La Bretagne demande l’autonomie
Lors de la session des 7 et 8 avril derniers, le Conseil régional de Bretagne a adopté le vœu du groupe autonomiste Breizh a-gleiz, engageant solennellement l’Etat à ouvrir la discussion sur une autonomie législative, réglementaire et fiscale pour la Bretagne à cinq départements. Dans son discours d’ouverture de la session, le Président du Conseil régional, Loïg Chesnais-Girard, a endossé la proposition en prononçant un véritable plaidoyer pour l’autonomie. A l’issue des débats, la quasi-totalité des groupes politiques, depuis les communistes jusqu’aux élus LR, ont voté en faveur de ce vœu, intitulé Pour une Bretagne autonome dans une République des territoires aux fondations démocratiques fortifiées.
Seul le Rassemblement National n’a pas voté le vœu, rejetant l’idée d’une autonomie législative bretonne.
L’initiative de ce vœu est venue du groupe Breizh a-gleiz (UDB-ESNT), avec le soutien des écologistes. Le texte a ensuite fait l’objet de discussions avec la majorité socialiste et avec les centristes, amenant à quelques retouches, dont la suppression de la référence à une réforme fédérale pour la France. Le journal Le Télégramme rapporte d’ailleurs ce débat . Le texte final a été présenté par Aziliz Gouez, co-présidente du groupe Breizh a-gleiz, par ailleurs aussi élue à Nantes. Dans son intervention, Aziliz Gouez précise bien « que notre horizon est celui de l’autonomie de la Bretagne à 5 départements » et que le débat sur l’autonomie doit être mené conjointement avec l’autre grand débat sur l’avenir de la Bretagne, celui sur la réunification. Son groupe propose donc d’ouvrir la discussion avec l’Etat « sur les contours institutionnels de la Bretagne de demain, tant en termes de périmètre que de prérogatives » législatives et fiscales.
Le député et conseiller régional LR Marc Le Fur a souligné qu'il existait déjà en Alsace «un autre droit du travail plus protecteur des travailleurs, une autre sécurité sociale plus protectrice». «Il y a des législations spécifiques en France (...) Ceci nous ouvre des perspectives», a-t-il souligné. «Si nous allons dans ce sens, nous rendrions finalement un grand service à l'État lui-même» qui est «aussi omnipotent qu'impotent», a ajouté Marc Le Fur, évoquant la «défaillance d'un État qui s'est dispersé».
Loïg Chesnais-Girard s’est prononcé pour « un budget de l’ordre de 10 fois le budget actuel ». Gaël Briand (conseiller régional Breizh a-gleiz) a posé la question de la stratégie à adopter par l’institution régionale pour faire avancer les choses. Le 1er Vice-Président du Conseil Régional du groupe Alliance progressiste des socialistes et démocrates, Michaël Quernez, a répondu en suggérant la mobilisation de l’Association des Régions de France, qui s’est prononcée en faveur de l’autonomie des régions, et une initiative collective pour ouvrir la discussion avec le nouveau gouvernement, une fois passées les élections présidentielles et législatives du printemps 2022.
Dans un communiqué, l’UDB, le parti breton autonomiste, parle « d’une décision historique » et affirme que « pour la première fois, la Région revendique une part de pouvoir législatif » . Il s’agit aussi d’obtenir un véritable pouvoir budgétaire, à l’instar des autres grandes régions européennes.
La première étape de l’autonomie sera de nous donner des moyens sérieux à l’image des régions européennes, c’est-à-dire un budget au moins 10 fois supérieur pour répondre aux enjeux de logement, de mobilité, de santé, de transitions. L’ambition doit être de ce niveau.
Cette question de l’autonomie, nous devons la porter positivement. C’est un plus pour la République et pas un moins pour l’Etat. Ce n’est pas l’expression d’une frustration mais d’une ambition. C’est le sens du vœu qui a été déposé et amendé et qui sera discuté en fin de session.
Et cette ambition nous l’exprimons depuis longtemps avec le projet de création d’une Assemblée de Bretagne. Nous pouvons inventer ici une nouvelle collectivité construite autour des compétences nécessaires pour réussir les transitions. Quitte à secouer notre organisation territoriale, imaginons des nouveaux modèles tournés vers l’avenir plutôt que d’exhumer le projet de conseiller territorial. - Loïg Chesnais-Girard
Une autre avancée historique de cette session est l’officialisation des interventions en breton (et aussi en gallo). Nil Caouissin a été le premier conseiller régional à s’exprimer en breton dans l’hémicycle. Historiquement une grande première puisque, même du temps des États de Bretagne, on ne s’exprimait qu’en français.
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