La région veut-elle ou peut-elle sauver la langue bretonne ?

Investigation publié le 10/11/21 8:05 dans Langues de Bretagne par Philippe Argouarch pour ABP
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En mai 2021 Daniel Cueff signait le plan Marshall pour sauver les langues de Bretagne. Aujourd’hui au sein de la majorité du Conseil régional de Bretagne, Daniel Cueff saura t-il l’implémenter ?
Yvon Ollivier rappelle au Conseil régional ses engagements sur le breton (275 vues)

Alors que France 3 annonce que les langues régionales seront à l’honneur sur ses antennes régionales du 22 au 28 novembre, ABP s’est penché sur les subventions de la région administrative Bretagne pour la langue bretonne pour les années 2020 et 2021. Les sources de ces données proviennent du site de la Région : data.bretagne . Vous trouverez ici les 4181 subventions, de 10 000 euros ou plus, allouées par la région administrative Bretagne aux entreprises, associations et communautés territoriales en 2021.

Nantes Métropole a un budget presque supérieur à celui de la région Bretagne

Le budget 2020 de la Région s’élevait à 1,6 milliard d'€ dont 655 M€ en investissements et subventions diverses. Celui de 2021 s’élève à 1,66 milliard. Ces budgets sont bien sûr insuffisants, juste un peu plus que le budget de Nantes métropole. Le budget 2021 de Nantes métropole s’élève à 1,3 milliard d’euros. Selon nos calculs, à ce jour, la région Bretagne a distribué 754 millions d’euros, soit un peu plus de la moitié de son budget.

Le Conseil régional est-il une SRCF ?

La plus grosse dépense du Conseil régional concerne les TERs (train express régional) dont les régions sont responsables. Mais comment ont-elles pu accepter une telle charge ? Il s’agit de 65 millions d’euros pour l’exploitation du TER en 2020 et de 170,9 millions pour 2021. Oui, un peu plus de 10% du budget de la Région est allé aux trains en 2021 ce qui fait de la Région une sorte de « Société Régionale des Chemins de fers Français » ou SRCF. La région aide aussi le développement du LGV et des gares. Que le train pompe autant de nos impôts est choquant. Certes ces TER sont nécessaires pour diminuer l’empreinte carbone des voitures, mais une société privée, même aidée pour le prix des billets, serait à envisager non ?

Puis vient la RN164 avec deux financements pour un total de 21 millions en 2021. La construction de cette route à 4 voies qui va de Rennes à Châteaulin dure depuis 50 ans. Elle va finalement s’achever.

Les fonds d’investissements : la région est aussi une banque

Pour la « reprise » en région Bretagne, suite à la pandémie, le fonds COVID RESISTANCE BRETAGNE a reçu 27 millions en mai 2020, le fonds BREIZH REBOND a reçu 20 millions en 2021 afin de pouvoir distribuer des crédits aux PME, le fonds EPOPEE transition (épopée gestion) a reçu un fonds de 10 millions en 2021 pour aussi prêter aux PME et TPE.

Éducation et culture

Puis viennent tous les lycées, dont la Région a la charge.C e sont des investissements énormes : le lycée J.M. Le Bris de Douarnenez a reçu pour son fonctionnement 24,8 millions en 2021 à lui tout seul. Les centres hospitaliers et les universités sont aussi aidés.

Ensuite, viennent les associations culturelles, les festivals comme le festival interceltique, et pour finir les clubs sportifs. De nombreuses communes sont aussi aidées financièrement mais est-ce le rôle de la Région de financer des communes ? Et pourquoi celles-ci plutôt que celles-là ?

Cet article n’a pas pour but d’analyser le pour ou le contre de milliers de subventions mais on s’étonnera tout de même qu’alors que le Conseil régional vient de voter un voeu en faveur de la réunification administrative de la Bretagne, l’association Bretagne Réunie, qui milite depuis plus de 50 ans dans cette direction, ne touche que 5000 euros. C’est autant que le club nautique de Lorient, deux fois moins que le conservatoire botanique de Brest et deux fois moins qu’une subvention pour filmer un documentaire sur les volcans. En anglais on dit : if you do not put your money where your mouth is, you have already lost.

Sauver la langue bretonne ? Est-on sérieux ?

Les filières d’enseignement

Pour la langue bretonne, la plus grosse subvention est celle de Diwan. Diwan Breizh a touché en 2020 : 1 143 000 euros, y compris une aide exceptionnelle en raison de la pandémie de 200 000 euros en novembre 2020. Soit un total de 1 476 300 euros. Le lycée Diwan de Carhaix a touché un total de 279 000 € en 2020. Soit un total pour Diwan Breizh plus le lycée Diwan de Carhaix pour 1 755 300 € pour 2020 . Cela paraît beaucoup ? Pas vraiment si on réalise que la Croix-Rouge de Brest a touché en 2021 : 2 109 151 euros pour l’aide alimentaire.

Div Yezh Breizh, l’enseignement du breton dans les écoles publiques a touché 110 800 € en 2020 et 100 000 euros en 2021. Donc une diminution ici.

Les formations pour adultes

Pour la formation pour adultes, STUMDI a touché 513 400 € en 2020 et 547 000 € en 2021. Skol an Emsav : 403 300 € en 2020 et 450 300 € en 2021, Mervent : 247 000 € en 2020 et aussi en 2021. Le total pour la formation pour adultes en 2020 est de : 941 500 € et pour 2021 de 1 244 300 € en 2021. Il y a effectivement ici une amélioration mais les cours restent chers pour beaucoup de personnes avec des revenus limités. Des bourses existent mais ce mécanisme n’a pu être identifié dans le fichier. Selon une source au conseil régional ce sont 145 000 € de "bourses" qui ont été votées pour le dispositif Desk destiné principalement à la formation des enseignants du breton.

Les associations qui font vivre le breton

D’autres associations qui donnent des cours de breton sont aussi aidées. Ces assos non seulement enseignent le breton mais souvent elles le font vivre dans des activités. 5 000 € pour Sten Kidna (Auray), 7 000 € pour KAB, Kultur ar brezhoneg, 16 000 € pour Telenn (St-Brieuc), trois subventions pour un total de 41 800 € pour Mignoned ar brezhoneg (Vannes). En Loire-Atlantique à Saint Herblain Yezhoù ha Sevenadur, qui promeut la culture bretonne y compris l’enseignement du breton a reçu une subvention de 25 000 euros en 2021. Même chose pour Kentelioù an Noz à Nantes qui offre aussi des cours et a touché 22 500 € en juillet 2021. Le financement de ces activités qui font vivre la langue sont très importants. Il est certain que des efforts peuvent être encore faits dans ce secteur.

Ofis publik ar brezhoneg

Ofis publik ar brezhoneg a touché 1 024 699 € en 2020 et 1 043 824 € en 2021. Ofis ar brezhoneg est-il assez financé ? On est en droit de se demander pourquoi le traducteur de breton ne marche que dans le sens breton-français ? Et aussi qu’en est-il de la numérisation du breton ? Il s’agit de développements informatiques comme la reconnaissance des mots tapés sur un clavier dès les premières lettres ou de la reconnaissance des phonèmes parlés pour les écrire. Le nouveau président de Ofis publik, Paul Molac, saura-t-il donner une nouvelle impulsion ?

L’audio-visuel

Pour la webTV en breton Brezhoweb, elle a été financée à hauteur de 229 254 € en 2020 via Lionel Buanic KROUI. Daoulagad Breizh qui diffuse des films en breton : 17 000 euros en 2021. Le breton sur France 3 Bretagne aurait reçu une aide de 183 500 € en 2021 selon un communiqué de la région. Selon le fichier de la région l’entreprise de doublage en breton DIZALE aurait reçu un total de 414 560 euros pour 2021.

En 2020, la région aurait consacré plus de 667 000 € à la production audiovisuelle et au doublage en langue bretonne par le biais du Fonds d’aide à l’expression audiovisuelle en langue bretonne (FALB). Des programmes bien connus des brittophones sont soutenus par le FALB, tels que le jeu d’aventure Foeterien ou le magazine de vulgarisation scientifique pour les 6-12 ans Na petra ‘ta. . La société de production de documentaires en breton Gwengolo filmoù a touché 123 500 euros en 2021. Chaque année, 15 à 20 productions audiovisuelles en langue bretonne bénéficient de ce fonds selon ce communiqué

Le bilan

Selon ce fichier des subventions (1) et d’autres sources, l’ investissement pour la langue bretonne en 2020 a été au environs de 6 millions € (2) soit en dessous de 1% du budget total de la Région. Il est difficile d’imaginer qu’il ait augmenté sérieusement en 2021 mais une augmentation de 400 000 euros aurait été voté lors de la dernière session du Conseil régional.

Le budget sera-t-il triplé en 2022 comme le demande le plan Marshall pour les langues régionales ? Ce plan qui avait été mis au point par Yvon Ollivier et son équipe à l’occasion des élections régionales avait été approuvé par Daniel Cueff et ensuite approuvé par Loïg Chesnais-Girard selon les dires de Daniel Cueff

(1) Le fichier mis en ligne par la Région fait près de 500Mo. Il a une trentaine de colonnes et 65 793 lignes à ce jour. Il comprend les subventions et les financements depuis 2014 - du moins presque toutes puisque la subvention de 22 000 euros pour l’institut culturel de Bretagne Skol Uhel ar Vro, touchée au mois de mars 2021, n’y figure pas.

(2) Ce chiffre est une estimation. La région prétend que c’est 8 millions.


Vos commentaires :
Samedi 27 avril 2024
Mais est-ce que la région peut tout?
Si une famille souhaite que son enfant apprenne le breton tôt (petite enfance) avec comptines et des histoires simples, comment peut elle? Puisque la majorité des crèches dépendent des communes et non de la région, et l'on sait déjà la difficulté pour diwan de récupérer son dû.
Bien sur, une aide ponctuelle, comme dans le finistère sur le modèle de divskouarn, est possible mais cela a le défaut de précariser l’internant et surtout de ne pas pérenniser son action.

Pour continuer sur l'exemple de diwan, la région s'occupant des lycées, il n'y en a que deux(ou trois?) dans toute la bretagne. Ainsi malgré son vouloir, les moyens sont limitées pour la région de pouvoir influencer sérieusement la politique linguistique bretonne.

Mutualiser les moyens avec les autres collectivités locales est nécessaire pour renforcer un parcours linguistique complet.
Car il s'agit d'un tout à créer. Lorsque l'on lit 150k pour former des enseignants par le dispositif Desk mais qu'il existe aussi pleins de formations éparpillées entre les strates territoriales, le manque de moyens accordées et le manque d'homogénéité sont criants.

C'est peut être ainsi cela qui manque à la région, une véritable volonté au risque de s'imposer car même si elle subventionne, elle ne semble pas vouloir administrer la problématique alors qu'il s'agit d'un véritable projet à mener par le vice président des langues de bretagne.

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