Cet article constitue le troisième volet d'une réflexion sur l'interprétation des signes gravés du menhir de Saint-Samson-sur-Rance, celui d'un chemin des morts (2).
Parmi les signes gravés répertoriés par les archéologues sur la pierre de Saint-Samson se trouvent ceux de la crosse ou lituus, la hache emmanchée, un aviron de gouverne, des formes quadrangulaires, des animaux domestiques (bovin -auroch, bœuf-, caprin -bélier-) et sauvages (suidé -sanglier-, cervidé - cerf ou élan - et peut-être un cétacé) (3)
La stèle de Saint-Samson propose un agencement des symboles qui se raconte comme une histoire. Le récit débute sur la face nord de la stèle et se termine à l’Est. Il oppose la Terre, identifiable aux formes quadrangulaires de la base du menhir et le Ciel, au sommet. Les haches emmanchées stylisées (signes de la haches emmanchée et de la crosse ou «lituus») délimitent un diagramme ou «templum» (« temple du ciel ») (4) qui circonscrit l'espace sauvage des territoires appropriés, vécus par les sociétés du néolithique. Les formes des parcelles sont modifiées à la hauteur des haches emmanchées stylisées. Elles semblent indiquer un changement d’état, comme s’il s’agissait de soustraire cet espace du territoire habité.
Sur le diagramme sont disposées cinq barques. Le trajet des barques semble décrire une diagonale, un chemin qui serpente du nord au sud, de la terre au ciel, passant par la figure du cétacé, « la chose » ou constellation, sorte de chemin céleste ou chemin des morts. La première barque est située dans la partie inférieure du menhir, associée aux parcelles quadrangulaires, face Nord. La seconde sur la face Ouest est intégrée au diagramme, elle est associée à une forme quadrangulaire déformée et un oiseau pour souligner son envol ou le voyage. Dans son prolongement vers le Nord se trouve une troisième barque. Elle conduit à la suivante qui a la particularité d’être double. La double barque est associée à un point qui peut être un astre lumineux (une étoile) ou un point focal. Elle se situe au niveau de la « chose » (5), l'astre (6) ou le cétacé. Sur la face suivante Sud du menhir, se trouve dans la partie supérieure, une nouvelle barque dont le symbole de la croix, inventorié ailleurs, par les archéologues indique qu’il s’agit d’un homme. Cette barque se situe au même niveau que celle de la dernière face, côté Est. Plus grande, dans la partie supérieure du menhir, elle est une barque céleste.
La représentation du diagramme liée à des barques est proche de celles du dolmen de Kercado, au sud des alignements de Kermario, à Carnac (7). Si les traits ont fait songer longtemps à « des filets de pêcheurs, à des plans cadastraux, à des jeux de marelles, sans convaincre personne...» (8), l'hypothèse de diagrammes territoriaux arrimant Terre et Ciel paraît en effet plus plausible. Les traits gravés entrecroisés en ligne de certaines stèles (R3, R4) du couloir sont présentés avec des barques et des crosses qui conduisent à la dalle centrale de la chambre (P6), représentant, la chose, le « cétacé » (9). Sur la stèle R4, des formes quadrangulaires se promènent avec les barques. Le premier signe quadrangulaire, à gauche est associé à 5 traits verticaux. Il est mis en relation avec une première barque, représentée par un aviron de gouverne qui croise un signe de la crosse. Sur la barque sont gravés 4 traits verticaux, interprétés par les archéologues comme un équipage embarqué. La barque est contiguë d'une seconde de 3 traits verticaux dont l'aviron en forme de crosse indique un stade supérieur, supra marin, l'au-delà, océan primordial. Un second symbole quadrangulaire est à sa droite... Les chiffres de 5 a 3 indiquent proposent un discours narratif, celui d'un cheminement ou d'une voie à suivre, comme la barque céleste de Saint-Samson.
Tout aussi fascinante, la stèle Men Bronzo à Locmariaquer associe le signe de la crosse a un « oiseau augural » (10) dont le relevé par Serge Cassen et Valentin Grimaud plaide en faveur d'un « corvidé, probablement un corbeau ou une corneille » (11). Cet oiseau « le plus valorisé de l'univers mythologique celte », présent dans les légendes de fondation de Lyon et Londres (12) est comparable aux vautours, de la légende de fondation de Rome avec Romulus et Rémus, héritée des Étrusques. Comme le rappelle Michel Pastoureau, le corbeau est l’oiseau de prédilection de la divination dans les mythologies antiques : « Nombreuses furent en Europe les sociétés anciennes qui ont vénéré le corbeau. Il était l’oiseau solaire par excellence, le créateur du monde, le messager des dieux, le guide des âmes dans les ténèbres, celui qui voyait tout, entendait tout, présageait tout. Il passait en outre pour l’ancêtre de certains peuples et, à ce titre, faisait l’objet de différentes cultes, rites, interdits ou pratiques fétichistes. En Europe, les mythologies portent la trace de cet ancien statut primordial de l’oiseau, et ce, aussi bien chez les Celtes et chez les Slaves, que les Germains » (13). Lointain écho probable de ces traditions, le cri des corbeaux était perçu en Bretagne comme un présage de la mort : « marv, marv, marv » («mort, mort, mort») (14).
Les menhirs sont des pierres longues, (en breton «maen» « pierre » et «hir» longue) dressées («peulvan» ou «peulven») vers le ciel. Certains des symboles du menhir de Saint-Samson ont une dimension céleste, cosmique. Comme dans l'Antiquité égyptienne, il y a 4000 ans, l'au-delà représente « le lieu traversé par l’astre solaire quand il disparaît derrière l’horizon » (15) ; Les morts se repèrent par rapport aux étoiles. Le symbole du serpentiforme que l'on a longtemps imaginé comme un culte du serpent ne traduirait-il pas alors, comme la pierre de Saint-Samson semble l'indiquer, une sorte de chemin des étoiles ou chemin des morts, exprimé de façon symbolique ? Un peu comme un panneau de circulation signalant des voies dangereuses, la symbolique du serpentiforme indiquerait la voie à suivre, soit comme un avertissement ou une rupture de seuil. Dans l'alignement de Kermario, le géant du Manio, - le menhir plus haut des files (de près de 4 mètres) - est orné à la base de cinq signes de serpent, placés à la verticale avec un dépôt de cinq haches polies, disposées aussi verticalement, talon, en bas et tranchant, vers le haut (16). Ce n'est pas un hasard, non plus si le signe du serpent est gravé verticalement vers le ciel surmonté du signe de la crosse ou du «lituus» sur le menhir de la Bretellière. L'étude récente de Stefan Maeder publiée dans le bulletin de la société archéologique du Finistère en 2022 suggère même que la représentation du signe du cachalot, le cétacé ou « la chose » pourrait être une constellation, celle des étoiles les plus brillantes autour du pôle (17). Comme animal, le serpent pouvait aussi exprimer la médiation entre le monde terrestre et le monde sous-terrain, l'au-delà. Il pouvait aussi exprimer la médiation entre le monde terrestre et le monde sous-terrain, l'au-delà. Le voyage des défunts, la barque sacrée - référence à la course du soleil -, le ciel et les mondes sous-terrain sont aussi les invariants des mythes de l'Antiquité égyptienne. Ainsi, le dieu Rê voyageait chaque jour à travers le ciel dans sa barque sacrée (parcours du Soleil, d'est en ouest), et chaque nuit, dans les mondes souterrains, la « Douât » (d'ouest en est).
De la même façon, l'orientation des alignements à Carnac suit imparfaitement la course de la lumière d'est en ouest, comme une ondulation dans le paysage vécu et approprié par ces sociétés. Elle apparaît déjà clairement dans le relevé de 1832 de Murray Vicars, considéré comme le premier plan général des mégalithes de la région de Carnac. La trajectoire est-ouest des files de monolithes devient en effet vite « spécieuse » dès que l'on entre dans le détail des calculs astronomiques (18). Les files de menhirs épousent les formes du relief. Elles dévalent les pentes à travers champs, escaladent les versants et reliefs. Cette barrière minérale des alignements de menhirs offrait, sans aucun doute, une limite immédiatement perceptible dans le paysage, une rupture ontologique pour ces sociétés. C'est le cas encore aujourd'hui, entre le littoral et l'intérieur des terres à Carnac. Le concept de la « stèle seuil » partagé par certains archéologues, dont Serge Cassen souligne qu'en en deçà et au-delà des alignements de menhirs deux mondes distincts pouvaient être établis (19). La proximité des tumulus inscrit les alignements de menhirs dans le cycle de la vie et de la mort. Aubrey Burl a proposé de voir dans certaines paires de files privilégiées des alignements des allées ou des voies processionnelles reliées aux enceintes de pierres (20).
La découverte dans ces enceintes, notamment à Er-Lannic, de « foyers, de caissons à ossements et d'une série de fragments de «coupes à socle»- brûle parfum - » peut supposer que des cérémonies rituelles s'y déroulaient (21). L'ambiance est clairement celle de « sanctuaires » (22). Ces enceintes étaient placées sur des points hauts du territoire d'où se détachaient les lignes de menhirs vers l'horizon, où l’on pouvait apercevoir le coucher du soleil sur la mer. Le tracé sinueux des alignements, moins que le dessin d'un serpent, ne traduirait-il pas, alors un chemin symbolique, une voie processionnelle, sorte de chemin des morts, où l'effacement du soleil à l'horizon permettait de se relier dans l'au-delà, perçu comme un océan primordial? Le passage était déterminé par le dessin d'un diagramme, le «templum» (« temple du ciel »), porte d'accès à l'univers, le macrocosme. Le récit de la pierre de Saint-Samson en propose le déroulé.
L'interprétation de certaines stèles traditionnellement assimilées à des idoles, sur le modèle des statues menhirs du sud de la France pourraient-elles également revêtir une autre signification dans le contexte atlantique ? Serge Cassen a dit toutes les réserves qu'il y avait à considérer les idoles en forme d'écusson comme des statues anthropomorphes dans le contexte atlantique : « La tendance moderne à voir une représentation anthropomorphe dans tous les menhirs de l'Ouest de l'Europe nous paraît très critiquable. Ce penchant pour l'anthropomorphisme semble une conséquence du mode de fonctionnement de notre système cognitif et nous imaginons des agents à forme humaine parce que la personne humaine est plus complexe que les autres types d'objets, et nos processus cognitifs retirent autant d'informations pertinentes que possible de l'environnement afin de produire le maximum d'inférences » (23) ; « C’est en 1910 que Luquet introduit de manière définitive - mais anecdotique à l’échelle de son article - le thème de la «marmite», qui aura la vie dure tout au long du XXe siècle, pour informer la forme d’une déesse (24) ; seulement, il combat, par cette analogie se voulant ironique, les thèses de Déchelette qui ne voit là rien d’autre qu’un bouclier. Le premier auteur suppose plutôt une «dégénérescence stylisée de figure humaine» dont le bouton supérieur est la tête, simplification du corps humain entier, féminin. En sorte que l’étranglement est celui du buste au-dessous des seins tandis que les «anses» sont les bras. Ces bras, on le sait, seront interprétés comme des oreilles beaucoup plus tard » (25).
Le symbole de l'écusson donné comme une idole a la forme du cercle de pierres de Kergognan, sur l'Île-aux-Moines. Celui du dolmen des Pierres-Plates à Locmariaquer est composé de deux signes de la crosse, tête vers le haut qui convergent vers un axe central, vertical. Replié dans sa symétrie, il apparaît tel une barque céleste entourée de points lumineux figurant des astres solaires. Les vagues sont déroulées à la façon d'oiseaux aux ailes déployées, comme une interface pour accéder dans l'au-delà. Cette figuration est très proche de celle de Corn er Houët à Caurel dans les Côtes-d'Armor, construite là aussi, autour des deux signes de la crosse, disposés selon un axe symétrique. Traditionnellement aussi perçue comme un signe de l'écusson, la stèle de Mané er Hroëck à Locmariaquer attire l'attention par l'envol d'oiseaux et de signes de de la crosse. L'écusson est entouré d'une forêt de haches emmanchées et de signes de la crosse qui semblent l'emporter vers le ciel.
Si le sentiment du sacré n'est pas nécessairement la religion, à l'évidence le développement de la pensée symbolique et des mythes traduit déjà une forme de spiritualité. Les mythes étiologiques de fondation racontent le monde. Ils organisent le cosmos, proposent un discours des origines, en interrogeant l'au-delà, avant et après autant qu'ils légitiment les élites en place. Toujours selon cette lecture, les figures traditionnellement à des seins ne seraient-elles pas, aussi, des astres, soit une possible course du soleil avec la représentation en forme de torque, soit le soleil et la lune selon le rite de contemplation étrusque (26) ? Cela expliquerait la présence de barques inexpliquée, à proximité. Ainsi que l'ont relevé les archéologues, « le jeu des correspondances structurales associant la hache emmanchée stylisée, une forme quadrangulaire et un croissant, celui de la barque » (27) est incontestable. Ils se réfèrent à trois dimensions : terrestre (carré), céleste (hache emmanchée stylisée) et cosmique (la barque). C’est le cas par exemple de Spézet (carré, barque et hache stylisée), le Vieux-Moulin (carré et barque), la Table des Marchands (carré, barque et double voûte), Kermaillard (carré et cercle), Portela de Mogos 25 (carré et barque), Vale Maria do Meio 18 (carré, barque). Comment lire encore la stèle de Buthiers de la Vallée aux Noirs (Seine-et-Marne) ? S'agit-il là encore de l'idole à la façon des statues anthropomorphes méditerranéennes ou d’une projection, sorte de carte pour l’au-delà, voire des deux à la fois ? Comme une mécanique des symboles, les trois symboles sont représentés, cette fois, surdimensionnés : à gauche, une immense hache stylisée, au centre, la forme quadrangulaire et à droite, la barque (28). La partie inférieure représente un menhir inversé, avec des racines qui le relie à la Terre. A l’opposé, vers le ciel siège celle qui est souvent donnée comme « un motif anthropomorphe » (29) ou une idole. Le corps de l’idole est un carré qui renvoie au territoire, sacré ou non. La tête a une forme semi-circulaire. Le dessin des yeux et de la bouche rappelle ceux des astres, la course du soleil, peut-être aussi la lune, le soleil et le torque de la voûte céleste. Le sommet du crâne de « l’idole » a la forme d'une flèche ou l'envol d'un oiseau pour indiquer la direction à suivre, vers le ciel. La « barbe » (30) a des figurés linéaires qui convergent vers la tête, à la façon des alignements attachés aux cercles de pierres. Enfin les signes plumes (31) ou les cheveux de l’idole, aux formes ondulatoires sont traités à la façon de vagues. Ils ouvrent sur l’au-delà, comme un océan primordial. Confirmation du jeu de ces symboles, les gravures de la barque et de la forme quadrangulaire de Kermaillard à Sarzeau sont liées à des formes ondulatoires, à la façon des cheveux ou de lignes de stèles, au sommet du menhir.
Ainsi, les signes gravés de Locmariaquer avec le Grand menhir, ceux Mané Lud et de Kercado à Carnac ou de Buthiers en Seine-et-Marne, et un peu partout les autres dans le contexte atlantique, parfois à plusieurs centaines de kilomètres de distance racontent la même histoire que la pierre de Saint-Samson. Cette histoire est celle que se représentent les sociétés néolithiques de l'au-delà. Une telle projection plaçait la question de la territorialisation ici-bas et dans l'au-delà au cœur les représentations des sociétés néolithiques. L'au-delà était un nouveau territoire à défricher, la hache emmanchée stylisée, son instrument de prédilection (32). L’enjeu était la fondation, voire la refondation ( les deux cercles de pierres conjoints de Er-Lannic) des territoires habités par les communautés du néolithique. Le but était d'arrimer le Ciel à la Terre, comme dans les mythes étiologiques de l'Antiquité (33).
(1) EVIN, Florence, « Les signes, support des mythes », Hors-Série Le Monde, mai 2017, p.38-39
(2) GENDRY Mickaël, « Et si les mégalithes se racontaient ? Le menhir de Saint-Samson, «pierre de Rosette» du néolithique ? » , site ABP, publié le 2/07/23 ; lien (https://abp.bzh/et-si-les-megalithes-se-racontaient-le-menhir-de-la--58029) : ; Id. « Mais à quoi servaient les haches emmanchées stylisées du néolithique ? » , site ABP, publié le 9/07/23 ; lien : (https://abp.bzh/mais-a-quoi-servaient-les-haches-emmanchees-stylise-58076)
(3) CASSEN, Serge, GRIMAUD, Valentin, « La clef de la mer. Une étude des représentations gravées sur la Pierre de Saint-Samson (Côtes-d'Armor) », Laboratoire de recherche archéologie et architectures, 2020.
(4) Dans l'Antiquité, les augures étrusques utilisaient le lituus pour délimiter dans le ciel – ou le découper –, un diagramme : le templum (« temple du ciel ») afin de légitimer une fondation (un sanctuaire, une ville), en préciser l’implantation et l’orientation. La figure céleste quadrangulaire du templum était perçue comme un miroir du monde. La crosse traditionnellement interprétée comme bâton de berger a la forme du « lituus » étrusque, arme de jet et insigne royal puis instrument des augures, que l’on retrouve aussi dans la Grèce antique avec le « lagobolon », sorte de boomerang pour la chasse rituelle ou en Egypte avec le sceptre (heqat) des Pharaons ou les bâtons de jet (âmâat) pour chasser les oiseaux des marais. La crosse, arme de jet permettait de chasser les animaux, le lituus, son évolution symbolique sous forme d'insigne, de capter un espace, l'indicible.
(5) MASSON MOUREY Jules, « Call them « sperm whale» ? », International Newsletter on Rock Art, n°90, 2021, p. 16-20 ; Traduction en ligne sur le site du Laboratoire Méditerranéen de Préhistoire Europe Afrique : Appelez-les «cachalot» ?
(6) MAEDER, Stefan, « La voilà qui (ne) souffle (pas) Gravures néolithiques près du Moulin de Keriolet à Beuzec-Cap-Sizun », Finistère », Société Archéologique du Finistère, t.CXLIX, 2021, p.23.
(7) CASSEN, Serge, GRIMAUD, Valentin et PAITIER, Hervé, « Les monolithes gravés dans la tombe à couloir néolithique du Mané er Groez à Kercado (Carnac, Morbihan) », Gallia Préhistoire [En ligne], 58 | 2018, mis en ligne le 04 octobre 2018, consulté le 03 août 2023. URL : ; DOI :
(8) BAILLOUD, Gérard, BOUJOT, Christine, CASSEN, Serge, LE ROUX, Charles-Tanguy, Carnac, les premières architectures de pierres, CNRS éd., Paris, 2009, p 105.
(9) CASSEN, Serge, GRIMAUD, Valentin et PAITIER, Hervé, « Les monolithes gravés dans la tombe à couloir néolithique du Mané er Groez à Kercado (Carnac, Morbihan) », id.
(10) CASSEN, Serge, GRIMAUD, Valentin « Résolution d'un signe (2). La stèle Men Bronzo à Locmariaquer (Morbihan) à la lumière du vase Cerny de Belloy-sur-Somme », dans Denaire, A et al. (dir.), Mélanges offerts à Christian Jeunesse, AVAGE, Strasbourg (Mémoires d'Archéologie du Grand Est 8), p. 354.
(11) Id.
(12) Id.
(13) PASTOURAU, Michel, Le corbeau, une histoire culturelle, Paris, éd. du Seuil, 2021, p17.
(14) GIRAUDON, Daniel, Sur les chemins de l'Ankou, éd. Yoran Embanner, Fouesnant, 2012, p.133.
(15) VOLOUKHINE, Youri, « De la Douât à l'Hadès, comment l'Antiquité se représente-t-elle l'au-delà ? », Podcast Radio France, épisode 3/4, mai 2019.
(16) BOUJOT Christine VIGIER Emmanuelle, Carnac et ses environs. Architectures mégalithes, éd. du Patrimoine, collection : Guides archéologiques de France, p 74
(17) MAEDER, Stefan, « La voilà qui (ne) souffle (pas) Gravures néolithiques près du Moulin de Keriolet à Beuzec-Cap-Sizun », Finistère », Société Archéologique du Finistère, t.CXLIX, 2021, p.23.
(18) BAILLOUD, Gérard, BOUJOT, Christine, CASSEN, Serge, LE ROUX, Charles-Tanguy, Carnac, les premières architectures de pierres, CNRS éd., Paris, 2009, p 64.
(19) CASSEN, Serge TINEVEZ, Jean-Yves, Les mégalithes de Locmariaquer« p. 32
(20) BURL , Aubrey, »Guide des dolmens et menhirs bretons«. Paris, éd. Errance, 1987.
(21) BAILLOUD, Gérard, BOUJOT, Christine, CASSEN, Serge, LE ROUX, Charles-Tanguy, Carnac, les premières architectures de pierres, CNRS éd., Paris, 2009, p.81.
(22) Idem
(23) CASSEN, Serge, « Sites de passage. Le modèle carnacois des pierres dressées à l'épreuve des steppes et des légendes », Guillaume Robin, André D’Anna, Aurore Schmitt & Maxence Bailly. Fonctions, utilisations et représentations de l'espace dans les sépultures monumentales du Néolithique européen / Functions, uses and representations of space in the monumental graves of Neolithic Europe, Presses Universitaires de Provence, p.358.
(24) LUQUET, Georges-Henri, « Sur la signification des pétroglyphes des mégalithes bretons», Revue de l’École d’anthropologie de Paris, 1910, p. 224.
(25) CASSEN, Serge, « Un pour tous, tous contre un… Symboles, mythe et histoire à travers une stèle morbihannaise du Ve millénaire », in: Pratiques funéraires et sociétés : nouvelles approches en archéologie et en anthropologie sociale : actes du colloque interdisciplinaire de Sens, 12-14 juin 2003, Baray L., Brun P., Testart A. (Dir.), Dijon, Editions universitaires de Dijon, 2007, note 2, p. 61.
(26) Dans la tradition étrusque, la partie gauche (« dextra ») de l'augure, l'Ouest (« pars hostilis, inimica »), était associé à la lune et désignait le secteur néfaste des présages tandis que là droite (« sinistra »), l'Est (« pars familiaris, amica »), du côté du soleil, le côté faste. Le célèbre foie de Plaisance était un reflet du cosmos : « La face convexe du Foie est divisée par une ligne en relief, entre les deux lobes ou fibrae où on lit »usils« à droite et »tivr« ou »tivs« à gauche, c’est-à-dire les noms du soleil et de la lune. On admet donc que chacun des deux lobes correspond à une moitié de l’espace ou du temps et que chaque moitié était considérée comme solaire, lumineuse et favorable et comme lunaire, nocturne et défavorable. Cette structure coïncide avec celle qui commande l’art fulgural, où les seize régions du ciel sont réparties en deux moitiés, de part et d’autre de l’axe Nord-Sud, la gauche, vers l’Est, favorable et la droite, à l’Ouest, défavorable. Cette division peut être mise en rapport avec la distinction de deux parties, une »pars familiaris« et une »pars hostilis« ou »inimica«, dont parle Cicéron », GUITTARD, Charles Guittard, « Les animaux dans l’Etrusca disciplina », Schedae, 2009, p.94.
La représentation de la tête de Buthiers avec les deux cercles et un signe en forme de »v« au dessus rappelle étrangement la découverte en 2022 d'un tambour vieux de 5 000 ans dans une tombe ayant accueilli les ossements de trois enfants en Angleterre dans l’Est du Yorkshire (https://www.maxisciences.com/archeologie/un-tambour-vieux-de-5-000-ans-et-les-ossements-de-3-enfants-enlaces-decouverts-en-angleterre_art46625.html?fbclid=IwAR1Fw0-5bUDelA7w795hiA78YHJqIOBw9O8251g4q9Lo2UyXFI8RVRIprUg). Le symbole du »v« est vraisemblablement un oiseau, les deux cercles, peut-être des astres, soit la course du soleil ou le soleil et la lune. Ainsi interprété le tambour, objet rituel avec les symboles de la lune, du soleil et un oiseau en position d'envol pourrait être considéré comme un viatique funéraire accompagnant les défunts dans l'au-delà. Les signes traditionnellement interprétés comme des seins et d'autres aux oreilles des idoles trouvés sur les stèles néolithiques peuvent aussi faire référence à des astres, course du soleil, soleil et lune, comme reflet du cosmos.
(27) CASSEN, Serge, GRIMAUD, Valentin, LESCOP, Laurent, CADWELL, Duncan, « Le rocher gravé de la Vallée aux Noirs (Buthiers, Seine-et-Marne) », Bulletin du Gersar, 2014, Art Rupestre, 65, p.36.
(28) Idem, p.27-32.
(29) Id. p.32.
(30) Id. p.31.
(31) Id. p.31
(32) GENDRY Mickaël, « Mais à quoi servaient les haches emmanchées stylisées du néolithique ? » , site ABP, publié le 9/07/23 ; lien : (https://abp.bzh/mais-a-quoi-servaient-les-haches-emmanchees-stylise-58076)
(33) En Mésopotamie, certaines pierres de fondation ou bornes frontière (»kudurru«) présentent à leur sommet, deux symboles du soleil entourant la lune et à la base des formes quadrangulaires (cf les Kudurru calcaires ou bornes frontières babyloniens :
GENDRY Mickaël, « Et si les mégalithes se racontaient ? Le menhir de Saint-Samson, »pierre de Rosette« du néolithique ? » , site ABP, publié le 2/07/23 ; lien (https://abp.bzh/et-si-les-megalithes-se-racontaient-le-menhir-de-la--58029) :
L’étude des signes gravés propose un discours narratif, dont la lecture est proche des mythes étiologiques de l’Antiquité. Il est question de territorialisation, de fondation, de rites de contemplation et de consécration, d’accès à l’au-delà et de chemins des morts. La finalité du « process » reste largement méconnue. Un culte dédié à certaines entités ou divinités y était-il associé ? Le sentiment du sacré n'implique pas nécessairement la religion. L’échantillon de monolithes qui rend compte de l’existence d’idoles est insuffisant (une dizaine) et géographiquement limité, à la région de Carnac. Les signes traditionnellement dit de l’écusson en Bretagne ont été interprétés successivement comme symboles de déesses mères, des signes phalliques, voire de culte des ancêtres. Si la représentation anthropomorphe des statues menhirs du sud de la France ne fait guère de doute, ni d’ailleurs celle de Buthiers - qui ne comporte pas de seins -, cela apparaît beaucoup moins évident dans le contexte atlantique. Le concept de déesse-mère ou de matriarcat primitif, afférent au néolithique est aujourd’hui largement mis en cause dans la recherche (cf. par exemple : Jean‐Loïc Le Quellec, « Terre mère, matriarcat, primitifs et autres vieilles lunes », »Des Martiens au Sahara. Deux siècles de fake news archéologiques", 2023, Bordeaux, éditions du Détour, p.291-296). Aucune des statuettes dites de déesses-mères n’a pas été retrouvée près des mégalithes. L’identification des déesse mères par les signes gravés sur les menhirs bretons n’a par ailleurs rien d’évident. Selon l'interprétation qui en est proposée, le demi-cercle, avec un rostre sommital serait la tête, les lignes ondulés, les cheveux, le carré en dessous de la tête, le corps, les cercles au milieu du corps, les oreilles. Tous les symboles présentés comme caractéristiques ne figurent pas sur l’ensemble des stèles si bien que toute tentative de définition d'un archétype se révèle au final très fragile. L’autre alternative de signes phalliques paraît, guère mieux assurée. Outre, qu’elle repose là encore sur un nombre très limité de cas, la description anatomique interroge car elle revient à placer les testicules au milieu de la verge, et de considérer celle-ci comme un carré. Également, la séparation du gland de la verge jugé caractéristique apparaît dans un nombre limité de cas (cinq seulement sur la dizaine recensée : Mané Rutual, Mané er Hroëck, Table des Marchands à Locmariaquer, le Petit Mont à Arzon, Le Moustoir à Carnac). Surtout, la dizaine de stèles considérée comme représentative de ce culte apparaît concurremment avec celles de « la chose », le signe dit du cachalot, également les stèles de crosse avec (Mané er Hroëck) ou sans oiseaux (Table des Marchand), ce qui pose aussi la question des correspondances. La représentation du cosmos, par la combinaison du carré (la Terre) et le cercle (le Ciel), sorte de quadrature du cercle ou interface, entourée d’astres, de vagues pour l'Océan primordial paraît tout aussi vraisemblable. Une telle interprétation permet de combiner tous les signes gravés des menhirs, considérés avant, de façon disparate, aléatoire ou séparée, dans un système global et cohérent de pensée, étendu à l'ensemble des sociétés bordières de l'Atlantique au néolithique.
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C’est là une réflexion intéressante sur cette énigmatique trace du passé.
Je ne peux m’empêcher de penser ici au travail passionnant de l’anthropologue Jean-Loïc Le Quellec, spécialiste des images rupestres.
À l’origine était… la caverne (radiofrance.fr)
S’étant posé la question de savoir pourquoi les hommes du Paléolithique s’obstinaient à peindre/graver profondément dans les grottes, il a émis l’hypothèse que cela pouvait être lié au “grand mythe d’origine”, (“Jean-Loïc Le Quellec, met en œuvre une méthode originale, la “phylomémétique des mythes”, c’est-à-dire l’établissement des liens de parenté entre les mythes du monde par l’analyse de leurs composants. Il démontre qu’un grand mythe de création nourrissait l’ontologie des artistes du Paléolithique : celui de l’émergence primordial, qui s’est rependu sur toute la surface du globe a mesure que Sapiens découvrait de nouveaux territoires”). Selon ce mythe, les hommes et les animaux vivaient au départ sous terre, puis ils sont sortis de la grotte originelle pour se rependre sur la surface du globe.
Dans le cas du menhir de St-Samson, nous n’avons pas à faire à une paroi de grotte comme support, mais cette scène peut tout de même nous faire penser aux entrailles de la terre, avec sa série de galeries. Les petites barques pourraient symboliser le cheminement vers l’extérieur*.
Dans ce mythe, il est aussi dit que l’émergence vers l’air libre est à un moment donné interrompu, certaines versions racontent que la sortie est bloquée à cause d’une femme qui s’est retournée quand elle n’aurait pas du, mais il est aussi souvent question d’un gros animal ou monstre qui bloqua la sortie, le cachalot pourrait être ici l’obstacle. Et peut-être les grandes barques seraient vides puisque les hommes ne pouvaient plus sortir de la grotte…
*Peut-être vers l’intérieur d’ailleurs, car les animaux semblent être positionnés de façon à descendre, et puis les grandes barques vides du dessus pourraient signifier que les hommes les ont quittées pour aller vers l’intérieur de la grotte(?)