Le breton face à la concurrence de l'anglais
POUR BRETAGNE MAJEURE
SE PLAINDRE N'EST PAS UNE RÉPONSE POLITIQUE
Des députés inquiets pour le breton "face à la concurrence de l'anglais"
Dans la presse du 1er juin 2020, une douzaine de députés de Bretagne s'inquiètent de la concurrence que l'anglais fait au breton dans le cadre scolaire, suite à la réforme Blanquer. Ils l'ont écrit au ministre. C'est tout à leur honneur de s'occuper de la question.
Le collectif Bretagne Majeure, quant à lui, depuis sa création début 2019, a attiré l'attention sur la question de l'enseignement des langues de Bretagne. La majorité des parents est favorable au bilinguisme, à la condition que ce soit avec l'anglais. Après avoir résisté à l'idée d'un envahissement de l'anglais (ajout, en 1992, à l'article 2 de la Constitution, de la phrase : "La langue de la République est le français", puis loi Toubon de 1994, souvent contournée et même détournée par le Conseil constitutionnel pour contrer le développement des langues régionales), l'État semble amorcer un virage.
L'État et l'anglais : une approche nouvelle ?
Dès la rentrée 2020, des écoles bilingues anglais-français verront le jour, au moins une par département, le double en 2022. Nul doute qu'elles n'auront pas de mal à recruter des élèves, vu l'anglophilie ambiante, à commencer par celle de notre président qui utilise, à l'heure du Brexit, la langue de Shakespeare dans les rencontres européennes. Mais l'anglophilie des médias n'est pas en reste, conférer les nombreux fake news, agribashing et autres black Friday. L'attente de l'anglais dans la population est immense, et ce bilinguisme anglais-français ne pourra que prendre de l'ampleur. Il serait vain de penser, en effet, que les parents, y compris ceux que le breton intéresse, vont abandonner l'anglais au profit du breton.
L'exemple basque
C'est ce qu'avaient compris les Basques du sud au début des années 1990, qui disaient déjà que le basque ne pouvait concurrencer l'espagnol ou l'anglais, considérés comme langues internationales, alors que le basque n'a de statut que régional. D'où leur conception nouvelle d'un apprentissage précoce d'une triade linguistique cohérente, à savoir le basque, langue de la région, l'espagnol, langue de l'État, et l'anglais, langue internationale d'aujourd'hui. Cela leur a permis, par les ikastolas (équivalents des écoles Diwan), de contribuer à l'augmentation considérable du nombre de jeunes locuteurs en vingt ans (+ 130 000).
Droit à l'expérimentation
Or, c'est ce système que l'association des parents d'élèves Dihun avait contribué à instituer dès 1996 dans l'enseignement catholique : 1500 élèves étaient concernés par cet enseignement en 2006. Or, bien que l'on invoque toujours le droit à l'expérimentation, cette expérimentation tangible a été réduite à néant dès l'intégration de l'Office de la langue bretonne comme EPCC intégré à la Région. Pour l'Office, l'anglais n'avait pas sa place dans les filières bilingues. Aujourd'hui, toutes les filières bilingues qui avaient adopté ce dispositif plurilingue (breton, français, anglais) ont dû revenir au bilinguisme simple breton-français. Cela ne réjouit pas les parents. Telle école du Morbihan, qui comptait 180 élèves dans sa filière plurilingue en 2006, a vu ses effectifs diminuer de moitié depuis.
Prendre les bonnes mesures
Les Basques du nord (c'est-à-dire les Basques de France) ont compris que, s'ils n'adoptaient pas une stratégie différente, l'anglais détrônerait le basque dans l'idée même du bilinguisme. S'inspirant de ce qui se faisait dans les ikastolas, ils ont donc opté vers 2010 pour un enseignement plurilingue qui fait la part belle au basque, au français et à l'anglais (l'anglais est enseigné à raison de deux heures par semaine, mais avec une méthode adaptée au cadre bilingue). Aujourd'hui, dans les Pyrénées-Atlantiques, 50% des enfants basques suivent cet enseignement. En Bretagne, ce ne sont que 3% des élèves qui sont en filière bilingue. Continuons ainsi et le breton va disparaître en quelques années.
Utiliser ce que permet la Constitution
La question, à l'heure actuelle, n'est pas d'être inquiet de ce que fait l'État français pour les langues régionales : rien de bien, rien d'efficace. La question est de savoir si les Bretons, députés et citoyens, ont envie de sauver leurs langues ou non. Et dans ce cas, de prendre le taureau par les cornes, et les mesures nécessaires. La Constitution française permet la décentralisation (art. 1) et la dévolution des compétences (art. 72). Mais qu'en font les citoyens et leurs élus ? Se plaindre n'est pas une attitude politique. La politique c'est prévoir et organiser la réponse au problème posé.
Bretagne majeure.
Evid ma vo Breizh mestr war he zraoù.
Pour qe la Bertègn mene son drao.
Pour Bretagne Majeure :
Jean-Claude Le Ruyet
jeanclaudeleruyet at gmail.com
■