Les deux députés -Kerlogot, Euzet- mandatés par le Premier Ministre sur les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel déclarant l’immersion contraire à l’article 2 de la Constitution, viennent de déposer leur rapport.
Ce rapport ne me surprend pas du tout. Il n’est qu’une vaine tentative de nous faire croire que le Conseil constitutionnel n’a pas voulu faire cela, que l’Education nationale, et donc le système d’Etat, ne sont pas si méchants que cela. Ce dernier s’accommoderait bien de quelques promesses comme le caractère facultatif de l’immersion ou l’assurance que l’on ne veut pas se couper de la République en créant une société alternative qui soit effectivement bilingue.
Ce qui me surprend, c’est l’absence de culture juridique élémentaire de ces députés qui veulent nous faire croire que le Conseil constitutionnel a dit le contraire de ce qu’il a dit, alors même que la décision est on ne peut plus claire. Elle est si claire, cette décision, qu’elle ne saurait devoir relever d’une quelconque interprétation, sauf à vouloir lui faire dire le contraire de ce qu’elle veut dire. Nos députés ne peuvent ignorer le principe d’autorité absolue de la chose jugée des décisions du Conseil constitutionnel.
Comment pouvoir dire dans leur rapport que « Les pratiques actuelles de l’enseignement immersif ne sont pas contraires aux exigences constitutionnelles » alors que le Conseil constitutionnel vient de dire exactement l’inverse ? Comme beaucoup, j’ai été parent d’élève Diwan et nous savons fort bien ce qu’est la pédagogie immersive, censurée par le Conseil constitutionnel. La langue bretonne est la principale langue d’enseignement, ce qu’a voulu censurer le Conseil constitutionnel. Les députés pensent pouvoir rendre constitutionnelle l’immersion en rajoutant le caractère facultatif de l’expression en langue bretonne au sein des écoles et en rappelant le choix des parents ? Ils pensent qu’une nouvelle loi pourrait être prise pour rajouter ces précautions malgré le risque d’ encourir à nouveau les foudres du Conseil constitutionnel ? Ils pensent qu’une circulaire pourrait servir de base à une pédagogie déclarée non conforme à la Constitution ? Ce serait méconnaître que la France reste un Etat de droit, qui fait primer la norme supérieure sur la norme inférieure.
Cette décision des sages de la rue Montpensier, du 21 mai dernier, nous ramène à un projet très clair, celui d’une société monolingue, conformément au principe constitutionnel d’unicité du peuple français. Un seul peuple, une seule langue -le français- Les autres langues ne sont admises qu’à la condition d’être enseignée à la mode d’une langue étrangère, soit quelques heures. A la limite, on veut bien que l’enseignement de l’Histoire de France se fasse en breton, mais c’est à peu près tout. On appelle ça une filière bilingue en Bretagne.
Ce type de société que célèbre la tradition constitutionnelle de la France et la décision du Conseil constitutionnel du 21 mai dernier, est de type totalitaire, comme j’ai tenté de l’expliquer dans plusieurs ouvrages. Il s’agit même d’une donnée objective, lorsque l’on conteste l’existence de peuples entiers, qui vivent depuis des siècles sur leur territoire, et qu’on leur dénie le droit de s’exprimer dans la sphère publique dans leur langue, de transmettre leur langue , leur Histoire et leur culture à leurs enfants, au mépris du droit international. Et cette totalité, c’est exactement le contraire de l’unité.
Cette conception totalitaire de la société est aussi celle que défend le système de Pouvoir en France et notamment sa technocratie, largement parisienne.
Ce qui me choque le plus dans cette histoire de mission dévolue aux deux députés, c’est qu’ils aient accepté de jouer le jeu du Pouvoir avant les élections régionales et la future élection présidentielle, et ce afin d’essayer de nous convaincre que les méchants ne sont pas si méchants que cela, au fond.
Or nos droits sont bafoués d’une manière flagrante, et l’espérance de pouvoir sauver nos langues avec l’immersion, dont on connait les bienfaits, vient de s’effondrer. Diwan est menacé dans sa survie. On voit mal comment l’Etat renouvellerait les contrats d’associations, ou en conclurait d’autres à partir du moment où la pédagogie est contraire à la Constitution. Même la poursuite de ces contrats d’association, et donc la rémunération des enseignants pose question.
Pour faire simple, j’ai le sentiment d’être dans la situation de l’homme à qui on vient de placer un couteau sous la gorge. Et pendant que la lame s’enfonce lentement dans sa chair, il entend Kerlogot lui dire de ne rien faire et qu’il ne faut surtout pas s’inquiéter… On prendra bien une circulaire !
Alors que la situation actuelle nécessiterait une mobilisation sans faille et unitaire des Bretons autour de l’immersion et du soldat Diwan, ces députés nous disent de dormir en attendant que Blanquer s’occupe de nous, à sa manière. Son couteau s’enfoncera dans notre chair, soyez-en certains, si aucune main ne vient le retenir.
Si nous sommes dans cette situation dramatique aujourd’hui, sur le terrain des langues, comme de la réunification de notre territoire, c’est parce que des Bretons ont accepté, à un moment ou à un autre, de faire le jeu du système de Pouvoir en échange d’un joli strapontin. C’est parce que des Bretons accordent une caution démocratique au système qui est en train de les conduire dans les poubelles de l’Histoire, qu’il se maintient toujours.
Il faut dire avec force, au contraire, que nous ne voulons pas de société monolingue de type totalitaire mais bel et bien une société de type bilingue, voire plurilingue, avec qui plus est une souveraineté partagée.
Entre la totalité et l’unité, il faut choisir ! Il n’y a pas demi-mesure, Mr Kerlogot.
Yvon Ollivier
auteur
■Malgré Une DÉCLARATION, et toutes autres déclarations, il est démontré il me semble, qu’il faut les gagner, en les prenant!
Alors, seulement, tu pourras les faire respecter…chez toi.
Pour ton peuple? Peut-être!!!