Musique, chansons, et bien sûr, cinéma ! De Whisky Galore (Whisky à gogo) d’Alexander Mackendrick, à Lost in translation de Sophia Coppola ou The Angel Share (La part des anges) de Ken Loach, le whisky, dont l’étiquette vole au pavois des pubs pour certains et pour d’autres finissent sous le manteau des commissaires-priseurs, est aussi collectionné comme des tableaux. Il en est ainsi des The Macallan de 1926 et d’autres, qui cotent plus d’un million d’euros chacun. Leurs tirages limités, l’esthétique même des flacons, leurs étiquettes peintes par des artistes, font leur rareté. La Bretagne n’est pas en reste. A Plomelin en Cornouaille, nous avons aussi le Eddu, que la dynastie le Lay s’évertue à faire connaître aux quatre coins du monde. Interview de Patrick Mahé pour l’A.B.P.
Patrick Mahé : Il s'agit d'un Midleton de 45 ans d'âge, qui tire son nom du village de Midleton, aux portes de Cork, en Irlande, là où se tient l'imposante distillerie d'Irish Distillers, propriété du Groupe Pernod-Ricard. Un whiskey irlandais, donc. Il n'en existe que 48 flacons, Il a été distillé par Barry Crockett, maître distillateur. Sa cote oscille autour de 40.000€ pièce. Je l'ai choisi pour sa ligne qui rappelle la calandre d'une voiture de collection de type Bugatti. La carafe est en cristal soufflé, gravé à la main.
ABP : Quel est le flacon le plus coté du livre ?
Patrick Mahé : Un Macallan (Speyside, en Écosse) de 1926 qui s'est vendu 1,7 million d'€ aux enchères. Plusieurs flacons de Macallan, labellisés 1926 sont partis autour du million d'€ pièce. Les carafes de «Six Pillars» (des Lalique) sont à 25.000€ chacune. Une collection complète des six est partie aux enchères pour en 2017, pour 870.000€ chez Sotheby's à Hong Kong.
Patrick Mahé : De plusieurs voyages en Ecosse et en Irlande. Puis aux Etats-Unis : Tennessee (pour le Rock'n'Roll) et Kentucky. Enfin, au Japon et à Taïwan. Le Festival interceltique, à Lorient, n'est pas étranger à cette passion culturelle.
Patrick Mahé : C'est l'effet pervers du marché qui fait «flamber» les enchères. Les vrais collectionneurs sont guidés par la passion. Mais ils sont aujourd'hui doublés par la cupidité de spéculateurs dont la première démarche est de placer les flacons au coffre plutôt que de les exposer, à la manière d'oeuvres d'art ; or, c'est bien ce qu'ils sont. On a vendu récemment aux enchères la collection d'un authentique grand amateur : l'Américain Richard Gooding (décédé en 2014) qui sillonna le monde pendant des décennies en quête des meilleurs whiskies. La première phase de la vente (1900 bouteilles) a atteint 3,2 millions de livres sterling (3,6 millions d'€). La seconde (1958 bouteilles) régie par «Whisky Auctioner» a été différée pour raisons de Covid.
ABP : Avez-vous déjà assisté à une vente aux enchères de whisky ?
Patrick Mahé : Oui, à Hong Kong, point de départ de cet ouvrage. C'est en assistant, médusé, à la montée en flèche d'un «Yamazaki» japonais de 50 ans d'âge, que je suis parti à «la chasse aux trésors».
Patrick Mahé : Lalique, maître verrier avant tout, côté carafe. Les peintres ou illustrateurs Valério Adami et Peter Blake (étiquettes de Macallan), L'argentier écossais Thomas Fattorini (bouchons), de nombreux artisans pour les écrins en cuir...
Patrick Mahé : Tout dépend de l'heure à laquelle on se sert un «dram» (environ 3 cl).
D'abord un Irlandais vers 17 heures : Midleton est un «must», mais aussi un bon Redbreast ou Crested Ten, tous deux distillés trois fois, donc suaves «smoothie».
Puis un écossais de la vallée de la Spey (un Macallan de préférence, mais aussi un Dalmore, un «The Balvenie» de 25 ans d'âge ou Craigellachie 31 ans) ;
Enfin un whisky iodé, tourbé d'Islay (plutôt un Ardbeg 21).
En tant que cinéphile, je reste fidèle au «Hibiki» (17 ans) côté Japon qui a mis en lumière Bill Murray et Scarlett Johansson. et sur le plan Breizh, je reste fidèle «Eddu» breton, seul whisky de blé noir au monde.
Patrick Mahé : A Dublin, au Pub O'Donoghue's, près des jardins de St Stephen's Green, où les balles ont sifflé pendant la Révolution irlandaise - là où s'est formé le célèbre groupe des «Dubliners » («Seven Drunken Nights», «Whiskey In The Jar») - j'ai dû chanter «La Blanche Hermine» a capella. C'était au bout de 3-4 tournées (une tradition en Irlande)... Gilles Servat ne m'en voudra pas, j'espère. Dans les années 70, j'ai obligé le «Harry's Bar» à Paris à servir de l'Irlandais au verre, alors que le barman le réservait à l'Irish coffee : une hérésie ! Peut-être était-ce alors la griffe d'Andy McElhone, le propriétaire aux racines... écossaises ! Rapidement, les choses sont rentrées dans l'ordre et le trèfle de Saint-Patrick y tutoie désormais le «saltire» (la croix de Saint-André) d'Ecosse. Aux deux saints celtes de croiser le verre avec le fair-play des rugbymen gaéliques ! Dans le livre, je passe en revue un certain nombre d'endroits, à travers le monde, où le whisky est roi. Le plus étonnant est sans doute le «Golden Promise», rue Tiquetonne, à Paris, une cave très chic. A Quimper, immanquable Ceili. A Vannes, le John O'Flaherty près de l'Hôtel de Ville et, sur le port, le Paddy's.
Patrick Mahé : Pour toutes les occasions. A chaque bouclage de Paris-Match, par exemple. Mais, bien sûr, whisky et whiskeys, nobles breuvages, se respectent d'autant mieux qu'on les savoure avec modération.
Patrick Mahé : Ya, evel just ha gant plijadur ! Outre les références au Festival interceltique - qui nous unit tous - il y a l'exposition du Eddu Diamant et une pleine page sur le whisky «IPG» ( indication géographique protégée). C'est le cas des whiskies d'Armorique : Kornog de la «Celtic Whisky Company», Armorik de chez Warenghem à Lannion, bientôt Galaad (La Mine d'Or en Morbihan) aux portes de la forêt de Brocéliande. La distillerie des menhirs à Plomelin, près de Quimper/Kemper, fait flotter le «Gwenn ha Du» sur le marché. D'autres jouent le triskell. La plupart sont réunies sous la bannière de «Produit en Bretagne» («Produet e Breizh»)
Editions Gründ.
240 pages / 69€.
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