Monsieur le ministre
Nous venons d’apprendre dans la presse que le collège de Kerhallet à Brest sera débretonnisé pour prendre l’appellation de Joséphine BAKER, sous réserve de l’approbation de la communauté éducative du collège.
Si nous savons à quel point Joséphine BAKER était une femme exceptionnelle, il n’en reste pas moins que cette substitution d’appellation est une manifestation supplémentaire de la débretonnisation larvée de notre territoire. S’il importe de donner à nos écoles des noms de femmes célèbres, au nom de quoi faudrait-il le faire au préjudice d’une langue minorisée en danger d’extinction?
Faut-il rappeler que l’urbanisation quand elle s'étend sur des parcelles agricoles portant encore des appellation bretonnes millénaires, engendre de nouveaux noms aussi significatifs que « rue des jonquilles » ?
Faut-il rappeler que suite à la loi 3DS relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, toutes les communes de moins de 2000 habitants doivent désormais faciliter la tâche de la Poste en donnant une désignation à chaque voie et lieu-dit ?
C’est un véritable rouleau compresseur qui s’abat sur la Bretagne. Interpellé publiquement sur la débretonnisation du collège de Kerhallet, Mael de Calan, président du Conseil départemental du Finistère en exercice, n’a même pas daigné répondre.
Certes, il ne s’agit que d’un nom de collège mais ce nom-là a l’avantage d’être millénaire et de rappeler aux plus jeunes qu’ils ne viennent pas de nulle part ou de Paris, mais bien de Bretagne. Ce vocable est encore lié étroitement au territoire et à son histoire.
Nous savons, Monsieur le ministre que, de par votre itinéraire personnel, vous êtes extrêmement attaché à la diversité culturelle.
Au lieu de débretonniser ce collège, il faudrait au contraire que les enseignants ouvrent l’esprit des élèves à leur passé, à leur territoire ainsi qu’à l’existence de la langue bretonne. Ils pourraient même songer à l’enseigner dans le cadre d’une filière bilingue. Le multilinguisme est une chance pour tous les élèves, une ouverture à la diversité, au vivre ensemble et un moyen de lutter contre la terrifiante inégalité des chances au sein de la République.
Le fait que le collège de Kerhallet intègre une grande partie de jeunes d’origine étrangère n’est aucunement une justification pour leur cacher l’histoire du territoire où il vivent et l’existence de sa langue singulière.
Notre patrimoine toponymique de Bretagne est en grand danger. Sa préservation rencontre les engagements internationaux de la France qui a signé la Convention de l’Unesco pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel. Les enfants ont le droit d’avoir accès à leur origine culturelle selon la Convention internationale des droits de l’enfant.
Aussi, nous vous demandons, Monsieur le ministre, ainsi qu’à la communauté éducative du collège de Kerhallet, de ne pas substituer, mais d’adjoindre le nom de Joséphine BAKER, à celui de Kerhallet. Ce pourrait être l’occasion d’expliquer aux collégiens l’origine du nom de Kerhallet et de réfléchir à la notion de diversité.
Nous pensons que l’image du collège en sortirait grandie.
Le peuple breton a la mémoire longue et porte en en lui la violence infligée à l’école par la communauté éducative de l’époque durant des générations -le fameux sabot, l’ardoise et les brimades- pour faire de sa langue une langue inférieure et méprisée. Nous vous demandons de ne pas poursuivre dans le mépris.
Joséphine BAKER, femme de cœur et d’exception, n’accepterait pas d’être mêlée à l’entreprise de déshumanisation que constitue la débretonnisation. Elle avait le cœur assez grand pour se trouver aux côtés de François Riou de Kerhallet
Nous nous tenons à votre disposition pour échanger sur ce sujet et rechercher toute solution susceptible de protéger au mieux notre patrimoine culturel.
Pour Koun Breizh Pour l’Institut culturel de Bretagne
Yvon Ollivier Jacky Flippot
■Nous bretons luttons aussi dans la Résistance culturelle pour la sauvegarde de notre identité.