussi, Hermann WOLF, créateur de la quimpéroise maison « Mouez Breiz » (La voix de la Bretagne).
En effet, de l’empirique enregistreur à fil métallique au magnétophone à bandes, du 78 tours aux 45 tours et 33 tours microsillon, voire musicassettes, des simples enveloppes protectrices en papier évidées à l’endroit apparent de l’étiquette de la cire gravée contenue, aux pochettes illustrées par de talentueux artistes, éléments qui marquent certes, une production technique inégale, mais tellement patrimoniale, il y a eu, incontestablement entre 1950, année de création et 1976, année de cessation d’activité, une constante recherche d’amélioration du contenu et du contenant, de la part de ce passionné de musique bretonne.
Comment ce livre « Mouez Breiz - L’invention du disque breton » est-il né ?
D’une démarche toute personnelle de Gilles KERMARC qui connaissait, dès l’enfance, certains disques publiés par Mouez-Breiz, puisqu’en son milieu familial, on en possédait quelques-uns et qu’il en avait, par la suite, lui-même, acquis une dizaine.
Un jour, il s’est demandé quelle était la nature de ce pionnier éditeur discographique breton et combien de disques avaient été produits par cette maison quimpéroise.
L’auteur a commencé à amasser des enregistrements, en se demandant qui était ce « H WOLF » qui signait tous ses disques de la mention « Collection HF » ? Il fut, alors, surpris d’apprendre que, déjà, de consonance allemande, le prénom de WOLF, était… Hermann, d’autant, qu’après primes recherches, cet apparent germanique WOLF était, en fait, un pur Quimpérois, puisque né, en cette ville, en 1904.
En réponse à sa deuxième interrogation, l’auteur apprenait que, près de 300 disques avaient été édités par ce que l’on n’appelait pas encore, label.
Entre 1950 et 1976, la production finale de « Mouez Breiz » sera évaluée à 1 600 titres, immortalisés sur cires, sur vinyles et quelques cassettes, allant des messes bretonnes en Pays Bigouden aux SOEURS GOADEC, en passant par la finale du Festival des Cornemuses, en 1961 ou, aux côtés d’Armand HAAS ou d’Andrée LE GOUIL, les tout premiers enregistrements, à la harpe celtique, d’un certain COCHEVELOU devenu… STIVELL !
L’ironie de l’histoire veut que l’aventure « Mouez Breiz », menée, alors, par le fils Jean WOLF, se soit, précisément, achevée, après le décès d’Hermann WOLF en août 1976… en pleine vague post-STIVELL ! Vous en découvrirez, techniquement et commercialement, les diverses causes…
Hermann WOLF est issu d’une famille de musiciens.
Son grand-père qui, lui, de nationalité allemande, vivant, principalement, en Suisse, était un scientifique botaniste, mais aussi, organiste.
Le père qui se prénommait, aussi, Hermann était facteur d’orgue. Après des apprentissages, notamment, chez le célèbre Aristide CAVAILLE COLL, à Paris et Louis DEBIERRE, à Nantes, il s’installe à Quimper, à la toute fin du XIXe siècle.
Tout en poursuivant son activité de facteur d’orgue qu’il abandonnera vers 1910, Hermann-père avait créé, à Quimper, place Saint-Corentin, un magasin de musique où il vendait des instruments et des partitions, mais aussi, très rapidement, des disques.
Poursuivant ces mêmes activités, Hermann-junior a pris sa succession en 1926 et, d’une part, très intéressé par les techniques du son, d’enregistrement et de gravure et d’autre part, étant disquaire dans une ville, après la seconde guerre mondiale, devenue très touristique, devant répondre à des demandes croissantes émanant des amateurs de musique bretonne et des estivants, alors que l’offre du moment était limitée, sonorisant les Fêtes de Cornouaille qui avaient repris en 1947, à ce titre, très bien introduit dans le milieu musical breton, avec, entre autres, pour connaissances, Bernard DE PARADES, Loeiz ROPARS, Pierre HELIAS, Polig MONJARRET, il décida de créer Mouez Breiz.
Vers 1930, il transférera son activité, rue Astor, près des halles Saint-François, de Quimper.
Par cet ouvrage, Gilles KERMATC souligne, aussi, que bien avant le grand revival du début des années 70 dont la figure de proue restera Alan STIVELL, dès l’immédiat après-guerre, il y a eu un certain renouveau de la musique bretonne avec, bien sûr, la spectaculaire naissance et prolifération des bagadoù, mais aussi avec des interprétations réussies de la musique bretonne, hors bombarde et biniou, par exemple, en piano/voix, chant/harpe, chant/guitare. Nous sommes déjà, échappant au pur traditionnel, en présence d’une musique bretonne « moderne ».
Bien qu’un peu oubliée, cette renaissance des années 50, accompagnée par Mouez Breiz est assez notable et c’est ce qui fait, notamment, l’une des originalités de sa production discographique.
Pour la réalisation de ce livre, « Mouez Breiz - L’invention du disque breton », le journaliste et auteur Gilles KERMARC a interrogé des compositeurs, des musiciens et… des illustrateurs, dont l’un des principaux, en ces temps passés, étudiant quimpérois des Beaux-Arts, Mikel CHAUSSEPIED, puisque, et c’est une autre originalité de « Mouez Breiz », à l’époque où la plupart des pochettes étaient couramment illustrées par des photos de l’artiste ou de paysages, Hermann WOLF a confié à des artistes confirmés ou émergeants, le soin d’illustrer certaines pochettes.
Les musiciens ayant enregistré des disques, ou pour ceux qui ont disparu, leurs proches, interrogés par l’auteur, saluent unanimement le travail qu’Hermann WOLF a, dans un contexte de choix de ce style de musique, très réduit chez les disquaires de l’époque, entrepris pour la musique bretonne.
Au-delà d’enregistrements de chorales, sonneurs et chanteurs traditionnels exécutés par des artistes nés au début du XXe siècle, voire fin XIXe, de contes et de textes littéraires (Per-Jakez HELIAS, Anatole LE BRAZ, Tristan CORBIERE), d’enregistrements de fêtes bretonnes, Hermann WOLF a révélé des jeunes pratiquants de bagadoù ou de jeunes chanteurs et chanteuses comme Zaïg MONJARRET, Andrée LE GOUIL, Eliane PRONOST.
Client d’Eddy BARCLAY, premier producteur, en France, de disques microsillon, format né aux Etats-Unis qui permettait, sur un même disque, de, plus que tripler, l’espace d’enregistrement, jusque-là, disponible sur les 78 tours, Hermann WOLF, toujours à la pointe du progrès, a décidé de produire, lui-même, des microsillons 17cm, 45 et 33 tours, atteignant, après quelques primes éditions de moyenne facture, au cours des années 1954,1955, une grande réussite.
Le premier 45 tours microsillon (Réf 4501), intitulé « Suite bretonne en forme de messe basse », interprété par l’organiste titulaire des grandes orgues de Saint Corentin, Gérard PONDAVEN, est paru en 1955.
Le premier 33 tours microsillon 25cm (Réf 3301), intitulé « Zaïg chante la Bretagne », avec Zaïg MONJARRET, au chant, Gérard PONDAVEN, à l’orgue et au piano, est paru en 1953.
Il faudra attendre 1961 pour voir au catalogue, les 33 tous 30 cm et 1966, 3 disques 33 tours 17 cm.
Il est, aussi, à noter que le catalogue des disques « Mouez Breiz » n’est pas, exclusivement, quimpérois, puisque les artistes enregistrés étaient originaires de toute la Bretagne, sans oublier ceux des autres pays celtiques, notamment, d’Écosse et d’Irlande.
On peut constater sur nombre de 45 tours estampillés « Mouez Breiz », la présence récurrente d’une angulaire frise celtique bicolore, signée « Polig », comme… Polig MONTJARRET, son concepteur et dessinateur. Déclinée, pour chaque série, en « duos colorés » différents, c’est, en quelque sorte, la signature graphique d’un label avant l’heure !
A présent, nous vous proposons, afin de vous faire une idée globale du contenu et des sujets abordés, au cours de ce beau et bon livre, autant « policier », « reportage », qu’« encyclopédique », tant il est plaisant à dévorer, en vous précisant, ce qui peut manquer à celui-ci, sa table des matières.
- Hermann WOLF et les disques Mouez Breiz.
- Le disque breton avant Mouez Breiz.
- Les débuts de Mouez Breiz.
- Les 78 Tours.
- Les microsillons.
- Les années Mouez Breiz.
- Quelques interprètes.
- Armand HAAS.
- Yvon et Madalen LE MARC’HADOUR.
- Robert PERRIN.
- Alan STIVELL.
- Martial PEZENNEC.
- Jef PHILIPPE.
- Eliane PRONOST.
- Gérard PONDAVEN.
- François LE VRIS.
- Loeiz ROPARS.
- Polig et Zaïg MONJARRET.
- Andrée LE GOUIL.
- Michel MAGNE.
- André MAURICE.
- Annick GRUBER-VOZL.
- Les pochettes.
- Les illustrateurs.
- Mikel CHAUSSEPIED.
- Moarch EVENO.
- Textes fouillés et signatures prestigieuses.
- Après Mouez Breiz.
- Catalogue de disques Mouez Breiz (1950-1975).
- La numérotation des disques.
- Les 78 tours.
- Les 45 tours.
- Les 33 tours 17 cm.
- Les 33 tours 30 cm.
Cet ouvrage étant une véritable « bible », nous aurions souhaité ajouter à cette liste, pour ponctuellement, s’y référer, la présence, en fin de publication, d’un index des noms cités. Peut-être, comme pour la table des matières, un judicieux ajout à envisager pour une prochaine réédition que, par franc succès, nous souhaitons, vivement, à l’auteur et à son éditeur, DASTUM Bro-Dreger, via Julien CORNIC.
Tous ces chapitres sont très abondamment illustrés, en noir et blanc et couleurs, en larges vignettes ou en pleine page, par des reproductions de clichés d’époque, particulièrement soignées, bien entendu, de pochettes de disques, mais, aussi, ça et là, des façades des magasins WOLF, d’encarts publicitaires parus dans la presse, de photos d’artistes et de sommités du milieu culturel et musical breton, de vues des Fêtes de Cornouaille, de bagadoù, de couples de sonneurs…
Il serait exagéré de dire que « Mouez Breiz » ait une grande influence sur la musique bretonne d’aujourd’hui, mais certains interprètes et groupes actuels peuvent, ponctuellement, y puiser leur inspiration, en se référant à quelques morceaux du catalogue, notamment, à ceux réédités, avec franc succès (26 CD) par un label quimpérois, fondé en 1978, par le sonneur Hervé LE MEUR, Keltia Musique, maison de production et de distribution discographiques, depuis 2016, disparue.
« Mouez-Breiz » demeurera un patrimoine unique sur la mémoire sonore de Bretagne.
Comme nous vous le mentionnions, dès le début de notre chronique, il y a, dans ce livre, au cœur de chaque chapitre, chaque page, chaque paragraphe, chaque phrase, une mine d’informations, de références, voire d’anecdotes qui transcrivent, aussi, la vie culturelle, musicale ou du quotidien lié à chaque époque s’étirant sur plus d’un quart de siècle, magnifiquement portés par le style, précis, concis, limpide, pédagogique, on le ressent, passionné, de Gilles KERMARC. Il sait aborder tous les aspects de cette belle et marquante épopée qui a imprégné l’histoire discographique bretonne, voire hexagonale qui se poursuit, aujourd’hui, on le sait, avec certaines difficultés commerciales.
Notamment, en vente sur les sites Internet DASTUM (Voir site) , COOP BREIZH (Voir site) et, plus largement, sur les plateformes culturelles des grandes librairies et de la grande distribution, à fortiori disponible, à la commande, chez votre libraire de proximité préféré, amoureux de la Bretagne, de sa culture, de sa musique, des personnages qui portent, au fil du temps, ses racines jusqu’à nos jours, procurez-vous, au plus vite, ce passionnant livre, parfaitement documenté et écrit avec style, grande connaissance et passion communicative.
Notez bien, Gilles KERMARC : « Mouez Breiz - L’invention du disque breton » !
Gérard SIMON
Illustration de la page : Andrée LE GOUIL et Alan COCHEVELOU «Ar Sorserez» - (Source disque Mouez Breizh n¨4598).- (Extrait de 01:08).
D'autres extraits sonores sur Culture et celtie, l'e-MAGazine (Voir site)
Les titres du Super 45 Tours microsillon joint au livre «Mouez Breiz - L'invention du disque breton», de Gilles KERMARC :
Face A
01 - Ar Sorserez - Andrée LE GOUIL et Alan COCHEVELOU (Source disque Mouez Breizh n¨4598) - 03:10 .
02 - Polka piked - Etienne. RIVOALLAN et Georges CADOUDAL (Source disque Mouez Breizh n¨4563) - 01:53 .
Face B
Pach-pi - Louis ROPARS et Catherine GUERN (Source disque Mouez Breizh n¨45111) - 01:09.
Le casino des trépassés - KANERIEN BRO LEON et André MAURICE (Source disque Mouez Breizh n¨3309) 02:35 .
Surpris par quelques notations temporelles «fantaisistes» mentionnées sur la dernière page du livre (comme 01:92 ?? et 01:63 ??), nous avons re-chronométré les morceaux enregistrés. Dommage que ces «coquilles», par ailleurs, bien pardonnables, n'aient pas été imprimées, ainsi, sur l'étiquette du 45 tours microsillon joint, car, comme en philatélie, cela aurait ajouté à son côté «Collector».
Livre «Mouez Breiz - L'invention du disque breton» de Gilles KERMARC.
Parution : septembre 2023.
Livre relié 100 pages + Vinyle 45 tours 4 titres.
Edition : DASTUM Bro-dreger. (Voir site)
Distribution : COOP BREIZH. (Voir site)
EAN : 99782955477410 - Référence : 547741.
© Culture et Celtie
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