Je viens d’apprendre avec plaisir que le nouveau Conseil municipal de Telgruc-sur-mer va bien donner de nouveaux noms de rue, à la demande de la Poste, mais il va le faire dans notre langue bretonne. L’association EOST sera chargée de lui faire des propositions en ce sens. Souvenons-nous, il y a un peu plus d’un an, les artistes et auteurs de Bretagne avaient lancé une mobilisation contre le projet de l’ancien maire visant à nommer de multiples noms de lieu, exclusivement en Français, conformément à la loi Toubon disait ce dernier, et souvent de manière totalement hors sol. Une manifestation organisée par Kevre Breizh avait eu lieu sur la plage de Telgruc.
Ce maire a perdu les élections et on peut penser que la forte résonance médiatique de l’affaire y est pour quelque chose.
Quelles conclusions tirer de tout cela ?
Ma première réflexion est que la mobilisation paie toujours dans notre monde ultra-médiatique. L’avenir appartient à celles et ceux qui savent maîtriser les outils modernes de communication pour faire connaître l’injustice de leur sort. Je crois pouvoir dire qu’à ce petit jeu, nous ne sommes pas très bons.
Et pourtant, nous aurions tout à gagner à bouger et ce d’autant plus que nous sommes nombreux – et même majoritaire en Bretagne- et que les injustices que nous subissons sont indéfendables sur le plan du droit international comme sur celui de la morale. La démocratie ne saurait tout légitimer et certainement pas la mort d’une langue.
Ce qui m’a le plus surpris, dans cette affaire des noms de lieux, c’est le silence de nos adversaires traditionnels. Les jacobins étaient comme pétrifiés et n’ont jamais su faire entendre une voix discordante. Nos pires adversaires, partisans farouches du national-souverainisme et de la destruction de la diversité culturelle, comme le rassemblement national et la France insoumise- étaient aux abonnés absents.
Le charisme de gens comme Alan Stivell ou Nolwenn Korbell n’explique pas tout ! Les Bretonnes et les Bretons aiment leur culture. Ils ont compris tout l’intérêt que représentent leur langue et leur identité dans cette mondialisation broyeuse de différences. Ils étaient avec nous.
Ma seconde réflexion consiste à rappeler que l’on peut aussi attribuer de nouveaux noms de lieux en breton. Il suffit d’en avoir la volonté, et surtout l’idée. Notre langue bretonne est plus ancienne que le français, mais c’est aussi une langue d’avenir. Dans chaque situation où les municipalités sont amenées à forger de nouveaux noms de rue ou de quartier, le premier réflexe doit consister à se tourner vers le passé et la toponymie du lieu pour y puiser le nom adapté. L’histoire fait sens, le plus souvent. Si aucun nom utile n’apparaît, rien n’empêche de faire preuve d’imagination, de désigner les lieux en breton ou en gallo, ou de mettre en place une désignation bilingue. Il est encore possible de se plonger dans l’histoire locale pour honorer la mémoire de femmes et d’hommes du pays qui ont accompli de grandes choses.
Ma troisième réflexion consiste à appréhender la situation générale. L’arbre de Telgruc cache une forêt qui, trop souvent, n’en a que faire de nos langues. Nous connaissons tous des endroits où un Conseil municipal bien intentionné a attribué à de nouvelles rues, des noms qui fleurent bon la banlieue parisienne. Il est aussi permis d’être optimiste en considérant que l’affaire des noms de lieu a dessillé les yeux d’un grand nombre de gens et qu’ils ne seront pas si nombreux les maires à reproduire les erreurs du maire de Telgruc, ne serait-ce que pour éviter de subir la même déconvenue. Certains maires avaient compris avant les autres, comme à Plonevez Porzay où une carte exhaustive de la toponymie bretonne a été établie.
C’est sur le terrain que la bataille se joue, au sein des Conseils municipaux mais aussi dans la capacité des Bretonnes et des Bretons à interpeler leur maire sur ces questions et à faire toute proposition utile. Si toutes les communes ne disposent pas d’association aussi dynamique que celle d’Eost, rien n’empêche d’agir, via une association, ou à titre individuel, afin que la question soit posée. Il suffit d’oser !
Pour conclure : lorsque j’étais enfant à Brest, la ferme familiale comportait un champ éloigné au « dour Gwenn ». C’est ainsi que nous l’appelions. Un jour, ce lieu a reçu l’appellation « rue de l’eau blanche » par la mairie de Brest. Mais nous avons continué à parler du « dour gwenn », comme si de rien n’était. En repassant dernièrement à Brest, je me suis arrêté sous un panneau. Et j’y ai lu « rue dour Gwenn ». C’est donc nous qui avions raison !
Yvon Ollivier
Auteur
■Ceci pour dire que les panneaux bilingues doivent être rédigés avec soin,en particulier s'agissant des mutations consonantiques, qui réhabituent les passants à la langue. On observe parfois des erreurs - en français aussi, mais c'est beaucoup plus rare - qui font penser que les processus de contrôle en commande/fabrication devraient être sécurisés.
Ra vleunio añvioù-ru brav e Breizh e bloavezhioù da zont....
On peut ajouter à cela une possibilité d'incitation par un concours, avec prix, récompensant par exemple le plus grand nombre de contributions, sachant qu'une contribution consisterait en :
un micro-toponyme breton de la commune pour lequel on veut en savoir plus,
le nom de la personne conduisant l'enquête,
le nom de la personne de connaissance (parents, grands-parents, ami de la famille ou voisin) ayant répondu
les éléments d'interprétation (y compris en forme vocale si possible) : traduction, prononciation, contexte...
Ce ne sont que des idées.... mais je pense que si tout le monde s'y met -associations culturelles, personnalités politiques ou artistes, municipalités souhaitant jouer le jeu-, on peut impulser un véritable élan à partir de ce qui s'est passé à Telgruc et mobiliser l'opinion publique bretonne de façon efficace.
Ce que vous signalez est l’exemple ahurissant d’une violence sournoise, toujours tapie. Qui parvient à sortir ses griffes, dans l’ombre. Cela fait mal au ventre. C’est la chair du pays qui est atteinte. C’est l’histoire confisquée. C’est la géographie piétinée. C’est l’avenir refusé.
On rappellera que les routes nationales (RN) sont à charge des collectivités territoriales depuis bien longtemps.
Comment un département, une région peuvent-ils tolérer ce qu’il faut bien qualifier d’exaction ?
Ne peut-on pas remonter les filières pour en connaître l’origine ? Et corriger ce saccage caractérisé.
Changerait-on à leur insu, et dans l’anonymat, le nom patronymique des gens ? Modifier un nom de famille est un acte difficile et engageant. ll y faut une demande soigneusement argumentée, et après décision de justice un passage au Journal Officiel.
La toponymie paraît plus impactante encore. Elle est un bien collectif, public et stable dans le temps, un socle sociétal et historique.
Il faut quand même noter que ailleurs, par exemple sur la quatre-voies sud-Bretagne, les nouveaux panneaux touristiques sont bilingues. Cette prise en compte du bilinguisme dans la communication constitue une amélioration certaine en direction de la population et des visiteurs extérieurs, qui ont le droit de savoir qu’ils entrent dans un territoire imprégné d’une langue européenne ancienne, qui entend se projeter dans le futur..
A propos d’entendre justement, quand aurons nous, sur les systèmes GPS automobiles, des prononciations correctes et audibles ? Là encore , c’est une question de respect de la population et des visiteurs extérieurs. C’est une question de volonté politique, qui pour une fois ne coûte pas cher à mettre en œuvre. Pourquoi la région, l’Ofis n’interviennent-ils pas auprès des acteurs industriels ?
Pegoulz e vo klevet brezhoneg distaget mat e-barzh hon otoioù ?