H-A : Mon Général, est-il exact que votre mère, qui était alors à Paimpont, en Bretagne, ait connu votre appel, le soir même du 18 juin ?
C.D.G : Oui, elle l'a su aussitôt par le curé du village. Elle a dit : « C’est bien comme ça. Je reconnais Charles, c’est absolument ce qu’il fallait faire ». Elle est morte quelques semaines après en disant qu’elle offrait ses souffrances pour le succès de mon entreprise. Elle vivait à Paimpont parce que mon frère aîné, Xavier, avait été mobilisé là pour garder un dépôt de matériel. Lorsque les Allemands l’ont fait prisonnier, ma mère est restée seule avec la fille de Xavier, ma nièce Geneviève de Gaulle, qui a été déportée à Ravensbrück. D’ailleurs tout le monde dans ma famille s’est bien conduit.
H-A : Dans quelles conditions s’est effectué le départ pour l’Angleterre de Mme de Gaulle et de vos enfants ?
C.D.G : j’avais vu ma femme à Carantec, en Bretagne, le 14 juin. En passant quelques minutes avec elle, avant de me rendre à Brest m’embarquer pour l’Angleterre, je lui ai dit : « « ça va très mal. Je m’en vais à Londres, peut-être allons-nous continuer le combat en Afrique, mais je crois que tout ça va s’effondrer. Je vous préviens pour que vous soyez prêts à partir au premier signal ». Dès qu’elle a reçu les passeports, envoyés par Margerie dans la nuit du 16, elle est partie pour Brest dans la voiture de sa belle-sœur. Elle a vu le consul d’Angleterre qui l’a fait partir sur un bateau anglais. Il ne restait plus beaucoup de navires dans le port.
Ces propos émanent d’une interview conduite par Henri Amouroux, auteur de l’ouvrage « Le 18 juin 1940 », paru chez Fayard en 1964. Il avait alors demandé au général de préciser quelques points que l’histoire et la chronique avaient laissés dans l’ombre sur cette journée. L’interview avait paru dans PARIS-MATCH.
C’est une des anecdotes que l’on peut retrouver dans le numéro HORS-SERIE / COLLECTION « A LA UNE » de PARIS-MATCH, « De Gaulle et nous », coordonné par le breton Patrick Mahé, qui reprend du service régulièrement pour les hors-séries du magazine, (il fut rédacteur en chef de l’édition hebdomadaire de PARIS-MATCH de 1981 à 1996). Ce numéro fait la part belle aux photos publiées dans les pages du magazine hebdomadaire français d’actualités et d’images né en 1949 et célèbre par sa devise : « Le poids des mots, le choc des photos ». De nombreux articles retracent le parcours de « l’homme du destin », tel que l’avait baptisé Winston Churchill, de l’Ile de Sein jusqu’en Irlande, en passant par l’Algérie et jusqu’à Colombey, rédigés par Jean-Louis Debré, Caroline Pigozzi et son interview de l'Amiral de Gaulle (99 ans !), Jean Farran, Raymond Tournoux, Jean Cau, Danièle Georget ou encore Denis Tilinac, décédé subitement il y a 10 jours et qui devait venir faire une conférence à Vannes le 6 novembre à l’initiative du Salon « Livr’à Vannes/ Levr’e Gwened ». Patrick Mahé y rédige aussi un article sur de Gaulle et l’Armorique, la langue bretonne et le pacte de fidélité qui s’est noué entre la Bretagne et de Gaulle dès l’arrivée des 17 premiers volontaires de l’Ile de Sein.
En kiosque - Hors Série Collection «à la une» PARIS-MATCH Septembre - Octobre 2020 - 7,50 €
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