Le breton face à la concurrence de l'anglais

Communiqué de presse publié le 5/06/20 8:44 dans Langues de Bretagne par Paolig Kombot pour Bretagne Majeure
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POUR BRETAGNE MAJEURE

SE PLAINDRE N'EST PAS UNE RÉPONSE POLITIQUE

Des députés inquiets pour le breton "face à la concurrence de l'anglais"

Dans la presse du 1er juin 2020, une douzaine de députés de Bretagne s'inquiètent de la concurrence que l'anglais fait au breton dans le cadre scolaire, suite à la réforme Blanquer. Ils l'ont écrit au ministre. C'est tout à leur honneur de s'occuper de la question.

Le collectif Bretagne Majeure, quant à lui, depuis sa création début 2019, a attiré l'attention sur la question de l'enseignement des langues de Bretagne. La majorité des parents est favorable au bilinguisme, à la condition que ce soit avec l'anglais. Après avoir résisté à l'idée d'un envahissement de l'anglais (ajout, en 1992, à l'article 2 de la Constitution, de la phrase : "La langue de la République est le français", puis loi Toubon de 1994, souvent contournée et même détournée par le Conseil constitutionnel pour contrer le développement des langues régionales), l'État semble amorcer un virage.

L'État et l'anglais : une approche nouvelle ?

Dès la rentrée 2020, des écoles bilingues anglais-français verront le jour, au moins une par département, le double en 2022. Nul doute qu'elles n'auront pas de mal à recruter des élèves, vu l'anglophilie ambiante, à commencer par celle de notre président qui utilise, à l'heure du Brexit, la langue de Shakespeare dans les rencontres européennes. Mais l'anglophilie des médias n'est pas en reste, conférer les nombreux fake news, agribashing et autres black Friday. L'attente de l'anglais dans la population est immense, et ce bilinguisme anglais-français ne pourra que prendre de l'ampleur. Il serait vain de penser, en effet, que les parents, y compris ceux que le breton intéresse, vont abandonner l'anglais au profit du breton.

L'exemple basque

C'est ce qu'avaient compris les Basques du sud au début des années 1990, qui disaient déjà que le basque ne pouvait concurrencer l'espagnol ou l'anglais, considérés comme langues internationales, alors que le basque n'a de statut que régional. D'où leur conception nouvelle d'un apprentissage précoce d'une triade linguistique cohérente, à savoir le basque, langue de la région, l'espagnol, langue de l'État, et l'anglais, langue internationale d'aujourd'hui. Cela leur a permis, par les ikastolas (équivalents des écoles Diwan), de contribuer à l'augmentation considérable du nombre de jeunes locuteurs en vingt ans (+ 130 000).

Droit à l'expérimentation

Or, c'est ce système que l'association des parents d'élèves Dihun avait contribué à instituer dès 1996 dans l'enseignement catholique : 1500 élèves étaient concernés par cet enseignement en 2006. Or, bien que l'on invoque toujours le droit à l'expérimentation, cette expérimentation tangible a été réduite à néant dès l'intégration de l'Office de la langue bretonne comme EPCC intégré à la Région. Pour l'Office, l'anglais n'avait pas sa place dans les filières bilingues. Aujourd'hui, toutes les filières bilingues qui avaient adopté ce dispositif plurilingue (breton, français, anglais) ont dû revenir au bilinguisme simple breton-français. Cela ne réjouit pas les parents. Telle école du Morbihan, qui comptait 180 élèves dans sa filière plurilingue en 2006, a vu ses effectifs diminuer de moitié depuis.

Prendre les bonnes mesures

Les Basques du nord (c'est-à-dire les Basques de France) ont compris que, s'ils n'adoptaient pas une stratégie différente, l'anglais détrônerait le basque dans l'idée même du bilinguisme. S'inspirant de ce qui se faisait dans les ikastolas, ils ont donc opté vers 2010 pour un enseignement plurilingue qui fait la part belle au basque, au français et à l'anglais (l'anglais est enseigné à raison de deux heures par semaine, mais avec une méthode adaptée au cadre bilingue). Aujourd'hui, dans les Pyrénées-Atlantiques, 50% des enfants basques suivent cet enseignement. En Bretagne, ce ne sont que 3% des élèves qui sont en filière bilingue. Continuons ainsi et le breton va disparaître en quelques années.

Utiliser ce que permet la Constitution

La question, à l'heure actuelle, n'est pas d'être inquiet de ce que fait l'État français pour les langues régionales : rien de bien, rien d'efficace. La question est de savoir si les Bretons, députés et citoyens, ont envie de sauver leurs langues ou non. Et dans ce cas, de prendre le taureau par les cornes, et les mesures nécessaires. La Constitution française permet la décentralisation (art. 1) et la dévolution des compétences (art. 72). Mais qu'en font les citoyens et leurs élus ? Se plaindre n'est pas une attitude politique. La politique c'est prévoir et organiser la réponse au problème posé.

Bretagne majeure.

Evid ma vo Breizh mestr war he zraoù.

Pour qe la Bertègn mene son drao.

Pour Bretagne Majeure :

Jean-Claude Le Ruyet

jeanclaudeleruyet at gmail.com


Vos commentaires :
Samedi 27 avril 2024
Tout cela est très intéressant.

Je suis également convaincu que l'avenir est au multilinguisme, sauf qu'à la différence de beaucoup je ne vois pas cela comme un ''progrès'' mais comme ''un retour à une situation normale''.

Ça peu paraître anecdotique, je pense que cette différence de perception est importante.

En fait sur cette planète, le multilinguisme est une banalité sans nom, c'était vrai en Bretagne jadis puis nous avons été ''civilisé''...

Je ne vais pas rentrer sur le terme ''semi-immersif'' que je trouve étrange, déjà que j'ai du mal avec le terme ''immersif'' qui s'il détient une réalité tangible, son usage actuel est presque devenu un moyen de clore tout débat.

Par contre, je parlerai du terme ''pédagogie''...
Il existe un mythe sur la ''pédagogie Diwan''...
Sauf qu'à Diwan il n'existe aucune pédagogie et c'est cela qui fait sa force : Chaque enseignant est extrêmement impliqué à titre personnel et toujours en perpétuelle remise en question sur son travail, l'échange entre les enseignants est également très fort : c'est à dire que si chacun des enseignants dispose de sa propre méthode d'enseignement, souvent les autres connaissent la pratique de l'un et de l'autre tous échange sur les points positifs et ceux qui le sont moins.

En fait, à Diwan, on considère que les professeurs sont des professionnels et qu'il n'est pas besoin d'un ''flic'' pédagogique à la Républicaine pour les diriger..

D'une certainement manière, on s'approche de la méthode finlandaise : l'école qui en Europe donne le plus de liberté aux enseignants, le moins d'heures de cours aux enfants mais qui obtient le plus haut niveau de connaissance.

Pour en revenir aux langues :
Oui, il faut trouver un moyen pour évaluer la performance de l'enseignement... Pas pour ''fliquer'' mais pour servir d'outil au dialogue...

Mais à mon avis, la première étape avant toute chose est de changer les mentalités archaïques des Bretons qui sont totalement pollués par l'idéologie Républicaine...

Apprendre des langues, c'est facile... c'est d'autant plus facile qu'on le fait jeune... mais il existe un impératif de bien les maîtriser... et pour cela il faut que la démarche première, avant toute les autres, soit le PLAISIR d'apprendre... :

- Apprendre sa propre langue (le breton pour nous : 1) parce que c'est la notre 2) parce que l'on va passer pour des ploucs face aux millions/milliards de personnes de cette planète qui parlent leur propre langue... (''je suis breton mais je ne parle pas breton'' : soit le meilleur moyen pour passer pour un inculte auprès de son interlocuteur même s'il a la politesse de ne rien dire... C'est mon cas, je suis un inculte et pas très fier et je sais que cela est choquant pour la plupart des personnes que j'ai rencontré au cours de ma vie: j'ai un peu voyagé...!).
- Apprendre 1 mais plus sûrement 2 voir 3 autres langues car c'est simplement la norme universelle (dans les siècles passés, dans le temps présent, et dans les années à venir...)... Être multilingue, c'est simplement une normalité depuis les débuts de l'humanité..!

Quand les Bretons, militants ou pas, auront compris cette évidence (il paraît que nous sommes ouvert sur le monde, aussi j'ai du mal à comprendre pourquoi c'est si difficile pour nous actuellement de comprendre cette réalité) tout le reste ira de manière naturelle (République, Banquer... ou pas).

Donc changeons les mentalités... et ça, ce n'est pas simple pour des Bretons pour la plupart ignorant de leur histoire et ignorant de la réalité du monde (ce qui est notre triste réalité actuelle au niveau national breton)!

PS : c'est hors sujet. Mais pour Hervé, je pense que vous confondez ''étatisme'' et ''nationalisme''... Les nations sont un concept vieux comme le monde et propre à l'humanité, l'étatisme est la main mise administrative dirigée par une minorité oligarchique pour imposer une identité artificielle à des peuples/nations différentes (on dit aussi ''état-nation'... mais ce n'est en rien du nationalisme, c'est exactement l'inverse, la confusion du mot au quotidien n'est pas sans raison). Je ferme cette parenthèse, elle aussi importante.

A galon deoc'h,

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