C lassique… est son essence, Premiers Prix, récompenses,
A u clavier du piano, comme à la flûte à bec.
R omantique et sensible à d’autres influences,
O uverte, pouvant goûter, de Barry à Brubeck,
L es « blue-notes » de jazz, comme les musiques de films,
I rradiant ses accords de telles inspirations,
N ourris, plus largement, de quelques celtes « rimes ».
E ntrée en terres bretonnes, avec pour intention :
F aire jaillir, sous ses doigts, les ombres et les lumières,
A rmoriques peintures, de la côte… des abers.
G arant de son talent, un « Dider » veille sur elle,
E coutez-là jouer, cette pianiste, aux ailes !
T eintée de notes bretonnes, une vision nouvelle…
Oui, nous avons, exceptionnellement, osé préfacer notre chronique par un bien modeste mais sincère texte, structuré sous forme d’acrostiche.
Avec césure à l’hémistiche, nous l’avons agrémenté d’alexandrins dénués de toute prétention littéraire, afin, néanmoins, d’adresser à cette romantique pianiste, tout en vous la présentant sommairement, sous l’enseigne des lettres qui composent ses prénom et nom, notre humble bouquet de mots, venant donner réponse à ses poétiques et amples gerbes de notes.
Dès à présent, précisons, un peu, notre édulcoré prélude.
De formation classique, Caroline FAGET est titulaire d'un premier prix de flûte à bec, reçu au Conservatoire National de Région de Boulogne-Billancourt et d'un premier prix de piano acquis aux Conservatoires de la ville de Paris.
Mais, vous allez aisément vous en rendre compte à l’écoute de ce programme, la musicienne a, de surcroit, obtenu un prix d'Excellence de Composition, au Conservatoire Royal de Musique de Bruxelles.
Possédant, aussi, un Doctorat de musicologie, attentive et perméable à d’autres styles rythmiques et mélodiques, comme le jazz et la musique de film, Caroline FAGET se consacre à la création musicale de pièces romantiques se situant, à mi-chemin, entre la musique dite classique et la belle variété.
Elle a, aussi, créé les musiques et les arrangements accompagnant la présentation du styliste Etienne BRUNEL, lors des défilés haute-couture organisés dans les magasins parisiens, « Le Printemps ».
Caroline FAGET a travaillé à New-York, pour la Société Language Workshop for Children, en composant des chansons à destination du jeune public.
La compositrice a réalisé, également, les partitions musicales de pièces de théâtre, (« Tita-Lou », de Catherine ANNE et « Une étrange leçon », de Martine GOBERN), de courts métrages (« Le jour des clowns », de Patrice NAUDY...) et des génériques.
A la lecture de ces précédentes et substantielles lignes, vous imaginez, déjà, l’étendue de ses inspirations et la diversité de ses compositions qui lui permettront, notamment, de se produire en récital, en France et à l'étranger (Paris, Cannes, Bruxelles, Festival d'Avignon 2003, Ambassade de France, à Bucarest).
Bretonne ? Elle l’est foncièrement… d’adoption, d’immersion, puis de conviction... sans compter d’habitation !
Depuis 2016, l’artiste vit, en effet, à Châteaulin, où elle professe en école de musique et, parmi ses autres « toiles musicales », elle n’a pour désir que de peindre, décrire, transcrire, avec ses notes et son allègre toucher pianistique, les ombres et les lumières qui contrastent les paysages armoricains en n’hésitant pas, parfois, à croiser sa palette de couleurs mélodiques avec celle du bagad costarmoricain BOULVIAG… de Bourbriac, bien évidemment.
Pas étonnant, donc, que Caroline FAGET ait baptisé son album, d’un unique nom breton « Bro ar Sklerijenn », sans même le traduire, affirmant, ainsi, son profond attachement affectif et culturel à la Bretagne.
L’onirique cliché qui, en dégradé chromatique, bleuit la jaquette, œuvre signée d’Hervé BEAU, de l’Agence brestoise Vidémo (Voir site) , n’est pas antinomique avec le susmentionné.
En évoquant, sur le feuillet annexé au Compact-Disc, ce superbe « photographisme », Caroline semble corroborer nos propos :
« Un phare, les pieds sur terre et la tête dans les nuages, témoin de mes errances bretonnes… ».
Lorsque vous allez acquérir ce disque vous constaterez que le film protecteur de la jaquette est estampillé d’un logo autocollant « HLDG », explicitement sous-titré Hôtel de la Grêve… et surtout, et avant tout, chapeauté, en rouges lettres capitales (ce dernier mot étant à prendre dans toutes les acceptions du terme) de la cautionnaire mention « Didier SQUIBAN présente ».
De prime visu, on devine, déjà, par cette mention, la qualité du propos musical que va nous tenir Caroline FAGET.
C’est en publiant, en tant qu’enseignante, des partitions de cours de piano sur les écrans de l’internet que Caroline a, dans un premier temps, « rencontré », notre génial pianiste breton, très régulier « sociétaire », en solo, en groupe ou avec orchestre symphonique, de nos pages en ligne !
Puis, séduit, « Dider » lui a proposé d’enregistrer, sous son label et en son studio finistérien de Plougastel-Daoulas, cet album.
Concomitamment, Caroline a, aussi, adoré jouer, extrait du légendaire enregistrement du Maître, titré« Molène », « Baradoz ».
Les flux et reflux inspirateurs des deux artistes semblaient, alors, s’unir pour nourrir une haute marée créatrice.
Voici donc, 3ème opus de Caroline FAGET, « Bro ar Sklerijenn » (Pays de clarté), distribué par Coop Breizh, enregistré, en 2021, au studio Hôtel de la Grève, lieu de création où se croisent, peintres, auteurs, journalistes, photographes, producteurs, médecins… et où fusionnent, les notes d’artistes de musique traditionnelle, de jazz ou de musique classique.
Caroline nous propose un très séduisant programme de 11 titres + 1 bonus, avec des mélodies et des arrangements signés de sa main et, surtout, de ses émotions, pièces qui se déclinent en 9 compositions intégrales et originales et deux adaptations de morceaux traditionnels.
Dès la première plage, Caroline FAGET, semble, avec sincérité, vouloir se livrer à nous, au travers d’une valse romantique où les trois temps rythmiques portent, également, trois « mouvements », durant lesquels alternent des chapelets de, parfois, ténues notes s’évanouissant dans un passager suspens et contrastant avec de profondes et vigoureuses ponctuations, préludant, à nouveau, un cristallin final.
C’est « mon côté ambivalent, entre force et fragilité », précise l’artiste.
Si, en matière de « caractères », après cette, finalement, intime présentation, ceux des paysages bretons et quelques airs traditionnels demeurent les toiles de fond de la picturale fresque musicale qu’est « Bro ar Sklerijenn », l’évocation des êtres chers et de la famille est, aussi, source d’émotionnelles créations.
C’est le cas, pour la seconde piste, avec « Ombre et lumière ».
Un titre, notamment, « filmographique », faisant penser à l’identique dénomination du long métrage d’Henri CALEF, sorti en 1951, avec, entre autres, Simone SIGNORET, Maria CASARES, Pierre DUX…
Cette œuvre relate l’histoire tourmentée d’une certaine célèbre… pianiste, de renom, mais de fiction, victime d'une crise de folie, en plein concert.
Ici, rassurez-vous, l’analogie narrative, s’arrête nettement, à la coïncidence instrumentale, le titre de la composition « Ombre et lumière » rappelant, plutôt, l’identique nom donné au 2ème album de Caroline FAGET, paru en février 2006.
« Ombre et lumière », ce titre marque, une fois nouvelle, la volonté de l’artiste de traduire musicalement les contrastes des caractères, comme sus-décrit, par elle-même… le sien, ceux des éclairages qui sculptent les paysages bretons, ou, comme ici, ceux qui éclaircissent un peu des circonstances, pourtant bien sombres.
Ces présentes notes sont inspirées de la découverte des croquis réalisés par le grand-père de l’artiste, lorsque celui-ci combattait dans les tranchées durant la Première Guerre mondiale.
Ne vous attendez pas à une dramaturgie musicale lugubre et pesante. L’interprétation reste lumineuse, même si les notes puissantes et graves du piano illustrent le fracas de cet enlisant conflit armé, des rythmes et des notes plus enjouées, laissent deviner le côté étrangement rayonnant constaté par la pianiste, au vu des croquis réalisés par l’aïeul.
Alternant staccato et legato, vélocité et suspens, il s’agit d’une très prenante et agile narration qui vous convaincra, s’il en est, encore besoin, que le piano est un orchestre à lui seul, surtout lorsqu’il est joué, avec cette maestria !
De nouveau, puisant, dans le registre des sentiments familiaux, en « feuillet mélodique » suivant, maman de trois enfants, Caroline nous propose, « Le Carrousel de Valentin », composé pour la naissance de son premier petit garçon, ainsi qu’en plage 6, avec quelques notes rappelant, un peu, certes dans un tempo différent, celles de la gwerz, « Maro eo ma mestrez », « Le petit goéland », dédié, cette fois, à Jonathan, avec un clin d’œil à « Jonathan Livingston, le goéland », œuvre de Richard BACH, ancien pilote de l’armée de l’air américaine, publiée en 1970.
Troisième de la fratrie, Raphaël, n’est pas oublié, avec, en piste 10, « Bro sklerijenn ar Raphaël », lorsque les amples vagues pianistiques viennent déferler sur l’estran de l’amour maternel, rythmées par plusieurs et courts instants de suspens, de silence qui prolongent les expressions mélodiques.
D’inspiration « celto-orientale », nous avons particulièrement apprécié, au cours d’ « improvisation » (Plage 4) le fluide jeu sinusoïdal de la pianiste qui évolue du ténu au dense, du calme à l’endiablé, rythmiquement, de la berceuse, à la frénésie d’une danse traditionnelle. On semble, parfois, entendre du STIVELL instrumental, d’« Au-delà des mots », suivi de quelques réminiscences de musique classique russe.
Si l’on peut dire, plus personnel encore, puisqu’inspiré par un texte très émouvant écrit par l’un de ses amis issu du pays des abers qui lui a, ainsi, au travers de ses mots, puis de visu, fait découvrir ce particulier pays de rias et d’estuaires qui entaillent la côte finistérienne, Caroline FAGET nous propose, en piste 9, « Aux abers ».
Comme le confiait la pianiste compositrice, lors de l’une de ses interviews radiophoniques : « Je crois que ce titre reflète bien celui de l’album, parce qu’il est rayonnant d'’espoir et d’horizon …/… Il y a un côté impressionniste, avec des lumières changeantes en cours de journée, et puis, avec ses grandes étendues à perte de vue, il y a un côté très serein et presque recueilli ».
Toujours avec ses délicieuses césures, ses émotionnels suspens de jeu, Caroline peint une magnifique toile de ces paysages aux lumières et humeurs changeantes.
Pour ne point vous lasser de nos mots, nous nous interdirons, nous disons bien, nous nous interdirons, tant l’envie nous taraude, d’évoquer toutes les pièces présentées par la remarquable instrumentiste, tant ce programme est nuancé, riche et varié et, de ce fait, séduisant, captivant, en tous points.
Nous ne pouvons, néanmoins, passer sous silence, l’interprétation des deux airs traditionnels, arrangés par Caroline FAGET qui échappent à ses propres compositions… mais, aucunement, ni à son talent, ni à sa personnalité artistique.
C’est ainsi qu’en plage 5, vous retrouverez le célèbre « Ar galon digoret », un coup de foudre musical pour la pianiste, bretonne de cœur… et de raison !
Laissons-lui la parole, vous ressentirez, bien mieux qu’au travers de nos propres mots, l’instant de cette « rencontre » :
« Lorsque j'entends les quelques notes de ce thème joué par le Bagad BOULVRIAG, à la Vallée des Saints, je mémorise, chante, pianote jusqu'à trouver les sonorités les plus justes, du grave le plus profond à l'aigu le plus cristallin... ».
Il est vrai que dans le dernier tiers de la pièce Caroline parvient, même, à « celto-harpiser » les cordes de son piano.
Piste 7 : Autre traditionnel, cette fois, anglais, puisqu’il s’agit du plus que bien connu « Greensleeves », interprété, moult fois, entre autres styles, du folk-rock au jazz, en passant par le classique, de l’instrumental au vocal solo ou de chœur, et dans la musique celtique, notamment, figurant, en 4ème piste de l’album « Bretonne » (2010), chanté par Nolwenn LEROY.
D’après une légende populaire, cette chanson qui par l’indéniable qualité de sa mélodie a traversé les temps et les styles, aurait été écrite au XVIe siècle par le roi Henri VIII en l’honneur de celle qui fut sa deuxième femme, une dame « aux manches vertes ».
Catherine FAGET semble intégrer l’idée du large cheminement stylistique de la pièce, en proposant, ponctué par quelques pauses, pour chaque couplet et chaque refrain, une coloration et un rythme différents allant du classique à la suggestion vocale, jusqu’à un enivrant tourbillon, à son terme, conclu, comme par une signature rock ou boogie-woogie, générée par un vigoureux glissando.
Nous nous quitterons, à grands regrets, en écoutant, selon le feuillet joint au disque, ce qui constitue le bonus, mais qui au dos de la jaquette, figure en piste 11 pour « L’évidence d’un jour » et sans référence d’ordre, pour « Le violon du diable ».
Pour ces plus de six dernières minutes, le piano de Caroline FAGET, accompagne, dialogue, « concertise » avec un violon et un violoncelle, pour une suite finale de toute beauté, où, un instant, les cordes s’épanouissent lumineusement dans un romantisme débordant, en franc contraste avec un profond et passager glas pianistique.
Mais rassurez-vous, l’ensemble reste dans la clarté, puisque le piano et les cordes, in fine, s’enflamment pour une quasi-danse celto-orientale où les aigus du violon, semblent, parfois, flirter avec certaines hautes notes issues d’un accordéon.
N’y aurait-il pas une analogie entre ce « Violon du diable » et… « La boîte du diable - Boest an Diaoul », nom, autrefois, donné par le clergé, à l’accordéon, en Bretagne ?
Sans restriction, aucune, bien au contraire nous vous invitons, vivement, à vous procurer ce fort esthétique et substantiel disque, bien plus que très agréable à écouter et accessible à un très large public, toutefois exigeant sur la qualité.
A la croisée de quelques couleurs de jazz, de la musique traditionnelle bretonne ou de la « veine » celtique, mais, surtout de la musique romantique d’où l’artiste puise son principal style, Caroline FAGET, MONSIEUR Didier SQUIBAN ne s’est, une nouvelle fois, pas trompé, nous propose un style bien personnel.
Celui-ci se caractérise, notamment, nous l’avons souligné, au cours de cette chronique, par de nombreuses et variées « séquences mélodiques », alternant, au sein même des pièces, mélancolie et moments plus enjoués, souvent entrecoupées, ponctuées de silences et de suspens qui « intimisent » et poétisent le propos musical.
Avec ces haltes dans le jeu, il semble y avoir le temps de l’acte artistique assumé, souvent précédé de la réflexion de l’âme, un côté, presque mystique. Une clarté bretonne née d'une divine clarté céleste ?
Paraphrasant, à propos de la musique de MOZART, la célèbre phrase de Sacha GUITRY, ne pourrait-on pas dire, en la circonstance ?
- Les silences qui suivent les notes de Caroline FAGET sont encore de la pianiste...
Gérard SIMON
Illustration sonore de la page : Caroline FAGET «Bro ar Sklerijenn» : «Aux abers» - Extrait de 01:17.
La page de Caroline FAGET : (Voir page)
D'autres extraits sonores sur Culture et celtie, l'e-MAGazine : (Voir site)
Les titres du CD «Bro ar Sklerijenn».
01. Fragile - 05:05.
02. Ombre Et Lumière - 05:13.
03. Le Carrousel De Valentin - 05:14.
04. Improvisation - 05:38.
05. Ar Galon Digoret - 04:15.
06. Le Petit Goëland - 03:59.
07. Greensleeves - 03:48.
08. Mon Ami - 03:53.
09. Aux Abers - 03:52.
10. Bro Sklerijenn Ar Raphaël - 04:00.
11. L'évidence d'un Jour... Le Violon Du Diable (Bonus) - 06:27.
Musiques et arrangements de Caroline FAGET.
CD «Bro ar Sklerijenn» - Caroline FAGET.
Parution : juin 2022.
Réf : 4016476.
Production : HDLG.
Distribution : Coop Breizh (Voir site)
© Culture et Celtie
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