Assemblée de Bretagne : une nouvelle collectivité au service de l’intérêt général

Papier publié le 26/05/20 8:27 dans Politique par Stéphane Péan pour Breizh Civic Lab
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Nos société modernes sont confrontées à de grands défis qui dépassent les frontières régionales, nationales et parfois européennes. Au contraire d’une simple adaptation, il s’agit d‘engager une transformation de nos systèmes d’organisation et ce, à toutes les échelles. Afin de bâtir des territoires plus durables et résilients, les Villes et les Régions doivent désormais prendre le leadership et surtout, les moyens politiques de cette transformation. En Bretagne, le temps est venu de l’innovation politique en proposant l’Assemblée de Bretagne, un nouveau pouvoir régional renforcé facilitant l’intégration des politiques publiques. Toutefois, cette nouvelle institution devra être portée par une intelligence collective en impliquant la population dès sa fondation.

Les territoires, enjeu du développement durable

En 2015, les États Membres de l’Organisation des Nations Unies (ONU) adoptaient l’appel universel « Transformer notre monde: le Programme de développement durable à l’horizon 2030 » (Agenda 2030). Au croisement du développement économique, de l’inclusion sociale et de la protection de l’environnement, les 17 objectifs de développement durable qui y sont proposés couvrent l’intégralité des grands enjeux contemporains à l’échelle planétaire, tels que le climat, la biodiversité, l’énergie, l’eau, l’économie circulaire mais aussi la pauvreté, l’éducation, le travail, les inégalités ou encore la santé, le bien-être et la prospérité économique.

Ces objectifs (de développement durable) ne pourront être atteints par les États sans l’implication des Villes et des Régions__Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE)

Selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), ces objectifs ne pourront être atteints par les États sans l’implication des Villes et des Régions, c’est-à-dire sans une approche territoriale. Ainsi, l’Europe est-elle en train de finaliser sa nouvelle stratégie de cohésion, l’« Agenda territorial 2030 : Un futur pour tous les territoires » , déclinaison de l’Agenda 2030 à l’échelle de l’Union. Après avoir tardé à réagir, la France vient d’adopter sa feuille de route, présentant ses priorités à l’échelle nationale, et en appelle à l’« innovation territoriale » en rendant effective « la participation citoyenne ».

Afin d’atteindre ces objectifs, la mise en œuvre de politiques plus vigoureuses doit s’accélérer sur la décennie à venir. Pour ce faire, les instances internationales appellent à passer d’une approche sectorielle à plus de transversalité et d’intégration des politiques publiques à l’échelle des territoires. A ce titre, le principe de subsidiarité réaffirme l’exigence d’une prise de décision au plus près des citoyens.

L’impérative intégration des politiques publiques

La décentralisation à la française, plus gestionnaire que politique (pas de pouvoir réglementaire ou législatif ni d’autonomie fiscale), se caractérise par un écheveau de collectivités et de structures locales n’ayant pas de hiérarchie entre elles. D’autre part, les compétences sont distribuées de manière à ce que les collectivités se spécialisent par domaine sectoriel ou technique. Ce « séparatisme » fonctionnel, tant vertical qu’horizontal, impose des logiques de silos limitant fortement l’intégration des politiques publiques, pourtant condition sine qua non pour réussir la transformation.

Ce séparatisme fonctionnel, tant vertical qu’horizontal, impose des logiques de silos limitant fortement l’intégration des politiques publiques.__Breizh Civic Lab

Des démarches de coopération entre collectivités mais aussi avec les services déconcentrés de l’État sont certes envisageables mais entraînent des lourdeurs administratives, ralentissent les prises de décision, perturbent la mise en œuvre des politiques publiques et surtout ne facilitent pas la participation des citoyens au travers de nombreux modes de délibération souvent abscons.

De plus, la fragmentation des décisions ne facilite pas le pilotage des politiques publiques en temps de crise du fait d’une absence de vision globale et d’agilité.

En conséquence, l’enjeu d’une nouvelle gouvernance, portée par une réorganisation institutionnelle, s’avère indispensable afin d’optimiser l’action publique et lui permettre d’engager une politique plus globale. Par exemple, les compétences économiques (Région) et sociales (Départements) pourraient entrer en synergie et ainsi porter une politique plus efficace au service du territoire et de sa population.

Le passage à une collectivité territoriale unique

Sur la dernière décennie, un nouveau mode d’administration est apparu en France – la collectivité territoriale unique –, appliqué aujourd’hui à Mayotte (2011), en Guyane et à la Martinique (2015), ainsi qu’en Corse (2018).

Il s’agit d’une forme de collectivité décentralisée à statut particulier au sein de laquelle une seule assemblée exerce, sur son territoire, l’ensemble des compétences normalement dévolues à la Région et au Département. Elle permet de piloter des politiques de manière plus intégrée avec une plus grande cohérence générale, évitant les effets de cloisonnement très présents habituellement dans les relations entre collectivités agissant sur un même territoire.

La collectivité territoriale unique assure la séparation des pouvoirs, principe fondamental à toute démocratie représentative. __Breizh Civic Lab

La Constitution prévoit la possibilité d’instaurer une collectivité territoriale unique. Son article 72, qui liste les différents types de collectivités territoriales, dispose que la loi peut créer « Toute autre collectivité territoriale […] le cas échéant en lieu et place d’une ou de plusieurs collectivités ».

Contrairement aux collectivités ordinaires, la collectivité territoriale unique assure la séparation des pouvoirs, principe fondamental à toute démocratie représentative. En ce sens, elle dispose d’un organe délibératif élu au suffrage universel, l’Assemblée, mais aussi d’un Conseil exécutif élu en son sein.

L’Assemblée de Bretagne, une aspiration populaire

En Bretagne, l’idée d’une collectivité territoriale unique remonte à une saisine du Conseil économique et social régional (CESR) en 1999. En 2014, alors que le gouvernement engage un grand redécoupage des Régions, l’exécutif du Conseil régional de Bretagne propose la création d’une collectivité territoriale unique. Le député Jean-Jacques Urvoas, alors Président de la commission des Lois de l’Assemblée nationale, publie un ouvrage intitulé « Pour l’Assemblée de Bretagne », dans lequel il développe des propositions en faveur de la création d’une collectivité unique pour la Bretagne, Loire-Atlantique comprise. Cette initiative politique n’a pas abouti en raison d’un timing trop serré pour enclencher une dynamique constructive avec la population et les collectivités concernées. Un débat public d’envergure aurait pourtant pu être organisé en s’appuyant sur des méthodes de participation éprouvées.

61% des sondés affirment être favorables à la mise en place d’une Assemblée de Bretagne__Sondage Bretagne, TMO Régions (Juillet 2019)

En 2019, une initiative citoyenne lance un financement participatif sur les réseaux sociaux afin de commander un grand sondage sur l’ensemble de la Bretagne auprès d’un institut de sondage de renom. Les résultats, très largement repris par les médias régionaux et surtout nationaux, sont particulièrement édifiants. Forts de leur identité collective (79%) et confiants dans la capacité de leur région à relever les grands défis à venir (84%), 61% des sondés affirment être favorables à la mise en place d’une Assemblée de Bretagne (seuls 18% s’y opposent).

Un contexte propice à une consultation démocratique

En Bretagne, des responsables politiques ont proposé à plusieurs reprises de consulter la population lors de scrutins locaux. En mars 2021, les Bretonnes et Bretons éliront leurs représentants à la fois départementaux et régionaux. La question suivante pourrait y être posée: « Êtes-vous favorable à la création d’une collectivité unique en Bretagne à la place des Départements et de la Région ? ».

Un débat public devrait alors être organisé en amont en lançant une grande Conférence citoyenne régionale, à laquelle des citoyens tirés au sort échangeraient en vue d’aboutir à des recommandations sur différentes problématiques à éclaircir: périmètre régional, gouvernance, nouvelles compétences mais aussi autonomie fiscale.

Un débat public devrait alors être organisé en amont en lançant une grande Conférence citoyenne régionale__Breizh Civic Lab

Le Président Emmanuel Macron a promis à plusieurs occasions de « redonner le pouvoir aux régions » tout en faisant de la Bretagne un « laboratoire de l’innovation et de l’action publique de demain ». Le projet gouvernemental de révision constitutionnelle, converti désormais en une nouvelle loi « 3D », propose un droit à la différenciation pour les collectivités, leur permettant de choisir plus librement des compétences et de disposer d’un droit réglementaire adapté. En ce sens, l’Assemblée de Bretagne pourrait disposer dans les années à venir de nouveaux moyens différenciés afin de mieux répondre à ses problématiques propres, en lien avec son organisation territoriale spécifique, et surtout au service de son projet régional.

Nous appelons nos représentants politiques à organiser une consultation, lors des élections de mars 2021, sur le projet d’Assemblée de Bretagne. Il devra préalablement faire l’objet d’un véritable débat public en mobilisant activement la population. Ainsi, une Conférence citoyenne régionale pourrait être envisagée afin d’aboutir à des recommandations constructives pour la réussite du projet.

C’est en impliquant véritablement la population que nous pourrons transformer la Bretagne, et atteindre les objectifs de développement durable de l’Agenda 2030, portés universellement par les instances européennes et internationales.

SOURCE https://civiclab.bzh/2020/05/25/assemblee-de-bretagne/


Vos commentaires :
Mardi 7 mai 2024
@ Nanon-e-dad :
Vous faite erreur en écrivant : « (...) Loire – plus long fleuve d’Europe –». Au lieu d'Europe, sans doute vouliez-vous parler de France.
Le «plus long fleuve d'Europe» n'est pas la Loire (1.000 km) mais le Danube (4.OOO km).
Il est ainsi possible d'observer que l'UE est, amplement mais pas exclusivement, danubienne. Ce dont il serait grand temps de tirer plus de conséquences.
AV
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