Un récent pamphlet intitulé La France en miettes par un auteur peu connu, Benjamin Morel, maître de conférences à l'Assas, Université plus connue pour ses rejetons d'extrême droite, aux éditions du Cerf peu réputée pour ses publications progressistes. Le proclamé politologue fait l'inventaire des forces centrifuges de l'État Français. Plus qu'un brûlot, une baudruche qui ne pose pas les questions essentielles de son propos : la notion d'État et de Nation, préalable intangible à une diatribe à charge, qui frise le procès en sorcellerie. Une pâle imitation d'un ouvrage déjà daté qui fait se demander qui en est le/la véritable auteur(e). Décryptage.
Le titre est déjà dans le registre négatif. Qui plus est il n'est pas nouveau : nombre d'ouvrages anciens portent déjà ce titre. Il suffit de chercher sur Amazon : au moins quatre références. Quant au contenu, c'est un inventaire à charge, fort utile pour qui veut vider les cadavres dans son propre placard, on en a tous, de son présent militant. Pour une redéfinition de la politique en circuit court, qui apparait d'évidence. Pour tout républicain qui constate au quotidien la déliquescence d'une République devenue bananière, qui a abandonné ses prérogatives régaliennes au profit de la vente des bijoux de famille collectifs. L'ultime conflit social sur la réforme des retraites témoigne de l'usure des usuriers.
Le propos se base sur un inventaire très précis et utile, mais hélas univoque, des origines des mouvements «régionalistes» voire «nationalistes» des périphéries du territoire français. Jamais le terme de «nation» ou d'État n'est analysé. Tout juste une référence à Renan. Même pas Fichte, etc. Tout est vu d'un point de vue essentiellement jacobin qui confond nation, territoire, et Etat, tout en omettant la question militaire qui fit de nombreux morts dans ses diverses guerres de colonisation intérieures, depuis le pseudo Charles Martel aux Cathares à 93 au moins. Une mythologie nationale, un «récit» des origines forgé par Henri Martin et Jules Michelet, avec les mêmes erreurs d'époque chez La Borderie pour la Bretagne. Une analyse épistémologique de l'ensemble pour mieux comprendre l'évolution du langage et des valeurs de référence ? Nouna, que nenni ! Tout en bloc à la manière d'un technicien de «surface» qui veut faire vite...
Aucune remise en cause de cet «état-caserne» basé sur un maillage du territoire hérité de la monarchie. Et développé par son héritier Corse Napoléon. Étrange acceptation d'une géographie diverse, issue de multiples Histoires, qui n'est que le basique «objet du crime» qui se pare d'égalité normative, de fraternité plutôt bourgeoises, et de libertés sous conditions bancaires.
On stigmatise essentiellement quatre «régions» centrifuges : Corse, Pays Basque, Alsace, et... Bretagne. A raison car elles ne sont ni de culture française, ni de l'espace dominé depuis la bataille d'Albi. Et non pas pour leurs ferments de démocraties propres, mais pour leurs nécessités de s'affranchir du rabot dit «républicain», qui n'est au final qu'une volonté théorique de colonisation. Sous prétexte d'universalisme, bien évidemment conçu depuis son propre nombril. L'intérieur d'abord, puis le reste des «colonies». Demandez à Jules Ferry qui trône sur nos écoles alors que Roparz Hémon serait un scandale...
Tout y passe : Stivell, Lebesque, Marchal, Le Drian, Chesnais-Girard, Troadec, Molac, Chartier, l'ICB, le Conseil Culturel, Talamoni, Siméoni, Gaël Briand, l'UDB, Michel Denis, le RPS, Emgann, le Gwenn ha Du, le Bro Gozh, l'Ikuriña, Pascal Paoli, le Rouge et le Noir plus alsacien qu'Henry Beyle dit Stendhal. Et même Le Boulanger ! Et j'en passe. Manque Châteaubriand.
On aimerait rire, mais une telle indigence intellectuelle en face inspire plutôt la peur du binaire de la pensée univoque.
Un salmigondis multiforme de qui serait incapable de faire un salmis de pigeons pour régaler ses convives. Mais pour piéger les pigeons...
Pour la Savoie ou la Franche-Comté, c'est un simple mépris du plouc inoffensif. Atavisme jacobin, quand passeras-tu sur le divan ? En adepte de Dupin, Sherlock, Maigret, Rouletabille, ou Blomkvist, une seule question : à qui profite le crime ? Roger Ackroyd en fait. Au féminin : l'innommable, faute d'un procès.
Il semble que ce garçon en col blanc, regardez la couverture limite binaire avec en bas le gendre idéal photoshopé, souriant et les yeux d'autorité condescendante, la «force tranquille», du Macron sans la coke en stock, ça suffit déjà, n'ait jamais fréquenté le cul des vaches et parle de seconde main. Même pas le moindre «patois» ! A minima. Et même que son pensum soit plutôt écrit par une autre main. Références très précises, précisions manifestement plus accentuées sur le «mouvement breton»... Le Monde comme si... En version plus indigente. Le style en moins. La juste colère mise au loin mais jamais guérie. FM 0.0. Largement référencée.
Qu'on puisse et doive faire de l'héritage un «droit d'inventaire» selon la juste formule de Jospin après Mitterrand, le collabo notoire à la rose au poing, est une nécessité. Qu'on en fasse une fixette manifeste est du registre de la pathologie.
La «République une et indivisible» est en soi un symptôme d'enfermement psychologique. Plutôt les «Républiques plurielles et divisibles» à souhaits et nécessités. L'anarchie pensée quelque part. Quand on conçoit l'anarchie autrement que synonyme de bordel généralisé.
L'oubli du terrain dans toutes ses diversités et sensibilités, qu'on ne connaît pas pour n'y avoir jamais vécu. Edgar Morin à Plozevet, au secours vieux centenaire iconoclaste !
Le fondement obsessionnel du territoire annexé tardivement de la Savoie au Comté de Nice, sans parler de la Corse, ni du département napoléonien de Sambre et Meuse. Toute volonté de revenir à des démocraties en circuit court est présenté comme crime de «lèse... République» en majesté.
Vous avez lu Griaule, Lévi-Strauss, Clastres, et même Segalen ? Ou ce regard au vrai Monde vous est étranger ?
On pourrait parler aussi de la Francisque de Mitterrand ou des débuts de Kessel à Gringoire qui a amené Salengro au suicide. Avant de rédiger le «Chant des Partisans»... S'attaquer à Marchal ou Lebesque, qui fut fondateur de l'UDB et a produit nombre d'écrits très «socialistes», est proprement une imposture intellectuelle. Le Gwenn ha Du, ben pourquoi pas. Au bout du compte, il a fini par être adopté par tout une population «régionale». Bien avant le Triliv. Les drapeaux restent toujours à brûler sur l'autel de la vraie Fraternité. Le bleu blanc rouge idem. Déjà le blanc et le bleu ne sont pas si clairs...
Quant à parler du «gallo» comme archétype de l'intrusion bretonnante sur une moitié du territoire breton, et qu'on voit défendre à grands cris dans ce livre, alors que le simple péquin de base sait juste qu'il parle «patois» sans aucune autre notion d'un «dialecte roman de Haute Bretagne» et encore moins l'écrire. On voit bien le très grand éloignement de celui qui n'a jamais parlé dans son enfance une langue familiale si différente de St Malo à Machecoul. Ni qu'il ne connaît rien de ce «néo-breton» invoqué, qui fut d'abord unifié de dialectes à dialectes locaux, dans les langues de prêches et des évêchés. Pas toujours compris de canton à canton... Indigence complète de tout ce qui est langue vernaculaire et langue écrite. Martinet ou Saussure, au secours !
Idem pour le Basque, le Corse où l'Alsacien. Idem pour le Français, l'Anglais, l'Allemand, le Castillan ou l'Italien de base toscane d'après Dante, qui ne sont aussi que des langues artificielles de communication qui varient dans leurs pratiques locales. Elles restent une base d'écriture et d'échange : chacun prononce a sa manière. Québécois qui dédit. Voire le dernier avatar de Xavier Dolan. Ou même de Roald Dahl, auteur de jeunesse majeur, récemment censuré pour certains mots devenus hors norme d'une censure morale à autodafés a visée de mise à jour perpétuelle. Et Disney obligé de s'excuser pour les stéréotypes de Blanche Neige ou de Peter Pan. Qu'on arrête de nous prendre pour des cons. Et ça suffit les cons de la censure moraliste. C'est un réel problème de langage qui se passe en ce moment : système binaire imposé par le 0/1 des nouveaux langages qui nous soumettent malgré nous. Je cause gallo peut-être, patois souvent, breton parfois, français parfois, anglais souvent, etc. Et je me fous de la forme comme je cause. Merde aux censeurs.
L'idéologie de base d'un tel pensum plus que réducteur est une équation intenable : mouvement breton = fachos. Ça tient d'un acharnement pathologique d'une blessure profonde qui souffre de l'ignorance. L'ignorance est la sienne, la blessure est d'une autre... Tout en oubliant que le terme de «race» de l'époque n'a pas du tout le le même sens qu'aujourd'hui. Que les postures politiques d'un tournant de siècle qui a vu le «romantisme» d'un Châteaubriand ou d'un Villemarqué n'était plus celui d'un Luzel.
C'est un peu le fond de cette thèse un peu minable. On invoque une nouvelle notion : l' «ethnorégionalisme». Un boulgui-boulga qui fait fi des diverses Histoires et sensibilités d'une apparente posture identitaire. Voire vu d'en haut «communautaristes» ou «séparatistes», voire «nationalistes». Parlons d'Arafat alors... C'est faire fi des Histoires diverses. Ni la Corse, ni l'Alsace, le Pays Basque, la Bretagne n'ont eu le même rapport avec le pouvoir centralisé et chaque réponse est différente. Dans sa forme et son rapport aux Peuples qui peuvent s'exprimer de voix convergentes. Mais si diverses. Vu d'en haut on entend mal. Surtout si on se sent imbu d'une mission universaliste en omettant quelle est d'abord ethno centrée. Et les Dogons de Griaule et Leyris dans tout ça ? Faut arrêter de nous prendre pour des cons incultes : on sait lire grâce à la 3eme République ! Merci à Thiers ? Plein les bottes boueuses des condescendances des souliers vernis et des cols blancs. Venez faire un vêlage !
Peut-on être vraiment républicain tous en oubliant l'étymologie de la Res Publica, la «chose publique» ou plutôt celle du populus face aux «rex/regis» qui tenaient des âges précédents où Rome s'enorgueillait d'avoir enlevé les Sabines d'à côté, et simplement de les avoir violées. Et se réclamer de cet héritage «humaniste» sans sourciller ?
Peut-on, après avoir lu Virgile et Tite-Live, nationalistes étriqués avant l'heure, oublier l'immense différence entre les pages d'un Morvan Lebesque qui a erré dans son époque, trouble pour chacun, avant de trouver sa voie ? Qui questionne simplement dans «Comment peut-on être Breton ?» son vécu de citoyen à Paris et au Canard Enchaîné depuis son enfance et ses origines qui lui traîne aux « basques» jusqu'à son prénom et son patronyme ? Au lieu de rejouer le Bouc émissaire comme Morel, nom breton on dirait, qui aurait dû lire au moins René Girard, (oui, ici et ailleurs, ça lit aussi et réfléchit avant de s'occuper des drapeaux) on commence par poser son cul et se regarder soi et le Monde, avant de donner des leçons inutiles et moralistes sans fondements.
«Il faut enfin cesser de laisser les terrain des petites patries aux ethnorégionalistes. (...) La République doit faire le pari de l'intelligence et de la raison contre l'idéologie et l'obscurantisme. C'est à cette condition que la petite patrie portera à nouveau à la nation et à l'universel.» On cite la dernière page. Affligeant. Pompeux et pompant. La «nation» dont on n'a même pas analysé le sens primordial ? L'idée militaire surannée de «nation» de 1791 ? Puis 93 et ses génocides de pauvres gens ? L'Universel à partir de lui-même et pour le reste du Monde qu'on ne connaît qu'en touriste ? Français de Dunkerque a Tamanrasset avec les mêmes ancêtres gaulois ! Et jusque dans l'Afrique occidentale française... On peut arrêter les délires et les conneries à un moment ? Au lieu de faire copier-coller des antiennes surannées ? Le Monde bouge et se redéfinit en ce moment. Merdouille, avec les grèves du service public en privatisation, l'info n'a peut-être pas eu le temps d'arriver à Paris et surtout à l'Assas.
Miteux. Minable. Si vous ne pouvez pas l'acheter, surtout ne le volez pas !
Jean BOIDRON
■a galon
Et 200 ans plus tard, ce sont ces peuples qui sont accusés parce qu'ils relèvent la têtes et réclament ce que l'Etat leur a volé.
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