Cette journée du samedi 19 novembre 2022, intitulée « Pour une Bretagne autonome », était très attendue pour les uns, peut-être redoutée pour les autres. Elle a bien eu lieu, et fut sans doute autre chose qu’une « grand’messe » comme il y en eût dans le passé.
.1 la salle Glenmor était pleine. Environ deux cent cinquante personnes, m’a-t-on dit.
.2 le format de cette demi-journée était très bien pensé :
- Une dizaine d’interventions au pupitre, chacune calibrée pour un quart d’heure environ
- Deux temps de questions à la salle
- La qualité des intervenants, sélectionnés pour leurs compétences dans des domaine variés. Des voix que, pour beaucoup d’entre elles, l’on n’a pas l’habitude d’entendre. A signaler aussi deux intervenants venus d’ailleurs (Jean-Guy Talamoni pour la Corse, et Lluis Puig I Gordi pour la Catalogne) dont le regard et le retour d’expérience sont évidemment des plus précieux.
.3 c’est un voeu voté au Conseil régional de Bretagne qui donnait un intérêt tout spécial à cette journée. Journée marquée en creux par l’absence des figures politiques de la Région, de quelque bord qu’elles fussent. Ces pennou-bras se sont désistés (faut-il dire « dégonflés » ?) face à une initiative émanant de la société civile. On notera, toutefois, la présence d’un député très connu pour son engagement en matière de défense de la langue. Mais les autres ? Peur de la nouveauté ?
.4 ceux qui craignaient peut-être et secrètement que l’on assisterait aux cabrioles des chevau-légers de la revendication bretonne se sont trompés. Nous avons eu des réflexions de haute-tenue sur le fond et très distanciées sur la forme, côté interventions. Et à quelques exceptions près, des questions très constructives et attentives, côté salle.
.5 on sent donc monter un esprit de responsabilité, face à des attentes sérieuses.
Etant donné la densité des propos, il paraît difficile et même illusoire d’en faire un résumé valable. Chacun retiendra ce qu’il veut en fonction de ses connaissances de la problématique et de ses attentes.
Pour sa part, ABP dont le directeur Philippe Argouarch, habitué des enregistrements vidéo et prises de son, fut malheureusement empêché par un imprévu, devrait publier prochainement (dès que les montages seront disponibles) des extraits de vidéos réalisées par Olivier Caillebot, conférencier et réalisateur. MAJ 24/11/2022 Great eo! C'est fait! Mersi braz da Olivier Caillebot.
Il est certain que le mot « autonomie », parfois lesté d’a-priori passés, ne sera plus prononcé de la même manière à l’avenir. Cette journée devrait contribuer à installer durablement le mot dans le vocabulaire politique en Bretagne, et donc l’idée dans les consciences citoyennes.
Précision langagière. Si le mot français paraît très conceptuel, son équivalent breton, comme souvent, est beaucoup plus concret. « Emren » est construit sur deux éléments juxtaposés. « em », particule réflexive, et « ren », verbe évoquant l’agir ( Ren : régner, gouverner, guider , nous dit par exemple le dictionnaire du Colonel Troude, Brest, 1876). Le mot évoque donc un comportement impliquant la mise-en-œuvre de sa propre énergie dans un périmètre d’immédiateté ou de proximité, en responsabilité.
Dans le monde de l’entreprise, l’autonomie d’un salarié, dans l’exercice de ses fonctions, est attendue quel que soit le niveau du poste. S’agissant de la gouvernance d’un territoire, fut-il placé au sein d’une structure régalienne, on perçoit mal pourquoi la même exigence d’autonomie serait farfelue. Elle devient au contraire, de plus en plus pressante.
Ceci pour répondre par avance à ceux qui pensent plutôt résultats immédiats, en pensant « fin de mois » – une question dans la salle s’est faite l’écho de cet aspect -, et qui seraient enclins à délaisser la réflexion visant le moyen terme, pour ne viser que le court terme. Aujourd’hui, l’« autonomie », telle qu’il en a été question, est bien un chantier à moyen terme. Mais pour lequel on attend les premières étapes concrètes imminentes. Il est temps de lever les tergiversations.
Enfin, quiconque pense à l’avenir de la Bretagne ne peut éluder la question de la Réunification. Cependant, pour plus de clarté et ne pas complexifier inutilement le débat, on pourra, à ce stade, se contenter de réfléchir à l’« autonomie » en tant que telle, indépendamment du découpage régional, si contestable soit-il.
D’autant que ce principe d’« autonomie », dans sa philosophie politique, est applicable à tout territoire, chacun ayant ses spécificités (par exemple, la langue pour la Bretagne, mais aussi l’économie ou l’énergie déclinées localement) liées à sa situation, historique et présente, particulière. Il faut bien comprendre que le principe d’« autonomie », ignoré en France jusqu’à présent, est en fait universel.
Il y aura très certainement des suites à cette journée initiale. Et le plus important, tout ceci devrait travailler en profondeur, au fil du temps, la société bretonne dans la conscience qu’elle a d’elle-même. Quand les aspirations sont fortes, les moyens politiques finissent par arriver. C’est tout l’espoir porté par cette journée.
En attendant, déroulons quelques « verbatim », dans l’ordre des interventions, pour donner une idée de la teneur à ceux qui n’ont pas pu se rendre sur place. Les intervenants reconnaîtront un échantillonnage de leurs propos.
« Le combat culturel précède le combat électoral, qui lui-même précède le combat institutionnel »
« Discuter prudemment mais de manière responsable de cette notion d’autonomie »
« La société civile doit aider les politiques à franchir le pas, mais pas les effrayer »
« 1927, apparition de l’autonomie sur la scène bretonne »
« Deux chiffres relatifs à l’impôt en France : TVA 185 Milliard d’Euros, CSG 125 Milliards d’Euros »
« Il est possible de sauver nos langues de France ». « Parler différemment, c’est penser différemment »
« Comprendre la différence entre langue commune (le Français, NDLR) et langue unique (rien que le Français, NDLR), qui nous mènera un jour à la catastrophe (l’anglais universel) ».
« La décentralisation, une grande comédie ». « Macron, l’un des présidents les plus centralisateurs de la V° République »
« Quand le jeu est truqué, refuser de jouer. Ou du moins chercher dans cette direction »
« Au niveau de la France, il y a un risque de déliquescence financière »
« Dans la Constitution, on peut tout mettre (cf statut de la Nouvelle-Calédonie ». « Un projet de statut constitutionnel pour la Bretagne ? L’écrire, le voter, le porter constitutionnellement »
« Disparition de la notion de Biens Communs dans le droit français (exemple : biens communs numériques, les logiciels libres) ».
« Notion de nation-poésie, qui tient par l’imaginaire »
« Le Conseil Constitutionnel est un organe politique, et non pas juridictionnel » (J-G Talamoni)
« L’imaginaire, la façon dont on se voit, ce qui détermine le comportement » (J-G Talamoni)
« La langue, la culture, une manière de participer au monde » (J-G Talamoni)
« En Corse, il y a eu des victoires électorales, mais les victoires politiques se font toujours attendre » (J-G Talamoni)
« L’autonomie, à la fin c’est un statut, un pacte social entre un Etat et un territoire autonome » (Lluis Puig I Gordi)
« Les flux financiers annuels entre Catalogne et Etat espagnol : 53 Milliards euros de Catalogne vers le gouvernement espagnol , 35 Milliards euros du gouvernement espagnol vers la Catalogne » (Lluis Puig I Gordi)
« De tous les pays qui sont devenus indépendants de l’Espagne (anciennes colonies espagnoles, NDLR), aucun n’a demandé à redevenir espagnol. Ce qui veut dire que c’est bon d’être indépendant » (Lluis Puig I Gordi)
« Mettre à disposition du public des informations fiables et chiffrées, pour montrer que nous pouvons nous occuper de nos affaires » (Gwenaël Henry, fondateur du site, « Yes Brittany » qui attend la contribution des volontaires pour renseigner les 17 domaines ou « compétences » en attente de données).
. Penn-bras , Pennoù-bras (au pluriel) Personnalité importante
. Emren (adjectif) autonome
. Emren, Emrenerezh (substantif, le mot est masculin en breton) autonomie
(voir notre article) La Bretagne demande l’autonomie (vidéos), à propos du voeu voté au Conseil Régional
Article ouvert aux commentaires (français / brezhoneg). Ma fell deoc'h kas un displeg pe ur gerig e brezhoneg e vo degemeret mat kenkoulz hag e galleg.
■Non M. Le Floc'h, la Bretagne NE peu pas vivre sans la réunification avec la Loire-Atlantique.
Ce n'est pas complexe quand on est breton, c'est la base de toutes discutions.
Que donnerait une autonomie de la région bretagne (B4) ?
Pour l'autonomie il faut réunir tous nos atouts historiques, économiques, politiques et géographiques.
Non pas automatiquement du tout, car en France l'autonomie ne s'acquiert qu'au forceps. L'autonomie ce n'est pas de la déconcentration avec des Préfets, ce n'est pas du «partout pareil».
Cf Nouvelle Calédonie, Polynésie, Corse etc Et je dis en France, mais globalement, c'est valable un peu partout.
Par ailleurs dans le fonds, l'autonomie des Pays-de-la-Loire (on est vraiment chez Utopia là) serait-elle pire que la situation où tout quasiment est dirigé par Paris ??
L'autonomie, c'est déjà un avenir peut-être pour l'enseignement du breton. L'enseignement du breton, très honnêtement, je ne pense pas que ce soit un enjeu majeur dans le 44. Rappelons au passage que le 44 pèse environ 38% des habitants de la Région Pays-de-la-Loire et donc des élus.
Ce qui me gène le plus dans votre approche, c'est que vous donnez le sentiment de croire à une évolution possible purement technique. Du style il faut un vote du CD 44 puis si, puis là. Et là on arrive à la réunification avant de passer éventuellement à autre chose. Je vous rappelle quand même que la même majorité qu'actuellement au Conseil départemental a jeté à la poubelle une pétition pour une consultation sur le sujet de 10 % de ses propres électeurs.
La situation actuelle est justement faite pour qu'il n'y ait aucune avancée. Tout le mécano est fait pour cela. Les élus PS locaux eux-mêmes, qui sont profondément attachés à l'absence d'autonomie justement, et en particulier pour la Bretagne, ne veulent pas réunifier la Bretagne. C'est évident. Donc vous espérez quoi au juste ?? L'autonomie des Pays-de-la-Loire contrairement à ce que vous indiquez n'existera jamais, car les premiers à ne pas en vouloir sont les vendéens, les sarthois etc
Il y a une lutte culturelle, puis il ne faut surtout pas conditionner en premier une autonomie à une question de territoire car si vous faites ce parallèle, je peux d'ores et déjà vous dire que Paris ne voudra surtout pas rattacher le 44 à la Région Bretagne et c'est pas l'atmosphère très réservée qui règne dans le 44 vis à vis de la Bretagne qui va forcer à quoique ce soit.
On a parlé de l'autonomie à Carhaix, pas à Chateaubriant ou St Malo. Je trouve complètement aberrant également que le mouvement breton n'a toujours pas intégré cette donnée fondamentale qui est culturelle. Le périmètre B5 est en inadéquation avec nos forces et avec les conceptions corses, flamandes ou basques de l'autonomie.
C'est aussi un point important. Pour moi dans le concept d'autonomie, il y a forcément un moment où une différenciation doit avoir lieu entre la Région et une sorte de grand Finistère, en particulier concernant la place du breton dans la vie publique, et sur l'enseignement. Ce grand-Finistère pourrait avoir un statut de type alsacien-mosellan.
Les intervenants ont bien précisé, ceux qui ont eu des résultats dans leur pays, que la bataille était d'abord culturelle. Je le pense aussi en partie, mais on ne peut pas résonner à l'échelle purement de la Bretagne historique ou même de B4 par rapport à cela. Tout simplement car il y a des réalités distinctes de culture depuis des lustres entre Vitré et Carhaix. Je ne parle même pas de Rennes (ou de Nantes).
Non seulement la Bretagne est morcelée, mais la Bretagne de langue l'est aussi politiquement et c'est peut-être depuis 2 siècle le plus grave : 3 départements, dont où le territoire de langue bretonne est en minorité.
Je pensais que vous étiez une exception nazairienne bienvenue. Vous êtes originaire du Finistère, et j'en suis très déçu ! La par contre c'est démoralisant...
La Bretagne va en crever de tout cela, de ce manque de clairvoyance. Nous devenons la réserve indienne qui voudrait convertir les états uniens d'Amérique a un redécoupage
Je suis né en 1942 à St Nazer sous un bombardement,de pére nazairien, menuisier bord au chantier de Penhoet,et de mère Douarneniste fille de pêcheurs aux sardines, thons,etc..
Breton de coeur et internationaliste pacifiste mais résistant à l'envahisseur totalitaire .
Vouloir le même statut pour les politiques publiques du breton de Carhaix a Clisson (ou Bonifacio), c'est vouloir la mort du breton.
Par ailleurs que je sache l'Irlande que vous citez (qui est une île divisée en deux États), n'a pas conditionnée son indépendance a une question de territoire.
Pourtant le Gaélique historiquement est bien plus résistant au Nord qu'à l'Est.
On s'écarte du vrai sujet. Si vous voulez absolument B5 avant toute avancée vous risquez d'attendre longtemps.
L'exemple flamand montre justement que toutes les zones devenues francophones n'ont pas voulu rejoindre la Flandre au grand dam des flamands, car ils auraient dû utiliser le néerlandais dans leur vie quotidienne
Nous en Bretagne, on parle d'une zone vaste a l'échelle de B5 ou le breton n'est pas utilisé ou n'a jamais utilisé depuis des siècles. Et le breton n'est la langue officielle d'aucun État (contrairement au néerlandais)
Nous partons dans des espoirs qui ac coups sirs n'ont aucune chance de se réaliser. C'est complètement irréaliste.
Ce n'est pas une question de philosophie, juste de constater les mécanismes qui existent partout ailleurs.
Il n'y a pas 2 approches pour l'avenir de la Bretagne.
soit on connaît son histoire et sa géographie et on les respect. une Bretagne pour tous ceux qui vivent en Bretagne.
soit on chipote avec des relents de sélection génétique et autres tris malsains.
La Bretagne se fera avec la réunification de son territoire historique (9 pays ou 5 départements)
et par la récupération de son autonomie nécessaire à son développement économique et politique.
(dans une France fédérale et une Europe des Régions)
Il n'y a pas de relents génétiques, linguistiques, ethniques, celtiques, ou nostalgiques dans les Pays de la Loire M. Rafig
Je vous invite à regarder les 2 Youtubes ci-dessus pour bien comprendre ce dont on parle.