La loi 3DS au service de la débretonnisation de nos campagnes

Chronique publié le 4/01/22 8:58 dans Langues de Bretagne par Yvon Ollivier pour ABP
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photographie du livre de "chroniques d'un peuple oublié"

Le projet de loi 3DS (différenciation, décentralisation, déconcentration et simplification) en cours de discussion n’est qu’un ajustement technique de l’aveu même de ses promoteurs et ne contient rien de décisif pour étendre les libertés locales. Pire encore, un amendement au projet de loi implique l’obligation de l’adressage dans toutes les communes françaises, alors que cette obligation ne concernait que les communes de plus de 2000 habitants. Dans tous nos hameaux, souvent désignés par une dénomination en langue bretonne, il faudra désormais un numéro et un nom de rue. La technocratie avance toujours, elle et son irrépressible besoin de contrôle. La poste est à la manœuvre. Et bien sûr, ces nouveaux noms répondront d’autant plus à la commande du Pouvoir qu’ils seront en langue française, exalteront les plus grands français ou la diversité venue d’ailleurs. La menace pour notre toponymie bretonne est d’autant plus forte que l’on sait bien qu’une fois les noms de rue en langue française mis en place, la dénomination du lieu-dit en langue bretonne tombera peu à peu en désuétude. Comme souvent, c’est au nom des plus grands principes – décentralisation, différenciation- que les coups les plus rudes sont portés à notre identité bretonne. Le diable avance masqué. Le Pouvoir en place, d’essence technocratique, ne considère pas la protection de l’identité locale comme un objectif à poursuivre. Il s’agirait plutôt d’un obstacle à la mondialisation comme à la mobilité.

Pour nous Bretons, la menace est forte. Que nous reste-t-il si ce n’est notre toponymie pour nous rappeler que nous sommes différents, que nous formons un peuple ? Déjà, on n’entend plus parler nos langues sur la place publique. L’objectif poursuivi par la République visant à tuer nos langues est presque achevé. Et l’avenir ne s’annonce pas sous les meilleurs auspices. On n’enseigne si peu nos langues à nos enfants qu’elles semblent condamnées à une mort certaine, en l’absence de sursaut qui ne vient toujours pas. L’histoire de la Bretagne sur un siècle ressemble fort à une longue descente suicidaire vers les enfers.

Demain, en l’absence de réaction forte des Bretons et de leurs élus, nos maires procéderont à de nouvelles désignations de rue, sans trop d’égard pour notre toponymie, parce qu’il est plus facile de descendre la pente que de la remonter. Ils procèderont ainsi à l’image de l’ancien maire de Telgruc-sur-mer qui ne voyait absolument pas le problème. La région Bretagne a les moyens d’être proactive sur le sujet. Dans le « plan Marshall pour nos langues » avancé par la liste « Bretagne ma vie » figure l’établissement de la carte de l’ensemble de la toponymie historique de Bretagne, afin de la préserver et d’en développer son usage. Bien sûr qu’il est possible de résister et d’aller de l’avant. Le Conseil régional de Bretagne doit aujourd’hui négocier avec l’association des maires de Bretagne un code de bonne conduite en matière de nouvelle désignation de rue, afin d’employer avant tout nos noms de lieux, et dans nos langues. Aucun peuple n’est condamné à disparaître. Même pas le nôtre. Aux élus d’agir.

Yvon Ollivier

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Vos commentaires :
Dimanche 5 mai 2024
Bonjour Yvon,

Il ne faut pas se tromper de combat. Il ne faut pas confondre une organisation «technique» et les entraves que l'on nous met à cause de l'article 2 de la Constitution. Et il ne faut pas non plus confondre adressage et dénomination des voies (y compris les lieux-dits).

L'article 52 du projet de loi 3DS est une avancée pour la souveraineté des communes en matière de source unique des informations voies-adresses. Car, justement, actuellement ce sont trop souvent des entités non légitimes (La Poste, Google, Here, Tom-Tom) qui dispersent leurs données dans les outils numériques. Avec cet article c'est la commune qui reprend la main, donc les élus. Ces futures dispositions ne sont que techniques et neutres. Et le multilinguisme est permis : nous y avons veillé. De plus, vous pointez les nouvelles dénominations (c'est important) mais le sujet est déjà le traitement du stock / de l'existant. Sur le stock l'existence de KerOfis (pour la zone bretonnante) est un atout extraordinaire.

Le besoin d'un adressage fiable a été mis en exergue récemment par le fibrage FFtH mais les manques étaient déjà là bien avant (1995 pour le plus ancien rapport parlementaire). Loin d'une volonté techno-structurelle c'est vraiment dans un souci de faire bénéficier aux habitants de services publics fiables que ces dispositions ont été conçues (ok : il reste l'étape décret d'application…). Disposer de bases adresses fiables pour les secours est également important. De plus en plus de maires sont interpellés directement dès qu'il y a un problème touchant à de l'adressage.

Ce que vous pointez ne concerne pas, je pense, l'adressage mais tout ce qui touche à la dénomination des voies et des lieux-dits. En la matière les élus ont tout pouvoir pour bien faire ou mal faire. On l'a déjà vu, notamment à Telgruc. Il existe cependant de nombreux guides et ressources documentaires ou gens de terrain pour faire en sorte de pérenniser et faire vivre notre patrimoine toponymique. Je suis donc en total accord avec la fin de ta tribune et, comme au Pays Basque, il serait opportun qu'un «programme» se mette en place. Travailler de concert avec les AMF départementales est une bonne idée. Et comme cela a fait l'objet d'un accord programmatique comme vous le rappelez : il semblerait qu'il «suffise» de lancer l'affaire.

A galon,
Maël REBOUX

Quelques ressources :
* Voir le site
* Voir le site
* Voir le site
* Voir le site
* la couche de microtoponymie des parcelles cadastrales : Voir le site

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