Loïc Chesnais-Girard rameute la vieille garde du PS pour les régionales

Chronique publié le 20/05/21 14:35 dans Politique par Philippe Argouarch pour ABP
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Loïc Chesnais-Girard (photo presse La Bretagne avec Loïg)

Dimanche dernier le président de la région Bretagne sortant, Loïg Chesnais-Girard, a présenté à Landerneau ses 91 choix pour sa liste aux élections régionales en juin prochain.

On ne peut qu’admirer l’habileté du président sortant d’avoir pu rallier à sa cause le député Paul Molac, initiateur de la loi sur les langues régionales, Christian Troadec, le très régionaliste maire de Carhaix ou l’entrepreneur Loïc Hénaff, président sortant de Produit en Bretagne. Même le chanteur Gilles Servat a donné sa caution à cette liste. ! La liste est aussi soutenue par le PCF... Alors, quels sont les points communs entre tous ces gens ? La réponse est toute simple : Une fidélité envers l’agro-business, qui oui, est créateur d’emplois. Mais qui, oui, est aussi destructeur d’un écosystème devenu la seule valeur sûre de la Bretagne sur le long terme.

La vieille garde cumularde du PS appelée à la rescousse

On notera aussi dans la liste une flopée de maires élu(e)s sous l’étiquette PS comme Fanny Chappé, conseillère régionale sortante et maire de Paimpol, tête de liste pour les Côtes d’Armor. Michaël Quernez, maire de Quimperlé, 1er vice-président du département, et tête de liste pour le Finistère. Anne Gallo aussi vice-présidente sortante du Conseil régional et maire de Saint-Avé, tête de liste pour le Morbihan. Pour compléter les listes, le président sortant a même fait appel à François Cuillandre, le maire de Brest favorable à la fusion Bretagne Pays-de-la-Loire, ou à la maire de Quimper, Isabelle Assih.

Un régionalisme de circonstance

Tout le monde est régionaliste quand il s’agit des élections régionales. Loïc Chesnay-Girard est devenu Loïg. Le slogan de sa campagne : La Bretagne avec Loïg est « Moins de Paris et plus de Bretagne ». Il s’agit aussi de rameuter le plus possible du côté des breizhoù tout en conservant les « progressistes » de la gauche bretonne fidèle au PS, même si juste aux seconds tours des élections. Oui, ceux qui se disent de gauche avant de se dire Bretons. Il faut être habile pour manoeuvrer dans ces univers différents. Tant les militants bretons ont été déçus par tant de promesses non tenues venant du PS depuis 1980 que même l’UDB a quitté le navire. Le coup de grâce porté aux croyants a été l’incroyable désinvolture de Philippe Grosvalet, aussi membre du Parti socialiste, et président du conseil départemental de la Loire-Atlantique depuis 2011, qui a jeté au panier une pétition de 105 000 personnes en faveur d’une consultation pour la réunification administrative de la Bretagne. Nous n’oublions pas non plus l’infâme réforme territoriale de 2014 du président PS François Hollande. Un coup tordu qui ne faisait pas partie des 60 engagements du candidat à la présidence.

De son côté, le président sortant a pour une fois été clair dès le début de sa présentation à Landerneau « Nous sommes régionalistes, nous ne sommes pas nationalistes ». On le savait. Le nationalisme c’est pour les autres, les Ecossais, les Catalans, et même les Jacobins, mais « c’est pas pour nous. ». Les nationalistes ne voteront certainement pas pour Loïg.

Pas de plan Marshall pour le breton

On ne peut pas dire que Loïc Chesnais-Girard a été un mauvais gestionnaire. Il propose d’ailleurs un bilan de 30 pages qui n’est certainement pas nul. Alors quoi ? Les défenseurs de la Bretagne, appelez les ’autonomistes’, ‘nationalistes’ ou même ‘fédéralistes’, reprochent à Loïc Chesnais-Girard deux choses. La première est de laisser crever la langue bretonne avec un budget ridicule. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Selon le juriste et analyste politique Yvon Ollivier il n’y a que « 3% d’enfants scolarisés en classe bilingue, contre 50% au pays basque nord, avec un taux de progression du nombre d’ élèves qui n’a jamais été aussi faible qu’en 2020 ». Même Diwan perd des élèves depuis deux ans. Certes la région a augmenté le budget des langues de 375 000 € en 2020 par rapport à 2019, mais ce budget reste bien trop faible pour inverser le cours des choses.

Certains ont fait remarquer que si cette industrie agro-alimentaire, au coeur de l’économie bretonne, et le principal soutient de Loïc Chesnais-Girard, finance en partie la culture bretonne, ses festivals, son image de terroir à traditions, son folklore etc., c’est tout simplement parce que la culture a chez nous une dimension importante pour le marketing. L’odeur du terroir et les bourdons des cornemuses et autres talabardeurs font vendre. La langue bretonne, elle, ne fait pas vendre du porc ou des galettes de blé noir en sachets. Pire, des entrepreneurs ont peur devoir un jour tout mettre en bilingue et voir les coûts de production des emballages augmenter.

Le breton, et dans une certaine mesure le gallo, sont pourtant l’essence même de notre identité.

Un Hollande breton ?

La deuxième chose que les militants de la cause bretonne reprochent au président sortant, c’est de ne pas être capable de taper du poing sur la table. On l’a vu lors de la réforme de l’enseignement du ministre Blanquer, une reforme qui marginalise encore plus l’enseignement des langues régionales. On l’a vu plus récemment lors de la pandémie avec les confinements abusifs imposés à la Bretagne alors que la situation sanitaire était ici bien meilleure que dans le reste de la France.

Selon le quotidien Le Télégramme, François Hollande serait un de ses conseillers et même un de ses amis. Les plus méchants appellent d’ailleurs Loïc Chesnais-Girard « le Hollande breton » ou  le président du Conseil régional « normal ». Il est en ce sens le fidèle héritier de Jean-Yves Le Drian. Le Drian est légaliste, loyaliste, constitutionnaliste, en gros un parfait républicain. Le Drian avait refusé une réunion du Conseil régional de Bretagne et Conseil départemental de Loire-Atlantique sous le même hémicycle car « illégale » . Comme son prédécesseur, Loïc Chesnais-Girard est un homme du statu quo qui ne fera jamais rien qui pourrait nuire à sa carrière.

La fin d’une époque

Partout en France le PS est en plein recul sauf en Bretagne. Aux européennes, le PS a reçu une fessée avec 7% des suffrages. Aux dernières municipales, la plupart des grandes villes de l’hexagone sont passées Europe-Ecologie-Les-Verts (EELV) ou autres, mais pas PS. Il n’y a qu’en Bretagne où des maires PS se sont maintenus. Alors le PS gardera t-il cette région ?

Le seul sondage, celui du Télégramme, donne gagnant au premier tour avec 18% la liste du Vice-président sortant Thierry Burlot, ex-PS, mais soutenue par la République en Marche. La droite républicaine et régionaliste arriverait juste après. Le premier tour se jouera donc dans un mouchoir de poche. Il y aura sans doutes quatre ou cinq listes présentes au 2nd tour, dont celle d’un outsider : Daniel Cueff qui, lui, continue de donner des coups de pied dans la fourmilière. Le Parti breton progresserait avec 5%. Quant à l’UDB, elle a refusé de dévoiler ses accords « secrets » avec EELV suite aux négociations pour faire liste commune. Créditée de 11%, cette liste pourrait se maintenir au second tour et obtiendrait donc quelques sièges, mais on ne sait pas trop ce que EELV acceptera venant de l’UDB sans contrarier l’état-major parisien. On sait que dans les Pays-de-la-Loire, EELV est contre la réunification administrative du 44 et de la Bretagne.

Comme d’habitude le grand gagnant risque d’être l’abstentionnisme.


Vos commentaires :
Jeudi 2 mai 2024
Je suis d’accord avec l’analyse de Penn kaled. L’émancipation de la Bretagne viendra du degré de pouvoir qu’elle aura pour gérer ses propres affaires et la capacité de faire des lois qui lui semblent bonnes pour son peuple et son avenir. C’est aussi par l’enseignement d’une histoire reconstruite hors du roman nationaliste républicain.
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