A danser mais, aussi, à écouter, le nouveau CD « Dasson » d' Ampouailh

Chronique publié le 24/11/22 10:15 dans Musique par Gérard Simon pour Gérard Simon
https://abp.bzh/thumbs/56/56441/56441_1.jpg
Groupe AMPOUAILH
AMPOUAILH "Dasson" - "Gwagenn" - (Hanter-dro) CD AMPOUAILH - Dasson

« Dasson », en breton, ou dans la langue de Molière… « Résonance » !

C’est ainsi qu’est titré le quatrième et nouvel opus de cette formation costarmoricaine bien connue et très appréciée des amateurs des festoù-noz régionaux, mais qui, par son incontestable qualité artistique et stylistique, s’est, aussi, produite, au cours de soirées dansantes organisées lors des prestigieux festivals, Yaouank, à Rennes, Cornouaille, à Quimper, et Interceltique, à Lorient.

Si l’on vous précise que :

- Ce groupe de musique bretonne à danser, issu du Centre-Bretagne, a été créé en janvier 2004 par un trio de « chenapans » aux bombardes, saxophones et accordéons diatoniques,

- Celui-ci a publié, en mai 2009, son premier disque « Fest-noz ar gêr wenn », avec la participation du Bagad KERLENN PONDI,

- Rejoint par un guitariste, dès 2011, puis avec, pour quelques titres, la contribution d’Eric MENNETEAU, au chant, il sortait, en juin 2012, « Keit ha ma pado ».

- Puis, à partir de 2015, enrichi du jeu d’un bassiste, cinq ans plus tard, précisément en mai 2017, il réalisait un troisième Compact-Disc, cette fois, « Live », puisque enregistré au cours du fest-noz du 10 décembre 2016, organisé à Saint-Mayeux, dans le Kreiz Breizh, ville frontière située dans le pays Plinn avec le pays de Loudéac et le pays de Pontivy au sud…

Vous aurez, sans nulle difficulté, reconnu cette formation phare du fest-noz… AMPOUAILH !

AMPOUAILH… « Dasson »

« Nous ne sommes, ni plus ni moins, qu'une résonance. Résonance de ce que l'on nous a fait écouter et qui nous fait grandir, vivre », précise le groupe sur le volet interne de la jaquette.

Quoi qu'il en soit, au travers de ces 11 nouveaux titres, tous, exclusivement instrumentaux, les cinq musiciens actuels d'AMPOUAILH tissent une texture musicale moderne, en restant fidèles à leurs convictions essentielles : la danse, l'échange, la transmission.

Temps est venu de vous présenter les musiciens qui, dans la grande majorité, composent, depuis, quelques années, maintenant, cette formation de musique à danser, principalement, issue de basse Bretagne et qui met en exergue les terroirs fañch, fisel et vannetais.

Commençons par deux des trois instrumentistes fondateurs :

- Simon LOTOUT, aux bombardes.

Il est le troisième d'une fratrie musicale originaire de Canihuel.

C’est avec l’un de ses deux frères, Thibault LOTOUT, à l’accordéon diatonique, qu’il crée AMPOUAILH.

Dès 7 ans, Simon débute à l'orgue, instrument qu'il pratiquera, avec Alain PASQUET, pendant quatre ans à l'école de musique de Saint-Nicolas-du-Pélem.

À 9 ans, il commence l’apprentissage de la bombarde auprès de Laurent BIGOT, à Pontivy, au Conservatoire de Musique Traditionnelle, pour, ensuite, intégrer le bagadig KERLENN PONDI. Il sonne alors, en couple, avec Thibault ou avec son deuxième frère, Joseph, et remporte quelques concours de jeunes. Simon termine son apprentissage musical auprès de Yann KERMABON et intègre, en 2002, le bagad KERLENN PONDI. C'est à cette période qu'il monte, pour les premières fois, sur scène. Après un bref passage au bagad PANVRID AR BESKONT, à Pommerit-Le-Vicomte, à partir de 2008, Simon revient à la KERLENN PONDI et sonne parallèlement avec Dominig MAHE, avec qui il remporte plusieurs concours.

- Mickaël DERRIEN, au saxophone.

Le musicien breton a débuté par la caisse claire, est passé par le bagad de Saint-Nicolas-du-Pélem, s'est formé à la clarinette et au saxophone avant de sonner au bagad de LANN BIHOUE.

Dans le sextet, il joue clarinette, saxophone, accordéon chromatique, bombarde, biniou et batterie, DAÑS AR JÂZE, le duo saxophone et accordéon chromatique DERRIEN/GUERVENO ou accordéon diatonique et saxophone LOTOUT/DERRIEN.

Les deux musiciens suivants ont rejoint AMPOUAIH, respectivement, en 2011et 2015 :

- Heikki BOURGAULT, à la guitare.

Guitariste issu de la nouvelle génération de musiciens bretons, Heikki BORGAUKT travaille à élargir le jeu de l'accord ouvert en développant un vocabulaire, à la fois, personnel et sensible en explorant l'accordage DADGAD autour de différentes notions comme la rythmique, le groove, l'harmonie, les ornementations, au travers de différents morceaux à danser et à écouter, bretons, irlandais…

Il joue en quartet, avec Eric MENNETEAU, Youenn LANGE, Erwan TOBIE dans le groupe de fest-noz et deiz, NODET, en trio, dans BOURGAULT/JAMES/LARIDON, en duo, au sein de TOBIE/BOURGAULT et avec Calum STEWART, en trio ou en duo, comme pour le remarquable Compact-Disc « Hunter's Moon », paru en 2014 et présenté dans notre rubrique « CD A RETENIR » (Voir page)

- Gwylan MENEGHIN, à la guitare basse.

Piano à 6 ans, caisse claire à 10 ans, au Bagad de Quimperlé, diplômé universitaire, spécialité musique actuelle, à Rennes II, enseignant la musique en milieu scolaire, le piano, la formation musicale au conservatoire de Quéven et les percussions au Bagad de Lorient, principalement bassiste, on le retrouve à ce pupitre rythmique de prédilection, dans le groupe de « World music bretonne », DANS ER JEKO, la formation « Fest-noz » TYMEN/KERVEILLANT Quintet ou, aux percussions, en déambulation et spectacle de rue, au sein de JAHINER et, comme elle se définit, dans « La fanfare sauvage et festive, biniou, bombarde et percussions », dénommée LA MAFIA RUSTRE.

Nous avons, comme membres actuels d’AMPOUAILH, mentionné les deux musiciens fondateurs, bombarde et saxophone, par la suite, rejoints par deux instrumentistes, guitare et basse, mais comme, antérieurement mais brièvement, évoqué, originellement, figurait à l’effectif, le troisième initiateur d’AMPOUAILH, Thibault LOTOUT, à l’accordéon diatonique.

Mais en 2020, consécutivement à des responsabilités professionnelles plus accaparantes laissant moins de disponibilités à l’exigence temporelle nécessaire pour l’exercice d’une passion musicale aboutie et chronophage en terme de répétitions et de présence scénique, recherchant, aussi, un meilleur équilibre familial, Thibault LOTOUT a décidé d’arrêter sa collaboration centrale avec le groupe qui l’avait, fraternellement, co-créé, seize années auparavant.

AMPOUAILH s’est, alors, demandé s’il conserverait cette configuration instrumentale, à quatre, s’il fallait retrouver un autre accordéoniste, ou mettre à profit ce « tournant artistique » pour envisager une nouvelle coloration mélodique, en élargissant son registre instrumental.

D’autant que, compte-tenu de la qualité musicale incontestable acquise et reconnue depuis tant d’années, AMPOUILH, reçoit, aussi, des demandes, non pas en festoù-noz, mais en concerts assis.

Notamment dans cette perspective et, de toute façon, pour étoffer sa palette musicale tout en consolidant sa spécificité interprétative à l’origine de son incontestable notoriété, AMPOUAILH a décidé de s’adjoindre un violon, instrument, finalement, assez peu utilisé en fest-noz et qui, par ailleurs, ne devait pas apparaître comme un simple remplacement de l’accordéon, mais comme un élément, nouvellement, créatif.

En 2021, c’est Yuna LEON qui a été choisie. La musicienne, violoniste, est issue de la 8e promotion de la KREIZ-BREIZH AAKADEMI, dont le thème était… la musique à danser !

Quimpéroise d’origine, cette artiste morbihannaise vient de Locmiquélic et maîtrise, à la perfection, les musiques bretonnes et irlandaises.

Elle est reconnue pour ses qualités de « fiddler ».

Yuna LEON baigne dans la musique traditionnelle depuis son enfance, notamment, grâce à son père Alain LEON, guitariste notoire de la scène bretonne.

Parmi une bonne douzaine de formations, alternant musique irlandaise et vannetaise, elle joue, entre autres, dans ZONK, les trios Nolùen LE BUHE/Hélène BRUNET/Yuna LEON ou Yuna LEON/Nicola HAYES/Nicolas QUEMENER…

C’est une réelle et riche ouverture musicale pour AMPOUAILH qui profite de l’arrivée de Yuna pour travailler un nouveau répertoire, en jouant autre chose que des danses, comme des mélodies, par exemple, issues de gwerzioù.

Pour ce nouvel album « Dasson », après vous avoir présenté, assez longuement, mais que partiellement, les intervenants qui, au travers de leurs cursus, multiples expériences, pratiques multi-instruments, expliquent la réelle et spécifique qualité du groupe aux perspectives artistiques fort prometteuse, nous vous résumons la distribution actuelle, dans l’ordre de présentation de la jaquette :

- Simon LOTOUT, bombardes,

- Mikaël DERRIEN, saxophone,

- Yuna LEON, violon,

- Gwylan MENEGHIN, guitare basse,

- Heikki BOURGAULT, guitare.

Côté programme, la création est largement prépondérante, puisque, parmi les 11 instrumentaux proposés, celui-ci met en lumière, pas moins de 7 compositions originales du groupe et 2 compositions adossées à des airs traditionnels.

Même si le nom du guitariste, Heikki BOURGAULT prédomine, quelques autres pièces sont écrites ou co-écrites par Mikaël DERRIEN et Simon LOTOUT.

Yuna LEON co-écrit des parties de la session des cercles.

Les hanter-dro, plinn, polka, mazurka, rond de Loudéac, valse, cercles, se succèdent dans une homogène coloration musicale bien identitaire, toutefois bien diversifiée par les arrangements, où chaque pièce à danser permet la mise en valeur individuelle des instruments.

Pour « Dasson », AMPOUAILH a effectué un vrai et fin travail de recherche sur le son, avec, notamment, l’adjonction de pédales d’effets adaptées sur la bombarde Simon et le saxo de Mikaël.

Toutefois, ne vous attendez pas à des digressions électroniques intempestives, synonyme de modernité, pour beaucoup.

Echappant à cette stéréotypie étriquée et ne souhaitant aucune rupture avec ce qu’il produisait antérieurement et qui fait son large succès, la modernité d’AMPOUAILH est bien plus subtile, vous le constaterez.

Alors, bien sûr, la musique à danser reste l’épicentre du répertoire d’AMPOUAILH et son tempo métronomique, soulignons-le, conforté par le très suave, profond, souple son de la basse de Gwylan MENEGHIN, ne peut que vous inciter à vous lever pour marquer le pas !

Mais, figure, à mi-parcours du programme, précisément en piste 6, un instant divin où vous pourrez vous rassoir, afin d’écouter, avec délices et, en version instrumentale, une gwerz, « Ar Paour », initialement, chantée par Elisa BOTREL et tirée du répertoire de Yann-Fañch KEMENER, comme le notifie le livret adjoint au CD qui propose, aussi, en breton et français quelques lignes de cette pièce.

Teintée de « pleurs synthétiques » sur une transe guitaristique d’Heikki, la bombarde Simon élève sa plainte, prolongée par le « blues » du saxophone de Mikaël, alors reprise par le violon de Yuna.

Après une ponctuation « ternaire » de basse, le saxophone vocalise superbement, avant que le rythme s’accélère pour un final collégial où l’alerte violon de Yuna se fait, particulièrement remarquer.

Très prenants instants, de plus de 6 minutes, à écouter et ré-ecouter ; oui, AMPOUAILH, « ça se danse, mais, mieux que de s’entendre… ça s’écoute » !

L’ultime plage de l’album « Dasson » ne démentira pas notre point de vue, plutôt point d’écoute, puisque celle-ci propose une solennelle mélodie fisel, signée, en 1992, paroles et musique par le regretté Maodez KERJEAN, disparu en 2021.

Excellent chanteur et danseur, référence en matière de danse fisel, bien connu auprès des fidèles du cercle celtique de Rostrenen, il avait composé et écrit ce chant militant « An universite » pour demander l’implantation d’une université dans le Centre Bretagne « Combat qui est, malheureusement, toujours d’actualité », précise AMPOUAILH, à la fin du texte breton/français reproduit dans le livret.

Produit au travers d’une structure professionnelle créée par le groupe et dénommée « Tud Yaouank », nom inspiré de l’association « Tud Yaouank Kreiz Breizh » de Saint-Nicolas-du-Pélem, distribué par Coop Breizh, enregistré par Heikki BOURGAULT et Vincent LE MEUR qui assure la sonorisation du groupe, depuis 2006, remarquablement mixé par Heikki et masterisé par Raphaël JANIN, nous vous recommandons ce disque de grande qualité de forme et de fond qui se révèle être, dans une rassurante continuité, comme un nouveau tournant musical et artistique pour AMPOUAILH.

Une nouvelle fois, et peut-être plus finement encore, avec « Dasson », AMPOUAILH met en avant et surtout à l'honneur la musique du pays Fañch, du pays Plinn, en calibrant sa modernité pour mieux faire briller, les racines. Une créative, mais fort respectueuse… résonance !

Gérard SIMON

Illustration sonore de la page : AMPOUAILH «Dasson» - «Gwagenn» - (Hanter-dro) - Extrait de 01:10.

Site Internet du groupe AMPOUAILH : (Voir site)

D'autres extraits sonores sur Culture et celtie, l'e-MAGazine (Voir site)

Les titres du CD «Dasson» :

01 - Gwagenn (hanter-dro) - Composition Heikki BOURGAULT et Mickaël DERRIEN - 04:10.

02 - Botern berr (plinn ton simpl) - Composition Simon LOTOUT - 05:13.

03 - Tamm kreiz (bal plinn) - Traditionnel - 01:44.

04 - Botern hir (plinn ton doubl) - Composition Simon LOTOUT et Traditionnel - 03:03.

05 - Etre da zivrec'h (polka) - Composition Heikki BOURGAULT - 04:18.

06 - Ar paour (gwerz) - Traditionnel et composition Heikki BOURGAULT - 06:26.

07 - Skañv (mazurka) - Composition Mickaël DERRIEN - 03:56.

08 - Chemin de la lande (rond de Loudéac) - Composition Heikki BOURGAULT - 04:01.

09 - Prunenn vihan (valse) - Composition Heikki BOURGAULT - 03:09.

10 - Serr-noz (cercles) - Composition Yuna LEON et Heikki BOURGAULT - 04:10.

11 - An universite (mélodie fisel) - Parole et musique Maodez KERJEAN - 03:41.

CD «Dasson» - AMPOUAILH.

Parution : octobre 2022.

Réf : 4016481.

Production : Tud Yaouank

Distribution : Coop Breizh - (Voir site)

© Culture et Celtie


Vos commentaires :

Anti-spam : Combien font 5 multiplié par 5 ?